Déjà adeptes de l'IA, les bureaux d'études n'en éludent pas pour autant les risques
Les 23 et 24 janvier 2025, l'association Ico (Ingénierie du confort objectif 2050) a réuni ses adhérents en assemblée générale aux Bossons (Haute-Savoie). Un cadre idéal pour prendre de la hauteur sur les sujets d'actualité qui concernent la profession d'ingénieur et impliquent parfois des questionnements légitimes. Les 109 membres de l'association ont ainsi pu échanger avec leurs pairs sur les normes et réglementations, les méthodes de calcul et analyses du cycle de vie, le nouveau label biosourcé ou encore le fameux DPE (diagnostic de performance énergétique).
Les échanges se sont également orientés vers la place des gaz renouvelables dans le bouquet énergétique, à l'heure où 652 sites de production de biométhane injectent déjà sur le réseau et alors que l'industrie gazière pousse ses autres filières, moins connues, telles que la pyrogazéification, la gazéification hydrothermale et le "power to gas". Celles-ci font l'objet d'une cinquantaine de projets industriels et de démonstrateurs actuellement en développement en France.
60% des membres d'Ico disent utiliser l’IA
Un autre sujet a suscité l'intérêt des ingénieurs : l'utilisation de l'intelligence artificielle dans leur activité professionnelle. En amont de l'assemblée générale, les organisateurs avaient demandé aux adhérents de répondre à un sondage pour avoir un premier aperçu de l'impact de cette technologie sur leurs métiers.
Les résultats ont été dévoilés à l'occasion de cet atelier : 60% des membres d'Ico disent utiliser l’IA, dont 39% plusieurs fois par semaine. Quatre-vingt-dix pour cent affirment connaître les générateurs de texte (type ChatGPT), 49% les analyseurs de données et 59% les outils de reconnaissance visuelle et vocale. Les taux d’utilisation sont à peu près identiques.
D'une manière générale, ils sont 84% à penser que l’utilisation de l’IA pourra améliorer leur productivité. "Ce qui sous-entend que ceux qui n’utilisent pas l’IA vont vite rencontrer un problème par rapport à leurs confrères qui l'utilisent", relève Frédéric Massip, président de 4-Inside. Les aspects jugés les plus utiles étant le gain de temps (par exemple pour rédiger des documents administratifs ou des actes juridiques), la précision des analyses et l'automatisation des tâches.
Un gain de temps, vraiment ?
Dans tous les cas, la profession est invitée par Bruno Georges, directeur R&D innovation chez Oteis Lab et directeur développement grands projets chez Oteis, à "mettre de la valeur ajoutée dans son travail", sans quoi ChatGPT et consorts risquent de prendre leur relève sans trop de difficultés. Des inquiétudes se font aussi jour sur le recours abusif de l'IA par les étudiants - donc les professionnels de demain -, qui risquent de sacrifier sur l'autel de la facilité l'apprentissage des connaissances et savoir-faire indispensables pour analyser, réfléchir, lire, écrire, calculer.
Nathalie Tchang, présidente de Tribu Énergie, met en garde sur le fossé qui pourrait alors se creuser entre "une génération d’ingénieurs qui saura réfléchir et une autre qui ne le saura pas". Quitte à passer pour des imposteurs ? Une solution consisterait alors à revoir le système d'évaluation en vigueur dans les écoles, et rapidement...
Ceux qui n’utilisent pas l’IA vont vite rencontrer un problème par rapport à leurs confrères qui l'utilisent.
Pour certains participants, l'IA doit simplement être perçue comme un nouvel outil qu’il faut s’approprier, et les professionnels comme les étudiants auraient tort de ne pas s’en servir. D'autres pointent le manque de fiabilité de l'outil, borné à générer des réponses calquées sur une base de données préalablement ingérée.
Plus d'un souligne l'impérieux besoin de vérifier toute réponse fournie par l'IA, et remet en question du même coup le gain de temps qu'elle est censée apporter : est-on vraiment plus efficace s'il faut systématiquement repasser derrière elle pour s'assurer qu'elle n'est pas en proie à une de ses fameuses "hallucinations" ?
Impact carbone "catastrophique"
Les experts d'aujourd'hui pourraient donc bien rester les experts de demain, du moins pendant encore un certain temps. Sans oublier les aspects déontologique, juridique et environnemental soulevés par le moindre prompt. Quid des droits d'auteur pour un texte ou une image générée sur la base de données piochées un peu partout sur le Web ?
"Une requête sur ChatGPT a un impact carbone 10 fois plus important qu’une requête sur Google", épingle par ailleurs Philippe Nunes, fondateur d'XPair et directeur d'EnerJ-Meeting. Pour lui, la généralisation de son usage "va être catastrophique" pour la planète.
"L'IA peut être une continuité dans nos métiers"
-Philippe Nunes, fondateur d'XPair et directeur d'EnerJ-Meeting
Mais pour le reste, l’IA faisant ce qu’on lui a appris à faire, elle ne serait ni plus ni moins que de l’automation. Une programmation, un logiciel qui va se servir de sa formidable puissance de calcul pour chercher les réponses les plus probables.
"Il va falloir utiliser cette puissance que nous, nous n’avons pas. L'IA peut être une continuité dans nos métiers, qui, en l'intégrant, pourraient non pas disparaître, mais en tout cas être modifiés", nuance Philippe Nunes. Une profession qui veut en tout cas continuer à fédérer, puisque 78% des adhérents d’Ico ont fait part, à l'issue de cette assemblée générale, de leur souhait de recruter de nouveaux membres.
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