Pac aidées par les CEE : "L’important, c’est l’objectif de résultats", F. Lievyn (GPCEE)

Par   Corentin PATRIGEON

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Publié le 24 septembre 2025
© GPCEE
Florence Lievyn, présidente du GPCEE (Groupement des professionnels des certificats d'économies d'énergie).
RÉGLEMENTATION. Deux fiches CEE vont être valorisées à compter du 1er octobre afin de favoriser l'installation des pompes à chaleur d'origine européenne dans le résidentiel. Pour XPair, la présidente du Groupement des professionnels des CEE, Florence Lievyn, décrypte les conséquences de cette décision.

XPair : En dépit de l'électrification des usages et de la transition énergétique, le marché des pompes à chaleur n'a pas décollé comme les pouvoirs publics l'espéraient. Dans une situation de fortes contraintes budgétaires, ils ont décidé de valoriser les fiches CEE BAR-TH-171 et BAR-TH-172 (voir tableau ci-dessous) pour apporter un nouveau souffle à la filière. Comment cela va-t-il se traduire concrètement ?

Florence Lievyn : Malgré la volonté du Plan Pac et son ambition de produire un million d’unités en France, les chiffres du marché ont plongé. Face à ce constat, les pouvoirs publics ont pris conscience qu'il fallait changer les choses. Il y a sans doute aussi eu une pression des industriels qui ont investi massivement dans leur outil de production et ne voyaient pas la demande des ménages au rendez-vous. Au vu de la situation des finances publiques, on a donc appelé les CEE au secours en proposant des bonifications qui s'appliqueront dès le 1ᵉʳ octobre 2025.

Le sujet embarque deux choses. D'abord la bonification, qui était jusqu’à présent un coup de pouce (une prime fixe) et qui va désormais bénéficier d'un multiplicateur x5 sur le cours CEE, actuellement haut. Ensuite, le changement du mode de calcul, qui passe en EFI (énergie finale intégrale). C’est le cumul des deux facteurs qui permettra de couvrir dans certains cas jusqu'à 100 % du coût de l'équipement. Les appartements sont les grands perdants de cette décision, mais cette position semble assumée par le ministère puisqu'il ne s'agit pas du secteur d’installation prioritaire. 

Cela signifie aussi que les professionnels qui proposent ces équipements aux bénéficiaires vont avoir une communication beaucoup moins facile : dorénavant, il y aura énormément de combinatoires possibles (en fonction de la typologie du logement, de la zone climatique…), qui seront ensuite multipliés par la surface du bien.

"Il faut anticiper le risque de fraude dans le cadre d'opérations de quasi-gratuité sur lesquelles il y a une véritable facilité commerciale."

En prenant uniquement le critère de la surface du logement, on arrive déjà à 96 combinatoires, à multiplier par autant de surfaces de logements qui existent ! Donc si l’installateur n’a pas un bon calculateur pour entrer l’ensemble des paramètres, il risque de ne pas connaître le niveau de prime à accorder au client. Étant donné qu'on va gagner une couche de complexité, il sera d'autant plus légitime que les installateurs travaillent avec des partenaires robustes sur le CEE.

Cette valorisation comporte-t-elle des risques ?

F. L. : Comme les taux de couverture pourraient atteindre les 100 %, il y a le risque d’un retour massif de la fraude. On sait qu’il y a déjà des failles, du flou qui subsiste dans les fiches ; par exemple de quel ETAS (efficacité énergétique saisonnière) parle-t-on ? Celui de Strasbourg ou des zones chaudes ?

Les réflexions pour optimiser la prime délivrée ne se feront pas au détriment du consommateur, mais les écodélinquants se demanderont comment aller chercher le reste à charge le plus faible pour avoir l’assurance que le bénéficiaire signe et lance les travaux. Il ne s'agit pas de détournement d’argent par des intermédiaires, mais il faut anticiper ce risque dans le cadre d'opérations de quasi-gratuité sur lesquelles il y a une véritable facilité commerciale.

Les fiches CEE BAR-TH-171 et BAR-TH-172 sont valorisées à compter du 1ᵉʳ octobre 2025. Source Sonergia

Selon vous, que faudrait-il faire pour limiter ces risques et clarifier ces flous ?

F. L. : Avoir un certain nombre de précisions sur la foire aux questions du ministère serait bienvenu ! Au niveau des contrôles, on peut également opérer un certain nombre de choses. D’autres biais risquent par ailleurs d’apparaître, mais est-ce que cela nécessitera une révision du texte ? Dans tous les cas, il ne faut pas voir revenir les offres à 1 € qui attirent les fraudeurs avec ces offres de quasi-gratuité pourtant parfaitement légales.

Le contexte de production des CEE est actuellement compliqué, même sur les gisements ouverts. C’est donc une très belle opportunité que d’avoir ces bonifications sur les Pac, mais cela ne doit pas conduire à de mauvaises installations ne servant pas l'intérêt de nos industriels, et mettant en difficulté les ménages qui n’en auraient pas le besoin ou les moyens.

Nous allons donc être extrêmement vigilants sur ce point. Pour ma part, je pense qu'il faudrait aussi conditionner les aides CEE à un contrat d’entretien sur l’ensemble de la durée de vie de l’installation. On ne devrait pas pouvoir vendre un équipement sans un engagement de maintenance. C’est du bon sens pour moi.

La souveraineté industrielle semble aussi occuper une place importante dans cette décision…

F. L. : Vu les sommes très importantes engagées, la DGE (Direction générale des entreprises) estime qu'il serait dommageable que la valeur parte en dehors de l’EEE (Espace économique européen). Or beaucoup de pompes à chaleur proviennent d’Asie, c'est pourquoi certains acteurs ont poussé pour des critères différents selon que les Pac soient fabriquées dans l’EEE ou directement importées des pays asiatiques.

La DGE a donc acté la volonté du gouvernement français d’avoir une préférence européenne et cela va passer par la mise en place d’un agrément des équipements, délivré par l’Ademe (Agence de la transition écologique), publié au Journal officiel. À terme, les produits agréés pourraient être les seuls bénéficiaires des primes bonifiées. Le guichet ouvrirait en décembre 2025, les premiers agréments seraient attendus en mai 2026 et la mesure prendrait effet au 1ᵉʳ juillet 2026.

"Je pense qu'il faudrait aussi conditionner les aides CEE à un contrat d’entretien sur l’ensemble de la durée de vie de l’installation. On ne devrait pas pouvoir vendre un équipement sans un engagement de maintenance."

Ce critère d'origine géographique a-t-il des chances de survivre à l'instabilité politique et économique actuelle ?

F. L. : J’ai l’impression que le sujet est déjà bien avancé et que la DGE semble avoir un calendrier précis, mais elle peut être désavouée par son futur ministre de tutelle. Des industriels qui ne fabriquent pas en Europe risquent en outre d'être fortement impactés et de ne plus bénéficier d’aucune bonification. Tout cela peut donc encore évoluer, à mon avis dorénavant plus à l’initiative de la filière que des responsables politiques.

Certains acteurs ont déploré que le financement de la rénovation énergétique bascule de MaPrimeRénov' vers les CEE…

F. L. : La suppression de l’ensemble des crédits à la transition énergétique est le vrai risque. L’important, c’est l’objectif de résultats et non l’objectif de moyens, et le point essentiel, c’est l’accessibilité des gisements. Le fait qu’on puisse faire des CEE pour financer de la rénovation, pourquoi pas. En revanche, nous sommes critiques sur le fait que cela entraîne des marchés réservés.

Par exemple, sur la rénovation d’ampleur, il y a un quasi-monopole de l’Anah (Agence nationale de l'habitat). Mettre davantage de CEE sur un marché comme celui-ci, opéré par un seul acteur qui n'est a fortiori pas au niveau à ce jour, est scandaleux. C’est la double peine pour les opérateurs économiques et les consommateurs.


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