Décarbonation, réindustrialisation : la pompe à chaleur à l'heure des choix ?

Coup de chaud pour la pompe à chaleur ? Le contexte politique et économique ne joue pas vraiment en faveur de la technologie de décarbonation poussée par les pouvoirs publics : la chute du logement neuf, l'atonie de l'entretien-rénovation et les rebondissements chaotiques des dispositifs d'aide ont fait plonger de 12 % le marché français des Pac en 2024, ce qui représente in fine moins de 1,2 million d'unités. La dégringolade atteint même les -40 % sur le segment air/eau, cœur d'activité des industriels tricolores.
Dans une étude consacrée à cette filière emblématique de la réindustrialisation "verte" voulue par l'Hexagone, l'institut Xerfi dresse une cartographie des acteurs tout en relevant les défis auxquels ils doivent faire face, et les perspectives d'activité qui s'esquissent devant eux. Il souligne notamment "la pluralité d'intervenants" de la filière française, qui comporte "une trentaine de fabricants", et le "positionnement de niche" de l'écrasante majorité d'entre eux, citant, entre autres, "Lemasson dans les Pac géothermiques", "Frisquet dans les Pac hybrides" et "Thereco dans les Pac destinées au tertiaire".
En aval de la chaîne de valeur, les auteurs du rapport constatent l'opposition entre les négociants spécialisés en sanitaire et chauffage d'une part, et les grandes surfaces de bricolage ainsi que les filiales commerciales des géants asiatiques (LG, Samsung…) d'autre part. Dans l'immédiat, l'instabilité réglementaire conduit les fabricants à se positionner sur de "nouveaux segments" portés par la RE2020, qui s'applique dorénavant aussi au collectif neuf (logements, bâtiments scolaires, immeubles de bureaux…).
Une réindustrialisation "pas aussi massive que prévu"
Ainsi, "les chauffages collectifs au gaz ont tendance à être remplacés par des Pac". Xerfi relève également au passage que les industriels européens "ont été les premiers à basculer vers le R290, quand leurs homologues asiatiques misaient, eux, sur le R32", au potentiel de réchauffement global bien plus important. L'institut y voit un "avantage concurrentiel certain" dans la transition énergétique du secteur, qui se traduit essentiellement par une bascule vers des fluides frigorigènes plus respectueux de l'environnement.
Là où le bât blesse, c'est que "30 à 40 % des Pac commercialisées dans l'Hexagone sont importées", pour la plupart d'Asie. Dans le même temps, l'étude reconnaît que les fabricants asiatiques "ne ménagent pas leur peine pour conserver leurs positions" et "se prémunir d'éventuelles mesures protectionnistes" de la part de Bruxelles, en investissant "dans des usines XXL de production de Pac en Europe de l'Est".
Des décisions stratégiques qui coupent l'herbe sous le pied de la politique de réindustrialisation de Paris, laquelle ne devrait pas "être aussi massive que prévu, avec peu d'annonces d'investissements et de projets de construction de nouvelles usines". Certains acteurs vont même jusqu'à envisager l'arrêt de leur outil de production en France, "à l'instar de BDR Thermea", qui compte fermer son site de Mertzwiller, dans le Bas-Rhin. Reste à voir si le nouveau Plan Pac, théoriquement attendu pour la fin de l'année, saura trouver des remèdes à ces maux qui grippent l'industrie tricolore.
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