Industrie : "Le 1er trimestre 2025 ne nous rassure pas", Y. Fanton d'Andon (Cetiat)

Par   Corentin PATRIGEON

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Publié le 23 avril 2025
Crédit photo Corentin Patrigeon pour XPair
Pierre Claudel (à gauche), directeur général du Cetiat, et Yves Fanton d'Andon, son président.
MARCHÉ. Après avoir accusé le coup en 2024, le Centre technique des industries aérauliques et thermiques ne constate pas, pour l'heure, de reprise d'activité sur le marché du CVC. Ce qui ne l'empêche pas de plancher sur l'optimisation des technologies actuelles et d'envisager des solutions encore plus performantes.

"2024 a été une année complexe. Le marché du bâtiment a été chahuté et notre activité s'en est trouvée dégradée." L'analyse de Pierre Claudel, le directeur général du Centre technique des industries aérauliques et thermiques (Cetiat), résonne évidemment chez nombre d'acteurs du génie climatique.

L'organisme, qui a présenté son bilan 2024 et ses perspectives 2025 ce 23 avril à Paris, veut garder la tête froide en dépit des tourments que connaît le secteur. Enregistrant un chiffre d'affaires 2024 de 14,2 millions d'euros, en baisse de 1% par rapport à 2023 (14,4 M€), le Cetiat a dû composer avec les nombreux vents contraires qui se sont abattus sur l'industrie CVC.

"Le grand ralentissement du marché de l'immobilier dans le neuf et en rénovation, la chute du marché de la pompe à chaleur (-40% pour les unités air-eau), une forte instabilité politique, des allers-retours de la politique des aides à la rénovation, et paradoxalement un regain (+14%) du marché des chaudières fossiles, gaz et fioul, qui ne va cependant pas compenser la baisse d’activité en Pac", liste son président, Yves Fanton d'Andon.

"La ventilation a un peu mieux résisté car la prise de conscience post-Covid sur la qualité de l’air intérieur (QAI) commence à se traduire dans les faits : les solutions en simple flux prennent du poids, dont l'hygroréglable qui progresse de 8%", ajoute-t-il. Les activités marchandes marquent en revanche le pas, à un peu plus de 9 M€.

La collecte de la TFA perturbée

Le contexte économique et politique a surtout impacté la collecte de la taxe fiscale affectée (TFA) opérée par le Cetiat, en recul de 14% l'année dernière. Car, pour rappel, ce centre technique industriel exerce une mission d’intérêt général, financée par cette taxe spécifique aux produits aérauliques et thermiques, et qui se traduit par une série d'actions collectives.

"Nous menons des études à titre privé pour des industriels, des essais en vue de certifications de produits, de l’étalonnage de capteurs de mesures, et des formations allant des installateurs aux ingénieurs et techniciens de BET industriels", souligne Pierre Claudel. De par la nature évidemment très industrielle de son activité, le Cetiat se doit d'investir régulièrement pour compenser ses coûts importants.

"En collaboration avec l’Afpac, nous avons lancé un projet visant à déployer les Pac dans le collectif, aussi bien en neuf qu’en rénovation, pour identifier et lever les freins, notamment les contraintes d'installation et la gestion du bruit."

- Pierre Claudel, directeur général du Cetiat

"On travaille beaucoup sur la rénovation de notre site de Villeurbanne (Rhône), notamment pour en améliorer l’efficacité énergétique, ainsi que sur la mise en conformité de nos plateformes d’essai de Pac utilisant des fluides frigorigènes inflammables, particulièrement le propane", illustre le directeur général. Point positif, le CA des actions collectives a gagné 4,7%, à 5,2 M€, tiré par la production d'études supplémentaires.

Pierre Claudel parle malgré tout d'un "bel exercice" sur les activités d'essai et d'étalonnage, mais d'un ralentissement des activités liées à la décarbonation de l'industrie, à cause de "l'attentisme" des entreprises pour lancer les études et les investissements qui vont avec. De nouveaux projets sont toutefois dans les tuyaux, dans le cadre du Contrat d'objectifs et de performances (Cop) signé en juin 2024 entre l'État, le Cetiat et le syndicat Uniclima.

Des études entre optimisation et innovation

Le contrat, qui court jusqu'en 2027, s'articule autour de trois axes : décarbonation, sobriété énergétique et économie circulaire ; confort, santé et sécurité (au niveau thermique, acoustique et de la QAI) ; et métrologie de l’énergie. "Nous avons des projets importants dans le domaine des nouveaux combustibles pour remplacer les énergies fossiles", poursuit Pierre Claudel.

Les 147 salariés du Cetiat travaillent sur des concepts de brûleurs pour le résidentiel et pour l’industrie, et poursuivent leurs investigations sur les conditions de passage du biofioul F30 (déjà mis sur le marché) au F100. Côté GPL, elles planchent sur l'usage du RDME, un gaz proche du propane et du butane, produit à partir de matières premières de carbone renouvelables et recyclées.

D'autres projets portent sur la décarbonation des procédés de séchage, l’hybridation des systèmes ou encore la bascule vers les gaz verts. "Nous travaillons également sur l’optimisation aéraulique des dépoussiéreurs industriels et nous avons mené des études avec Allice (Alliance industrielle pour la compétitivité et l’efficacité énergétique) sur des Pac industrielles et la récupération d’énergie en traitement de fumées", détaille le directeur général.

Accompagner le déploiement des Pac

Le déploiement des Pac constitue un autre axe, majeur, de travail : les équipes du Cetiat étudient le remplacement par les fluides à faible PRG, la réduction de la taille des composants, l'amélioration de l'efficacité énergétique et la diminution de la charge de frigorigène. Plusieurs prototypes ont ainsi vu le jour, intégrant des compresseurs optimisés et des échangeurs microcanaux, pour apporter aux industriels des pistes d'innovation.

"En collaboration avec l’Afpac (Association française pour la pompe à chaleur), nous avons aussi lancé un projet visant à déployer les Pac dans le collectif, aussi bien en neuf qu’en rénovation, pour identifier et lever les freins, notamment les contraintes d'installation et la gestion du bruit. Et on vient de débuter une nouvelle étude pour analyser les solutions d'hybridation des Pac", complète Pierre Claudel.

"D’un point de vue réglementaire, nous allons nous concentrer sur le déploiement des Pac, la sortie du gaz fossile du logement et l’économie circulaire."

- Yves Fanton d'Andon, président du Cetiat

Le Cetiat s'est en outre saisi de la thématique de l'économie circulaire, en conduisant une mission sur son rôle auprès de la profession dans ce domaine, et en acquérant un outil d'analyse du cycle de vie des produits. Une étude par modélisation a aussi été menée sur la gestion intelligente de la ventilation et son impact sur la QAI, afin d'évaluer les "stratégies de modulation".

Autrement dit, comment gérer une ventilation dans un bâtiment en fonction de la présence de ses occupants, ou comment qualifier la QAI sur la base d'indicateurs. En parallèle, une caractérisation expérimentale des performances de capteurs CO2 intégrés aux systèmes de régulation de la ventilation a été réalisée, et devrait être complétée cette année par l'étude d'autres types de capteurs, notamment COV, et leur sensibilité à des interférents comme l'humidité.

Protéger le modèle économique pour préserver "la valeur de l’industrie française"

Tous ces projets suffiront-ils néanmoins à redresser la barre en 2025 ? "L'année est déjà bien entamée mais le rebond n’est pas encore visible. La situation est toujours négative sur les marchés français et européen, ce qui a un impact sur l’activité du Cetiat en matière de collecte de taxes et de financement d’études. Le secteur n'est pas à l'optimisme et le 1er trimestre 2025 ne nous rassure pas", prévient Yves Fanton d'Andon.

"D’un point de vue réglementaire, nous allons nous concentrer sur le déploiement des Pac, la sortie du gaz fossile du logement et l’économie circulaire." Quant au CA 2025, il reste sur les mêmes ordres de grandeurs, avec une prévision de 14,3 M€. Et "toujours l’ambition de préserver un niveau d’investissements importants (1,1 M€) pour maintenir à jour un outil moderne, répondant aux besoins des industriels", insiste le président du Cetiat.

Le principal chantier de 2025 portera sur la construction d'une nouvelle plateforme d'essai pour Pac de moyennes puissances (jusqu'à 130 kilowatts), chiffrée à 700.000 € et qui nécessitera, de fait, l'obtention de subventions pour être financée.

L'année en cours sera enfin l'occasion pour le centre technique de fêter ses 65 ans, et de passer quelques messages : "En ces temps de recherche d’économies budgétaires, nous rappelons l’intérêt de notre modèle économique : le payeur est le décideur, les industriels qui nous financent décident des études que nous allons mener, et ils alimentent ce vivier de compétences pour leur propre bénéfice, et ce, sans que cela coûte à l’État".

Une manière de dire que le Cetiat n'est pas une charge pour les pouvoirs publics puisqu'ils ne rentrent pas dans la comptabilité des prélèvements obligatoires. "Il faut préserver ce modèle important pour la valeur de l’industrie française et ne pas casser ce qui marche", conclut Yves Fanton d'Andon.


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