Renouvelables : les installateurs et BET sont invités à s'emparer de la géothermie

"La géothermie, ça fonctionne !" À l'occasion d'une visioconférence organisée par l'UMGCCP-FFB (Union des métiers du génie climatique, de la couverture et de la plomberie de la Fédération française du bâtiment) sur le potentiel des installations géothermiques, les acteurs de la filière sont revenus sur les atouts et les freins de cette énergie renouvelable, locale et maîtrisée de longue date.
Géothermie électrogène (pour produire de l’électricité), géothermie à usage direct (exploitée entre 100 et 2.000 mètres de profondeur pour alimenter des pompes à chaleur et des réseaux de chaleur), géothermie assistée par Pac regroupant différentes technologies... Les options ne manquent pas pour les usagers souhaitant se tourner vers cette solution.
"Tous les sous-sols sont forables et géo-exploitables. On peut étudier une solution géothermique sur la quasi-totalité du territoire", affirme Christophe Luttmann, vice-présdident de l’AFPG (Association française des professionnels de la géothermie). À la pointe il y a une dizaine d'années, la filière a cependant connu une certaine sinistralité et manque aujourd'hui de foreurs.
"Il y a une reconquête du terrain perdu, mais ce n’est pas encore parfait", admet le responsable. D'après lui, l’offre de forage est encore limitée auprès des particuliers, mais satisfaisante auprès du tertiaire. Le secteur souffre aussi d'un manque de (re)connaissance : les installations géothermiques étant par définition presque invisibles, on ne sait pas toujours que des bâtiments sont chauffés ou rafraîchis par géothermie.
Un intérêt pour le confort d'été
Celle-ci a pourtant des atouts à faire valoir à l'heure où le confort d'été est de plus en plus pris en compte : "La géothermie permet de faire du chaud l’hiver, et on peut inverser le cycle l’été, en rafraîchissement passif ou actif. Cela permet de se rapprocher d’un équilibrage énergétique", explique Christophe Luttmann.
"Tous les sites tertiaires qui ont besoin de chaud, on peut leur greffer du frais. La réversibilité est donc une grande force pour la géothermie." Un autre avantage à considérer est le stockage inter-saisonnier, "sorte de batterie dans laquelle on vient charger du chaud ou du froid".
"De plus en plus de BET sont qualifiés en géothermie."
- Christophe Luttmann, vice-président de l'AFPG
De même, la Beteg (boucle d’eau tempérée à énergie géothermique) serait une solution d’avenir, "un défi salutaire mais qui ouvre beaucoup de portes" selon le vice-président de l'AFPG. L'idée est de composer avec des bâtiments voisins afin de mutualiser la ressource et d'optimiser les investissements, et in fine la performance.
"La PPE (Programmation pluriannuelle de l'énergie) nous a fixé pour objectif d'atteindre entre 4 et 5,2 térawatts-heures d'ici à 2028, un objectif réaliste et légitime, mais qui demande de l’ambition, de la remise en question et de la mobilisation." Le secteur estime avoir déjà toutes les cartes en main. Il lui reste néanmoins à massifier le développement des travaux de forage, à former de nouveaux professionnels, à "évangéliser" ces solutions et à industrialiser les processus.
"De plus en plus de BET sont qualifiés en géothermie", note Christophe Luttmann. Des freins réglementaires et législatifs persistent toutefois, notamment sur les seuils de puissance, aujourd'hui bridés à 500 kilowatts alors que la filière aimerait passer à 1, voire 2 mégawatts.
Vers de nouveaux modèles de financement
En outre, dans la mesure où il n'existe pas d’écoles de forage géothermique, les compagnons se forment sur le chantier. Les choses évoluent progressivement avec un CQP (Certificat de qualification professionnelle) élaboré par le secteur, "qui organise ses premières sessions de formation".
Une fois encore, la complémentarité des énergies revient sur la table : installer une unité géothermique avec un appoint à base de chaudières électriques ou de Pac air-eau est parfaitement envisageable, surtout dans le contexte international actuel, où les pays cherchent à asseoir leur souveraineté énergétique.
"On développe aussi de nouveaux modèles économiques, au-delà de Ma prime rénov' et du Fonds chaleur, qui est un gros levier pour le développement de la géothermie, mais qui n’est pas non plus un puits sans fond, et l’Ademe (Agence de la transition écologique) attend de nous que nous proposions des modèles innovants de financement", complète le responsable de l'AFPG. Les professionnels cherchent surtout à gommer le surcoût lié aux travaux de forage.
Si Pascal Housset, président de l’UMGCCP, fait part de son "incompréhension totale" sur la suspension de MPR, il reconnaît dans le même temps que la géothermie "est très peu concernée" par cet évènement, car elle s'applique, "dans la plupart des cas", à "des bâtiments de grands volumes", qui entrent dans le champ des CEE (certificats d'économies d'énergie). Le dirigeant tacle tout de même la politique gouvernementale en la matière : "On est passé de l’écologie à l’'escrologie' (sic), il faut vraiment sortir de ces circuits quasi-mafieux autour de la rénovation énergétique", grince-t-il.
Se serrer les coudes
En attendant, il souligne la robustesse des réseaux de foreurs et d’installateurs géothermiques. Là encore, les entreprises demandent à ce que la bonne solution soit mise au bon endroit. "La géothermie doit être an adéquation avec les consommations énergétiques", relève Pascal Housset. Certes, les coûts d’installation d'une Pac géothermique sont plus importants "mais les performances sont aussi plus importantes", pour des coûts de maintenance contenus.
"On n’aurait pas de difficultés à engager davantage de CPE (contrats de performance énergétique) sur ces solutions, car elles tiennent la route en matière de performance", ajoute-t-il. La profession constate bien des "frémissements" dans la demande mais celle-ci est encore plombée par une méconnaissance du sujet. Elle appelle donc à plus communiquer sur les technologies de géothermie, pourquoi pas en mettant l'accent sur la mutualisation : "Dans certaines zones d’activité, les systèmes de GTB peuvent permettre de piloter des ensembles de bâtiments afin de réduire les coûts pour chaque bâtiment", observe Pascal Housset.
"Les installateurs doivent travailler en concertation avec les industriels et les BET ; qu'on travaille tous comme une filière."
- Pascal Housset, président de l'UMGCCP
Pour gravir la pente, les acteurs doivent donc se serrer les coudes. "Les installateurs doivent travailler en concertation avec les industriels et les BET ; qu'on travaille tous comme une filière", plaide le patron de l'UMGCCP. Jusqu'à présent, "beaucoup de bonnes initiatives cloisonnées" ont assuré au secteur un certain développement, mais l'heure est venue de décloisonner les pratiques.
Ce qui passe aussi par des aspects techniques et juridiques : "On est en train de réviser les DTU (documents techniques unifiés) en y ajoutant des éléments concrets, pour sécuriser les engagements contractuels des installateurs, clarifier les choses, identifier les niveaux de responsabilité entre les différents acteurs".
Ainsi que par la formation initiale et continue : "Nous travaillons avec Qualit’ENR pour gagner en visibilité et mieux distinguer les entreprises, et accompagner les installateurs pour qu’ils se saisissent de cette technologie". Car, comme pour toutes les installations, le dimensionnement demeure malgré tout "la clé de voûte". Et si la notion de maintenance pour la production de chaleur est "hyper importante", il ne faut pas oublier de contrôler le forage.
Hybridation des solutions
Face à une vague de départs en retraite et à un manque de bras, la profession veut également former la relève. "L’ensemble des diplômes de nos métiers du génie climatique sont en cours de révision. Nous travaillons avec tous les acteurs pour revoir les parcours de formation, et notamment aborder davantage la géothermie, peut-être même avec une année de spécialisation, et évidemment en alternance pour voir la réalité du terrain", détaille Pascal Housset.
Le problème étant que très peu de centres de formation sont aujourd'hui équipés de systèmes de géothermie. La solution passe peut-être par les industriels, qui ne manquent pas d'innovations en la matière. Tandis que le collectif et le grand tertiaire font la part belle aux solutions neuves, la rénovation se retrouve surtout dans l'individuel.
Dans tous les cas, la technologie est relativement mature, l'une des rares voies d'amélioration concernant peut-être les COP (coefficients de performance). "Il y a aussi des solutions hybrides, très intéressantes pour atteindre les objectifs de décarbonation et de retour sur investissement", précise Benoît Viard, directeur marketing de Viessmann Climate Solutions.
Pour lui, il est "essentiel" que les fabricants accompagnent les BET et les syndics sur le montage de ces dossiers. Hybridation, digitalisation, couplage avec des panneaux photovoltaïques… Les pistes sont nombreuses. Avec l'entrée en vigueur de la réglementation européenne F-Gas, les professionnels envisagent aussi de "se nourrir de l’expertise côté petit tertiaire". Mais pour Benoît Viard, la conclusion ne change pas : pour que la géothermie gagne des galons, "il faut renforcer le fonctionnement en réseau".
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