Pour Qualit'ENR, "le photovoltaïque va continuer à se développer car l’expérience client est très positive"

Par   Corentin PATRIGEON

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Publié le 16 janvier 2025
André Joffre, président de Qualit'ENR.
Qualit'ENR
André Joffre, président de Qualit'ENR.
RENOUVELABLES. Portée par l'autoconsommation qui se répercute sur le nombre de demandes de qualification, la filière solaire termine l'année 2024 en fanfare, selon le président de l'association, André Joffre. Mais celui-ci épingle encore une fois la complexité administrative de la France, qui continuerait à freiner le développement des projets.

Les énergies renouvelables continuent à attirer des professionnels. À l'heure du bilan 2024, l'association Qualit'ENR, dédiée à la qualité d'installation des systèmes ENR, note un bond des demandes de qualification en solaire photovoltaïque, dont la croissance est portée par l'autoconsommation.

Toutes les filières ne sont toutefois pas logées à la même enseigne et les perspectives ne sont pas toujours simples à dessiner, plongées dans le brouillard de l'instabilité politique et budgétaire. Le président de l'organisme, André Joffre, détaille à XPair les principales tendances du marché.

XPair : Quel bilan votre association tire-t-elle de l'exercice écoulé ?

André Joffre : La situation est plutôt bonne dans l’ensemble, même si cela est variable selon les secteurs.  Toutes les ENR n’ont pas connu le même développement en 2024. Le solaire s’en sort très bien. Il a connu un développement très fort de l’autoconsommation, qui se répercute sur le nombre de demandes de qualifications. C'est une conséquence directe de l'activité du marché, qui montre que les entreprises souhaitent se qualifier pour répondre à la demande.

D’autres secteurs sont plus en difficulté, comme le bois-énergie, plus atone mais encore actif, ainsi que les pompes à chaleur, dont les qualifications ont cependant beaucoup progressé les années précédentes. C’est véritablement pour le photovoltaïque que les chiffres sont les plus significatifs : en 2020-2021, on était aux alentours de 2.000 à 2.500 demandes de qualifications par an ; on a atteint les 7.000 en 2024.

Fin 2024, la reprise du marché des chaudières doit-elle être mise en corrélation avec la baisse de celui des Pac ?

A. J. : Le marché des chaudières est souvent porté par des opérations de renouvellement et les prix du gaz sont très fluctuants. Les consommateurs ont sans doute vu les tarifs augmenter en fin d'année dernière, ce qui les a refroidis dans leur décision d'investissement. Quant au marché des Pac, il part de très haut avec d'excellents chiffres enregistrés ces dernières années.

"Le solaire s’en sort très bien. D’autres secteurs sont plus en difficulté, comme le bois-énergie ainsi que les pompes à chaleur"

Certains acteurs estiment que le marché du PV est en train de saturer à cause, précisément, d'un trop grand nombre de qualifiés...

A. J. : Cela n’est pas forcément dû au fait que les artisans du bâtiment se tournent vers d’autres activités comme le PV. Le vrai sujet pour cette filière, c’est qu’il y a de la demande ! En 2022, on a connu une période de forte augmentation des prix de l’électricité, avec les boucliers tarifaires et autres dispositifs d'aide qui ont créé un climat où les consommateurs ont considéré que les prix ne seraient plus comme avant et continueraient à augmenter.

Il s'avère en réalité que les prix de l’électricité sont stables dans le temps, et cette prise de conscience se traduit par des investissements de long terme. L’autoconsommation est à la manœuvre de cette croissance. Chez les particuliers, il n'y a quasiment plus la volonté de produire pour ensuite revendre sur le réseau.

Comment envisagez-vous l'année 2025 ?

A. J. : On pense que le PV va continuer à se développer car l’expérience client est très positive. Avec ces installations, les consommateurs constatent que le nombre de kilowatts-heures consommés diminue, et l’effet bouche-à-oreille est extrêmement puissant. Il peut aussi y avoir un côté "magique", "moderne", dans le sens où il suffit simplement de poser des panneaux sur son toit puis de les laisser faire leur travail pour voir sa consommation d’électricité diminuer.

Les panneaux, qui ont déjà bien baissé, vont encore faire l'objet d'autres baisses de prix dans les années à venir. Les onduleurs baissent à leur tour, et arrivent maintenant les batteries qui continueront à améliorer les choses. Pour les onduleurs comme pour les batteries, le secteur table sur la même courbe d’apprentissage que pour les panneaux, avec une division des prix par 10 sur 10 ans.

"D’ici cinq ans, un toit solaire sera même moins cher qu’un toit en tuiles"

Mais l'industrie photovoltaïque est devenue extrêmement concurrentielle...

A. J. : Les producteurs asiatiques se livrent en effet une lutte acharnée entre eux, grâce à leurs moyens de production beaucoup plus importants que la demande du marché. En comparaison, la France ne pèse que 1% du marché mondial.

De plus, la production d’électricité est beaucoup plus compétitive que celle du gaz, du pétrole ou du charbon, et tous les producteurs d'électricité intègrent une partie de production solaire, ce qui fait que le potentiel de développement mondial est considérable, avec des bonds de croissance de l'ordre de 20% par an. Le silicium étant une matière première abondante, plus cette industrie va fabriquer, plus les prix des panneaux vont continuer à baisser.

D’ici cinq ans, un toit solaire sera même moins cher qu’un toit en tuiles ! En réalité, c’est moins la question de la production d’électricité que celle de l’usage qu’on va en faire qui se pose. On risque d’avoir une production très abondante à certains moments, et tout le jeu va consister à faire coïncider cette production avec la demande.

La réforme des heures creuses méridiennes envisagée par la CRE (Commission de régulation de l'énergie) a justement pour but d'inciter les usagers à consommer à ce moment où la production photovoltaïque atteint un pic. Et il va également falloir stocker ! L’investissement à faire n’est pas très élevé et on a déjà tous les maillons de la chaîne ; il faut maintenant les connecter les uns aux autres.

"La superposition des normes et des réglementations est souvent totalement inadaptée aux projets solaires"

L'instabilité politique et budgétaire impacte-t-elle les professionnels qualifiés ?

A. J. : Nous ne la sentons pas vraiment et l'activité ne va pas si mal que cela. Certaines entreprises ont des carnets de commandes remplis et il n'y a pas de baisse de régime chez les ENR. Les querelles parlementaires ne vont pas modifier quoi que ce soit, bien qu'il y ait un peu d’attentisme chez les investisseurs.

Les difficultés que nous rencontrons sont davantage liées à la complexité administrative de la France, comme des demandes de permis de construire fastidieuses ou des études d’impact supplémentaires inutiles. La loi Aper (accélération de la production d'énergies renouvelables) était censée améliorer tout cela mais on s’aperçoit qu'elle a plutôt eu tendance à augmenter la durée moyenne de gestion d’un projet...

Cette superposition des normes et des réglementations est souvent totalement inadaptée aux projets solaires. C’est un vrai sujet mais je pense que personne ne sait par quel bout le prendre. Il existe une bonne volonté de tous les acteurs, mais c’est le système, de par son fonctionnement, qui génère cette situation, et il sera compliqué d'en sortir. Dans tous les cas, la sobriété doit être la règle ! Réduire les consommations est la chose la plus importante à mettre en place. La première des économies, c’est la sobriété.

Qualit'ENR vient de publier deux nouveaux guides de prévention contre l'éco-délinquance, qui reste un fléau pour les particuliers comme pour les professionnels...

A. J. : Il y a une appétence très forte du public sur les ENR et des margoulins profitent de cet engouement pour proposer des prestations catastrophiques. Ces guides servent à rappeler un certain nombre de règles de base qu'il faut respecter mais qui peuvent malheureusement être oubliées. Il faut donc rester vigilant. Nous attaquons systématiquement en justice les éco-délinquants, mais ils renaissent souvent le jour même sous un autre nom et à une autre adresse...

Le consommateur doit donc rester très attentif et nous sommes aidés en cela par les associations de consommateurs. Qualit’ENR, qui va fêter ses 20 ans en 2025, montre bien que la qualification est très importante mais qu'elle est aussi un travail de long terme. Elle reste indispensable car elle sert à promouvoir l’installateur tout en protégeant le client final.


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