"On voit les Pac solaires percer au niveau européen", R. Loyen (Enerplan)

Alors que l'hybridation des énergies fait son chemin parmi les professionnels du génie climatique, XPair a interrogé Richard Loyen, délégué général chargé des relations avec les collectivités et de la chaleur solaire chez Enerplan, sur les technologies solaires aujourd'hui disponibles pour se coupler avec d'autres systèmes. Le responsable appelle la filière à intégrer dès maintenant les enjeux de la formation, de la maintenance et du numérique.
XPair : Quelles sont les technologies solaires aujourd’hui disponibles en hybridation ?
Richard Loyen : Le solaire thermique classique peut s’hybrider avec une chaudière gaz ou du bois-énergie. Le couplage classique gaz/électricité permet a minima d’hybrider le poste eau chaude, notamment dans le collectif où un réseau de chaleur peut se doubler d’une chaudière bois pour alimenter une boucle de distribution d’eau chaude couvrant plusieurs bâtiments. On peut alors s’en remettre au solaire pour bénéficier d’un appoint électrique plutôt que de faire tourner une seconde chaudière bois moins puissante, ou de faire tourner la première à bas-régime car dimensionnée pour d’autres besoins.
Le dimensionnement de l’installation solaire est donc primordiale pour qu’elle couvre un maximum de besoins de chauffage. Selon les périodes de l’année et les régions, on peut envisager de couper le chauffage et de ne garder que l’ECS. Si on entend souvent parler de Pac hybrides, il faut savoir qu’il existe aussi les solutions solaro-gaz, dont les schémas hydrauliques fonctionnent bien, sont connus et robustes.
"De plus en plus de fabricants de chaudières bois proposent du solaire thermique à coupler avec leur équipement. Cela témoigne d’une prise de conscience des industriels qu’il y a une carte à jouer avec l’hybridation, dans l’idée de rester sur un mix 100% renouvelable."
Je constate d'ailleurs que de plus en plus de fabricants de chaudières bois (à bûches, à granulés…) proposent du solaire thermique à coupler avec leur équipement. Cela témoigne d’une prise de conscience des industriels qu’il y a une carte à jouer avec l’hybridation, dans l’idée de rester sur un mix 100% renouvelable et d’optimiser le recours à la chaudière bois.
Nous trouvons également sur le marché des Pac solaires en individuel comme en collectif. Jusqu’à cette année, le Fonds chaleur ne concernait que le poste eau chaude pour ce type d’installations, mais les règles vont évoluer l’année prochaine pour les faire aussi contribuer au poste chauffage. Plusieurs fabricants existent déjà sur ce segment. Ces appareils peuvent être alimentés par un module photovoltaïque thermique, qui produit à la fois de l’électricité et de la chaleur, la chaleur solaire alimentant la source froide de la Pac.
Une Pac solaire est la même machine qu’une Pac eau-eau géothermique, elle est donc sur la même fourchette de prix mais il n’y a pas de forage à financer. Cela permet d’optimiser l’investissement : ce qu’on investit initialement dans le solaire, on le récupère en économies par la suite. Une autre solution hybride consiste à mixer les calories géothermiques et les calories solaires. En fonction de la nature des besoins et de l’optimum énergétique recherché, on peut donc faire son marché en privilégiant telle ou telle solution.
Le développement du solaire thermique se fait d’ailleurs en parallèle du développement des réseaux de chaleur avec stockage inter-saisonnier. C’est même un "game changer" pour les réseaux de chaleur et une solution low-tech par excellence. Ce marché est cependant encore peu volumétrique : on compte quelques centaines d’opérations. Il faut souligner qu’il s’agit d’une technologie encore relativement récente où il y avait peu d’offre, d’où l’intérêt de stimuler la concurrence.
Lors d’une table ronde consacrée à l’hybridation des systèmes sur le congrès de l’UMGCCP, vous avez aussi évoqué les enjeux de la formation et de la maintenance…
R. L. : Nous devons bien cadrer les règles de l’art (conception, mise en œuvre…) car si nous visons la massification, il faut qu’il y ait cette montée en compétences des professionnels. Il y a clairement un marché à saisir de ce côté-là. En solaire thermique collectif traditionnel, on manque d’entreprises et on n’y arrivera pas s’il n’y a pas de nouveaux acteurs qui se saisissent de ces solutions.
On peut mettre du solaire dans des logements, des hôpitaux, des écoles, des Ehpad (établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes), mais à condition d’avoir des entreprises qualifiées. C’est pourquoi nous travaillons avec l’Ademe (Agence de la transition écologique) et le ministère sur un plan de relance du solaire thermique pour multiplier par 8 les capacités d’ici à 2035, et passer de 1,4 térawattheure à 10 TWh. Ces mesures devraient être présentées le 18 juin prochain à Bordeaux.
"Beaucoup de possibilités s’offrent à nous avec l’Internet des objets et l’IA, qui permettent d’assurer une meilleure analyse des données ainsi qu’un meilleur suivi des performances."
On arrive bon an mal an à banaliser le sujet de la performance mais on réfléchit avec la filière à créer une qualification sur l’exploitation en collectif. Beaucoup de possibilités s’offrent à nous avec l’Internet des objets et l’IA, qui permettent d’assurer une meilleure analyse des données ainsi qu’un meilleur suivi des performances. La filière dispose désormais d’un panel de solutions techniques, parfois embarquées dans la régulation.
De même, l’installateur n’est plus seulement celui qui soude des tuyaux, c’est aussi celui qui utilise son ordinateur, sa tablette ou son smartphone pour suivre les données dans le temps.
L’hybridation solaire est une solution technique complexe qu’il faut maîtriser, entre tous ses tenants et aboutissants. Cela implique de suivre des données de production et de consommation, détecter des incohérences voire des pannes, sauvegarder son jumeau numérique, commercialiser un contrat de maintenance avec suivi de performance pour que l’installation puisse fonctionner pendant les 20 à 30 prochaines années… C’est toute une nouvelle ambition qui se dessine pour la filière CVC.
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