Rénovation : la DGCCRF constate une "spécialisation" des fraudeurs, organisés "en réseaux complexes"

Par   Corentin PATRIGEON

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Publié le 20 octobre 2025
© iStock / Jose carlos Cerdeno
Un installateur pose un panneau solaire photovoltaïque sur le toit d'un bâtiment.
ANALYSE. En 2024, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a contrôlé un millier d'entreprises de rénovation énergétique, soit une hausse de 20 % en un an. Face à la gravité des infractions constatées, Bercy tente d'adapter la sévérité de ses sanctions.

Les écodélinquants ne prennent malheureusement pas de vacances. La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF, rattachée à Bercy), qui vient de publier son bilan annuel, indique avoir contrôlé environ 1.000 entreprises spécialisées dans la rénovation énergétique en 2024, soit une hausse de 20 % en un an.

Du fait des impératifs de transition écologique et de la volonté d'un nombre croissant de ménages de maîtriser leurs factures d'énergie, le secteur continue en effet à attirer toujours plus d'"opérateurs opportunistes". Près de 26.000 signalements en lien avec la réhabilitation thermique ont ainsi été enregistrés sur la plateforme Signal Conso l'année dernière.

Les fraudeurs ne reculent devant rien pour tromper les clients : "pratiques commerciales trompeuses, voire agressives, clauses abusives, démarchage téléphonique interdit, non respect de la réglementation applicable à l'obligation générale d'information précontractuelle ou à la vente hors établissement"... Face à ces nombreuses menaces, la DGCCRF a échafaudé en 2019 un "plan de surveillance" qu'elle explique avoir renforcé depuis.

Des infractions avant, pendant et après les travaux

Ainsi, le millier d'établissements contrôlés en 2024 évoluaient sur l'ensemble de la chaîne de valeur : entreprises de bâtiment, prestataires, démarcheurs, sous-traitants, établissements de crédit, Accompagnateurs rénov', opérateurs...

Chez ces derniers, plusieurs manquements ont été constatés, notamment la collecte des données personnelles des consommateurs par le biais de sites trompeurs ouvrant ensuite la voie à du démarchage téléphonique, pourtant illégal depuis une loi du 24 juillet 2020, ou le fait que certains affirment être mandatés par des organismes publics pour mieux duper les particuliers.

"Les arguments commerciaux avancés peuvent être trompeurs : promesses d'autofinancement rapide du fait des économies générés par l'installation de panneaux photovoltaïques, mentions d'aides publiques inexistantes ou inapplicables, minimisation du reste à charge, pression à signer rapidement sans respect du délai de rétractation", détaille la DGCCRF.

Ajoutant : "Dans la phase de contractualisation, de nombreuses irrégularités peuvent être relevées, comme des bons de commande flous ou illisibles, une absence de détail sur les équipements livrés et l'installation de produits de qualité moindre, des prix réduits artificiellement, des clauses abusives".

Plus grave, les particuliers victimes de ces écodélinquants peuvent même parfois signer des contrats ou souscrire des crédits "sans s'en rendre compte", croyant qu'il s'agit de documents n'engageant pas leur responsabilité. Lorsque les travaux sont réalisés, il arrive également que les factures délivrées aux consommateurs s'avèrent incomplètes, ce qui complique d'autant les recours en matière de garantie décennale. Face à de tels délits, la DGCCRF tente malgré tout de durcir ses sanctions.

Un professionnel contrôlé sur trois a été sanctionné

Toujours d'après son bilan 2024, "34 % des professionnels contrôlés ont présenté des manquements graves, sanctionnés par des suites correctives et répressives". Un chiffre a priori élevé mais que le service nuance, rappelant que ses contrôles ne sont réalisés que "sur la base de plaintes et signalements", et qu'ils ne peuvent donc pas être "représentatifs du secteur dans son ensemble".

Dans le détail, les infractions relevées l'année dernière ont débouché sur 140 injonctions de mise en conformité, une cinquantaine d'amendes administratives (principalement pour du démarchage téléphonique illicite) et plus de 140 procès-verbaux pénaux (pour des pratiques commerciales trompeuses et du démarchage agressif), qui sont passibles d'une peine maximale de 2 ans d'emprisonnement de 300.000 € d'amende.

Des moyens plus conséquents sont parfois mis en oeuvre, à l'image d'une série de saisies pénales à titre conservatoire, dont le but est de "prévenir la liquidation soudaine des sociétés avant le jugement et la fuite des capitaux vers l'étranger". Une saisie immobilière d'environ 5,3 millions d'euros a par exemple été réalisée à Paris à cette fin.

"En 2024, 39 rapports ont été transmis à la Police ou la Gendarmerie sur le fondement de l'article 40 du Code de procédure pénale, soit deux fois plus qu'en 2023, pour des pratiques ne relevant pas du champ de compétence de la DGCCRF (escroquerie, usurpation d'identité, faux et usage de faux)", souligne son rapport.

De même, une enquête sur une entreprise francilienne a démontré le non respect de l'interdiction de démarchage téléphonique, une fausse détention du label RGE, des mentions abusives sur les aptitudes et les qualités du professionnel ainsi que la fausse mention d'une adhésion à un médiateur de la consommation. Autant de délits qui ont amené la DGCCRF à prononcer une amende de 1,5 million d'euros à son encontre.

Le gérant d'une société basée dans les Côtes-d'Armor a par ailleurs été condamné à 5 ans de prison, dont 4 fermes, à la suite d'une enquête réalisée en collaboration avec la police judiciaire de Saint-Brieuc, qui a mis en évidence de "nombreuses pratiques commerciales trompeuses, ciblant particulièrement des personnes vulnérables". Les parties civiles ont été indemnisées à hauteur de 1,1 million d'euros et la justice a également ordonné la confiscation des biens saisis, à savoir plus de 470.000 €, un bien mobilier ainsi que plusieurs véhicules, dont une Lamborghini.

Des fraudeurs "spécialisés", organisés "en réseaux complexes"

Devant cette "spécialisation" des fraudeurs qui s'organisent désormais "en réseaux complexes", la DGCCRF indique travailler davantage avec les forces de l'ordre, l'Anah (Agence nationale de l'habitat) ou encore l'Ademe (Agence de la transition écologique).

La loi du 30 juin 2025, dite "contre toutes les fraudes aux aides publiques", renforce encore l'arsenal de Bercy : les actualités et signalements portant sur les Accompagnateurs rénov' sont à présent partagés avec l'Anah, et les enquêteurs de la DGCCRF peuvent maintenant suspendre le label RGE ou l'agrément des Accompagnateurs rénov' afin de neutraliser le plus rapidement possible les écodélinquants. Malgré cela, les pouvoirs publics adressent une piqûre de rappel aux particuliers sur les bonnes pratiques à adopter.

D'abord, se renseigner auprès d'un conseiller France Rénov' tout en se méfiant des simulateurs d'aide en ligne et des démarcheurs prétendant agir pour le compte d'organismes publics ou de fournisseurs d'énergie. Il est également recommandé de comparer plusieurs devis et de se méfier des annonces alléchantes sur le montant des aides, les économies d'énergie ou la rentabilité financière des travaux, particulièrement pour ce qui concerne la pose de panneaux photovoltaïques.

Les particuliers ne doivent pas non plus signer d'attestation de fin de travaux avant que ceux-ci ne soient "réellement et totalement terminés, surtout si un crédit a été contracté". En cas de doute, voire de litige, ils peuvent déposer un signalement sur SignalConso, contacter le service RéponseConso et demander l'aide d'associations de consommateurs ou du médiateur de la consommation. Constatant eux aussi la montée en puissance des fraudeurs, les professionnels appellent de longue date à un soutien appuyé de l'État et multiplient les documents de prévention à destination des acteurs.


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