Chauffage : "On ne veut pas admettre la diversité des solutions", J.-P. Ouin (Énergies & Avenir)

Dans un contexte toujours difficile pour le bâtiment et le CVC, et au moment où l'hybridation des systèmes est de plus en plus évoquée par les professionnels de la filière, le président de l'association Énergies & Avenir, Jean-Paul Ouin, confirme à XPair que la boucle à eau chaude a besoin de toutes les énergies pour décarboner le bâtiment.
Selon lui, la généralisation de l'effet Joule serait catastrophique sur les plans de la consommation énergétique et des émissions de gaz à effet de serre. De la pompe à chaleur à la chaudière gaz THPE (très haute performance énergétique) en passant par le chauffage au bois, tout doit être fait pour mixer les énergies et installer les systèmes les plus pertinents en fonction des besoins des usagers.
XPair : Comment analysez-vous la conjoncture actuelle de la filière génie climatique ?
Jean-Paul Ouin : Énergies & Avenir est une association regroupant des énergéticiens, fabricants, et grossistes autour de la boucle à eau chaude et du chauffage central. Ce vecteur est le seul pouvant accueillir toutes les énergies (électricité, gaz, solaire, bois, chaleur renouvelable…). Nous poussons des solutions de bon sens et d’efficacité, en relation avec les professionnels du terrain.
Ce qu’il se passe en ce moment ne va pas dans le bon sens. Qu’il faille décarboner progressivement le bâtiment, c’est évident. Notre position reste ferme : dans l’intérêt de la boucle à eau chaude, il y a moyen de pousser l’hybridation des systèmes pour gagner en efficacité, et pour maintenir les énergies dans un équilibre de comparaison, il est absolument primordial de conserver l’approche par énergie primaire.
Autrement, si l'on met de l’effet Joule partout, nous gaspillerons de l'énergie avec des consommations stratosphériques.
Le secteur et les pouvoirs publics planchent sur le réajustement du Plan Pac, prévu pour la fin 2025/début 2026...
J.-P. O. : Il faut commencer par rappeler que rien n’était prévu au niveau de l’outil industriel lorsque l’objectif, très ambitieux, du premier Plan Pac a été annoncé. Faut-il malgré tout pousser la Pac ? La réponse est oui, si l’on veut décarboner. On est en train de maintenir en vie des systèmes de boucles à eau chaude individuels ou collectifs vieillissants, et perdant donc en efficacité. Cela dit, le soutien aux Pac ne compense pas l’arrêt des chaudières gaz.
Les générateurs performants sont à la baisse, ce qui veut dire qu’on ne rénove plus les systèmes de chauffage. Les dispositifs de soutien passent leur temps à changer et ont un fonctionnement incompréhensible. Les Pac hybrides, par exemple, ne sont pas soutenues comme elles le devraient. Il faut à la fois de la simplicité et de la stabilité. Les industriels ont besoin d'un plan à long terme, pour avoir de la visibilité sur l'amortissement de leurs investissements.
"Le biogaz et le biofioul peuvent être la solution dans certaines configurations. Il faut revenir à du bon sens, et aussi tenir compte de l’avis de l'usager !"
J.-P. O. : La Pac n’est pas la solution universelle. On ne veut pas admettre la diversité des solutions qui existent, en fonction des typologies de climat et de logement. L’hybridation peut être une excellente solution dans bon nombre de configurations car il a été démontré qu’il est techniquement impossible à ce jour de mettre des Pac partout. Hybrider, faire du multi-énergies, permet d'avoir une approche pragmatique de la question.
Or l'approche du moment est idéologique. Il faut installer la meilleure solution là où elle est la plus utile. Ce serait bien, notamment, que les pouvoirs publics n’oublient pas non plus le solaire thermique français, au lieu de vouloir mettre du solaire photovoltaïque chinois partout... Nous avons aussi besoin d'une cohérence dans les dispositifs de soutien.
On ne pourra jamais mettre de Pac dans certains logements collectifs, en revanche on peut remplacer les vieilles chaudières par des chaudières à condensation utilisant des biocombustibles. Le biogaz et le biofioul peuvent être la solution dans certaines configurations. Il faut revenir à du bon sens, et aussi tenir compte de l’avis de l'usager !
Les installateurs sensibilisent aussi sur la pose et la maintenance des équipements...
J.-P. O. : Bien poser, bien installer et bien entretenir des équipements récents et plus performants avec des combustibles décarbonés est la solution pour améliorer l’efficacité énergétique du bâtiment. C’est le marché qui a dégagé le fioul standard, ce ne sont pas les pouvoirs publics ! Progressivement, le parc d'appareils fossiles disparaît et est remplacé par un parc décarboné.
On n'aura pas toujours le choix que de remplacer une chaudière par une autre chaudière, et il faudra alors accepter la possibilité de soutenir aussi ces logements-là pour décarboner le parc. Et, plus largement, le principal facteur de diminution des consommations énergétiques, c’est la sobriété énergétique. C'est pourquoi il faut laisser toutes les portes ouvertes et ne pas fermer celles donnant sur des solutions performantes.
"On n'aura pas toujours le choix que de remplacer une chaudière par une autre chaudière, et il faudra alors accepter la possibilité de soutenir aussi ces logements-là pour décarboner le parc."
La filière ne peut pas travailler avec des changements brutaux et incessants de réglementation, comme pour Ma prime rénov', qui a fini par perdre les particuliers comme les professionnels. Pour aller chercher tout le monde et être le plus efficace possible, il faut arrêter de bouger ! Et lutter en parallèle contre la fraude, de manière simple, en évitant de mettre en place des usines à gaz qui font que les dossiers de vérification sont tellement compliqués que plus personne ne veut les remplir.
De même, s'agissant du DPE (diagnostic de performance énergétique), il n’y a pas assez de diagnostiqueurs et le dispositif est éminemment contestable. Il est mal conçu pour la boucle à eau chaude et doit être maintenu en énergie primaire et non en énergie finale, sinon on aboutira à de l'effet Joule. Le DPE est donc perfectible et doit être utilisé à bon escient.
J.-P. O. : Le boom de la GTB, qui ne concerne pas le neuf et n'englobe pas que la boucle à eau chaude, signifie donc que la rénovation gagne du terrain. Plus on utilisera de systèmes intelligents, plus le bâtiment gagnera en efficacité énergétique et en décarbonation.
On se focalise d'ailleurs sur le résidentiel mais il serait plus facile de s'occuper du tertiaire ; sur ce point, le décret tertiaire, qui va peut-être enfin commencer à être vraiment appliqué, facilitera les choses. Quand on parle d'hybridation, cela nécessite une régulation intelligente entre les deux machines, ce qui peut intéresser les fabricants de GTB. La complémentarité des énergies leur ouvre de nouveaux marchés.
Un autre de vos adhérents, Cochebat, a présenté des résultats 2024 chahutés, mais constate en effet une percée de la régulation dans les surfaces rayonnantes...
J.-P. O. : Si on déniait relancer la construction neuve, en individuel comme en collectif, les planchers chauffants constitueraient une excellente solution. C'est par contre beaucoup plus compliqué à mettre en œuvre en rénovation. Les émetteurs doivent souvent être changés, mais pas toujours, notamment quand il s'agit de radiateurs en fonte. Encore une fois, il faut faire du sur-mesure, c’est le terrain qui doit décider. Les politiques de soutien ne peuvent pas toujours être décidées unilatéralement depuis un bureau parisien.
Lire aussi
-
Pac : le plaidoyer de l'association européenne pour se sevrer du gaz russe
-
La filière énergie exhorte le Parlement à publier "sans délai" la PPE et à "soutenir" l'électrification
-
Industrie : "Le 1er trimestre 2025 ne nous rassure pas", Y. Fanton d'Andon (Cetiat)
-
L'hybridation des solutions, la prochaine étape dans la transition du CVC ?
Sélection produits
Contenus qui devraient vous plaire

- Domino RH Nantes