"On voit les Pac solaires percer au niveau européen", R. Loyen (Enerplan)

Par   Corentin PATRIGEON

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Publié le 15 avril 2025
Crédit photo Anne-Sophie Nival/Enerplan
Richard Loyen, délégué général chargé des relations avec les collectivités et de la chaleur solaire chez Enerplan.
HYBRIDATION. Le délégué général d'Enerplan, Richard Loyen, détaille à XPair les solutions solaires qui peuvent aujourd'hui s'hybrider afin de participer à la décarbonation du bâtiment. Charge toutefois à la filière d'anticiper la formation de ses entreprises et l'appropriation des outils numériques indispensables à la maintenance.

Alors que l'hybridation des énergies fait son chemin parmi les professionnels du génie climatique, XPair a interrogé Richard Loyen, délégué général chargé des relations avec les collectivités et de la chaleur solaire chez Enerplan, sur les technologies solaires aujourd'hui disponibles pour se coupler avec d'autres systèmes. Le responsable appelle la filière à intégrer dès maintenant les enjeux de la formation, de la maintenance et du numérique.

XPair : Quelles sont les technologies solaires aujourd’hui disponibles en hybridation ?

Richard Loyen : Le solaire thermique classique peut s’hybrider avec une chaudière gaz ou du bois-énergie. Le couplage classique gaz/électricité permet a minima d’hybrider le poste eau chaude, notamment dans le collectif où un réseau de chaleur peut se doubler d’une chaudière bois pour alimenter une boucle de distribution d’eau chaude couvrant plusieurs bâtiments. On peut alors s’en remettre au solaire pour bénéficier d’un appoint électrique plutôt que de faire tourner une seconde chaudière bois moins puissante, ou de faire tourner la première à bas-régime car dimensionnée pour d’autres besoins.

Le dimensionnement de l’installation solaire est donc primordiale pour qu’elle couvre un maximum de besoins de chauffage. Selon les périodes de l’année et les régions, on peut envisager de couper le chauffage et de ne garder que l’ECS. Si on entend souvent parler de Pac hybrides, il faut savoir qu’il existe aussi les solutions solaro-gaz, dont les schémas hydrauliques fonctionnent bien, sont connus et robustes.

"De plus en plus de fabricants de chaudières bois proposent du solaire thermique à coupler avec leur équipement. Cela témoigne d’une prise de conscience des industriels qu’il y a une carte à jouer avec l’hybridation, dans l’idée de rester sur un mix 100% renouvelable."

Je constate d'ailleurs que de plus en plus de fabricants de chaudières bois (à bûches, à granulés…) proposent du solaire thermique à coupler avec leur équipement. Cela témoigne d’une prise de conscience des industriels qu’il y a une carte à jouer avec l’hybridation, dans l’idée de rester sur un mix 100% renouvelable et d’optimiser le recours à la chaudière bois.

Nous trouvons également sur le marché des Pac solaires en individuel comme en collectif. Jusqu’à cette année, le Fonds chaleur ne concernait que le poste eau chaude pour ce type d’installations, mais les règles vont évoluer l’année prochaine pour les faire aussi contribuer au poste chauffage. Plusieurs fabricants existent déjà sur ce segment. Ces appareils peuvent être alimentés par un module photovoltaïque thermique, qui produit à la fois de l’électricité et de la chaleur, la chaleur solaire alimentant la source froide de la Pac.

Constatez-vous une réelle appétence pour ces solutions encore plutôt discrètes ?

R. L. : Oui, on voit percer ces solutions au niveau européen, généralement portées par des clients qui ont envie d’électrifier leurs usages. Ceux-ci pourraient se contenter d’une Pac classique air-eau, mais dans le cas d’une Pac solaire, ils auront un COP premium en se rapprochant de la géothermie mais sans pour autant avoir besoin de réaliser un forage.

Une Pac solaire est la même machine qu’une Pac eau-eau géothermique, elle est donc sur la même fourchette de prix mais il n’y a pas de forage à financer. Cela permet d’optimiser l’investissement : ce qu’on investit initialement dans le solaire, on le récupère en économies par la suite. Une autre solution hybride consiste à mixer les calories géothermiques et les calories solaires. En fonction de la nature des besoins et de l’optimum énergétique recherché, on peut donc faire son marché en privilégiant telle ou telle solution.

Le développement du solaire thermique se fait d’ailleurs en parallèle du développement des réseaux de chaleur avec stockage inter-saisonnier. C’est même un "game changer" pour les réseaux de chaleur et une solution low-tech par excellence. Ce marché est cependant encore peu volumétrique : on compte quelques centaines d’opérations. Il faut souligner qu’il s’agit d’une technologie encore relativement récente où il y avait peu d’offre, d’où l’intérêt de stimuler la concurrence.

 

Lors d’une table ronde consacrée à l’hybridation des systèmes sur le congrès de l’UMGCCP, vous avez aussi évoqué les enjeux de la formation et de la maintenance…

R. L. : Nous devons bien cadrer les règles de l’art (conception, mise en œuvre…) car si nous visons la massification, il faut qu’il y ait cette montée en compétences des professionnels. Il y a clairement un marché à saisir de ce côté-là. En solaire thermique collectif traditionnel, on manque d’entreprises et on n’y arrivera pas s’il n’y a pas de nouveaux acteurs qui se saisissent de ces solutions.

On peut mettre du solaire dans des logements, des hôpitaux, des écoles, des Ehpad (établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes), mais à condition d’avoir des entreprises qualifiées. C’est pourquoi nous travaillons avec l’Ademe (Agence de la transition écologique) et le ministère sur un plan de relance du solaire thermique pour multiplier par 8 les capacités d’ici à 2035, et passer de 1,4 térawattheure à 10 TWh. Ces mesures devraient être présentées le 18 juin prochain à Bordeaux.

Nous travaillons aussi sur des outils ainsi que des mécanismes financiers pour permettre à des clients de franchir le pas. On a vu une montée en compétences des BET sur le sujet ; aujourd’hui on couvre la conception dans chaque département, mais pas l’installation. La filière a donc encore besoin d’une autre montée en compétences sur le solaire thermique hybride ou même traditionnel. On n’arrivera pas non plus à faire croître le marché sans la confiance des consommateurs, confiance qui passe par le fait que les professionnels tiennent leurs promesses !

"Beaucoup de possibilités s’offrent à nous avec l’Internet des objets et l’IA, qui permettent d’assurer une meilleure analyse des données ainsi qu’un meilleur suivi des performances."

On arrive bon an mal an à banaliser le sujet de la performance mais on réfléchit avec la filière à créer une qualification sur l’exploitation en collectif. Beaucoup de possibilités s’offrent à nous avec l’Internet des objets et l’IA, qui permettent d’assurer une meilleure analyse des données ainsi qu’un meilleur suivi des performances. La filière dispose désormais d’un panel de solutions techniques, parfois embarquées dans la régulation.

De même, l’installateur n’est plus seulement celui qui soude des tuyaux, c’est aussi celui qui utilise son ordinateur, sa tablette ou son smartphone pour suivre les données dans le temps. Cela sera indispensable pour regagner la confiance des usagers. Entre la RT2005 et la RT2012, il y a eu des mauvais dimensionnements et des dysfonctionnements d’installations. Pour garantir la qualité de l’installation, il existe actuellement une qualification pour l’étude ; on a à peu près sécurisé la conception et on a des qualifications pour la mise en œuvre.

L’hybridation solaire est une solution technique complexe qu’il faut maîtriser, entre tous ses tenants et aboutissants. Cela implique de suivre des données de production et de consommation, détecter des incohérences voire des pannes, sauvegarder son jumeau numérique, commercialiser un contrat de maintenance avec suivi de performance pour que l’installation puisse fonctionner pendant les 20 à 30 prochaines années… C’est toute une nouvelle ambition qui se dessine pour la filière CVC.


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