"Nous ne voulons pas voir s’échapper le budget des CEE au profit de MaPrimeRénov'", É. Barthès (Symbiote)

XPair : Comment abordez-vous l’enjeu de la rénovation énergétique à travers vos deux casquettes ?
Édouard Barthès : EBS Energie est délégataire CEE (certificats d'économie d'énergie), financeur de travaux et intermédiaire entre les fournisseurs d’énergie et les entreprises de travaux. C’est une structure qui accompagne plus de 1.000 entreprises de rénovation sur le montage des dossiers, l’aide à la détection de travaux, le contrôle de la conformité et le paiement des dossiers.
Symbiote est quant à lui un syndicat professionnel de branche qui compte 250 adhérents provenant de tout l’univers du bâtiment : auditeurs, négoces, distributeurs, entreprises de travaux, financeurs, fournisseurs d’énergie, banques… Nous essayons d’être le plus proactif possible sur les évolutions réglementaires pour fédérer la filière autour de propositions concrètes.
Dans les deux cas, nous dénonçons les "stop and go" et les changements trop radicaux de la politique publique de rénovation énergétique, pour promouvoir à la place un artisanat de qualité et une optimisation des processus.
Quelle est la position de Symbiote alors que les arbitrages sur MaPrimeRénov’ et les CEE se succèdent ces derniers jours ?
É. B. : L’enjeu est de ne pas voir s’échapper le budget des CEE au profit de MPR, puisque nous avons d’un côté des fonds privés, et de l’autre de fonds publics. Dans un contexte de débudgétisation, nous sommes contre ce transfert, pas tant parce que notre métier risquerait de disparaître, mais parce que le traitement des dossiers et des accompagnements sur le terrain nous échapperait en étant délégué à l’Anah (Agence nationale de l’habitat), qui accuse déjà des retards. Il faut que les CEE continuent à exister comme aujourd’hui, et que MPR soit ciblée sur les logements étiquetés F et G.
"Ce qui crée l’écodélinquance, c’est l’opportunité de la subvention ! Plus il y a d’argent à gagner, plus il y a de margoulins."
Pour justifier la suspension de MPR, les pouvoirs publics mettent notamment en avant la lutte contre la fraude…
É. B. : Il faut effectivement lutter contre la fraude et assainir le marché, mais aussi pérenniser les dispositifs et donner le la visibilité aux acteurs. Mais comment faire ? En arrêtant d’un coup MPR parce qu’on a besoin de temps pour nettoyer les dossiers frauduleux et recalibrer le dispositif, je peux l’entendre, mais ce que je ne comprends pas, c’est qu’on vienne en parallèle modifier le dispositif CEE alors qu’il fonctionne bien. Il faut d’urgence revenir au mécanisme des CEE avec des fiches qui nous permettent de financer des travaux et éviter de bloquer toute la filière.
Se servir d’argent privé pour bonifier de l’argent public va dans le bon sens pour les ménages, mais pas pour le marché. Et est-ce que l’Anah pourra contrôler et suivre le rythme ? Nous proposons de laisser la gestion des passoires thermiques - logements F et G - à l’Anah car elle peut dédier un accompagnement spécifique à une population précaire. Pour tout ce qui a trait à la massification, nous proposons en revanche de revenir au dispositif des CEE, qui existe depuis 2005 et qui a fait ses preuves.
Des acteurs plaident pour abandonner le subventionnement des monogestes et se consacrer uniquement aux rénovations d’ampleur, qui seraient les seuls chantiers réellement efficaces…
É. B. : Abandonner les monogestes est une bonne idée sur le papier, mais en pratique chaque cas peut être sensiblement différent. Des ménages ne peuvent pas faire tous les travaux en même temps, ou ont déjà fait certains travaux. Nous sommes donc favorables à tendre vers des bouquets de travaux, mais supprimer les monogestes va pénaliser une partie des ménages qui n’auraient ainsi plus d’incitation pour franchir le pas, par exemple pour changer une chaudière. Il vaut mieux laisser les monogestes, peut-être avec une subvention plus faible, et en parallèle bonifier les bouquets de travaux.
Certains demandent aussi une programmation pluriannuelle pour la rénovation énergétique…
É. B. : Beaucoup de discussions vont avoir lieu dans les prochaines semaines. Quoi qu’on décide, il faudra que ce soit clair pour les acteurs, qu’ils sachent où ils vont, et que ce soit stable dans le temps. Une programmation pluriannuelle de financement pour la rénovation énergétique me semble en effet essentielle. Elle aurait l’intérêt de lisser l’enveloppe dédiée tout en n’étant pas soumise chaque année au renouvellement du budget. Ce qui lui éviterait de faire office de variable d’ajustement.
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