"Nous ne voulons pas faire de quantitatif au détriment du qualitatif", P. Ruaz (Gree)
XPair : Alors que l'année 2025 touche à sa fin, quel bilan provisoire en dressez-vous pour votre activité ?
Patrice Ruaz :
Nous avons implanté notre siège en France en 2022, puis nous avons créé une base logistique ainsi qu'un centre de formation. Nous ne sommes pas dans la volumétrie à tout prix, nous ne voulons pas faire de quantitatif au détriment du qualitatif. Nous préférons adopter une approche structurelle nous permettant d’avancer pas à pas, en suivant un plan cadré à travers différents métiers (électricité, CVC…).
Vous étiez présents sur le salon Artibat, de même que l'un de vos distributeurs, IDK...
P. R. : En distribution, nous comptons effectivement sur des partenaires spécialisés, d'envergure nationale ou locale, comme Rexel, IDK, Ouest Isol & Ventil ou encore Le Froid Pecomark. Gree est un constructeur chinois mais organisé comme un constructeur japonais ! Nous voulons avancer progressivement et collectivement, c'est pourquoi nos collaborateurs sont issus des métiers auxquels nous nous adressons : fabricants, installateurs... Nous avons fait le pari d'une distribution cadrée, avec des acteurs que nous avons nous-mêmes choisis.
En tant que constructeur étranger, où en est votre implantation sur le marché français ? D'autres industriels, comme Panasonic, font le choix de moderniser leur outil de production européen pour mieux répondre aux attentes du marché communautaire...
P. R. : Gree est arrivé sur le marché français en 2016-2017. Depuis 2021, nous bénéficions d'une forte accélération de notre activité et d'un doublement de notre chiffre d'affaires. En 2025, nous visons une croissance de plus de 20 %. Nos produits sont reconnus comme étant performants et bien suivis, aussi bien en avant-vente qu'en après-vente. Gree est un véritable industriel du génie climatique, présent sur la totalité de la chaîne de valeur de ses produits, et qui réalise 34 milliards de dollars de chiffre d'affaires mondial.
"Dès lors qu’il y a des subventions publiques en jeu, le minimum que notre profession doit assumer est de proposer une installation bien dimensionnée, bien installée et bien entretenue. La pompe à chaleur est une belle solution mais elle est malheureusement abîmée par un manque de contrôle et de professionnalisme."
Nos ressources techniques nous permettant d’être bien en phase avec les besoins du marché européen, comme l'illustre la signature d'un partenariat avec le groupement Gasel. Concernant la relocalisation de l'outil de production, je préciserai que le transport pèse finalement très peu dans le bilan carbone global d’un équipement CVC. Malgré tout, nous réfléchissons à une acquisition externe en vue de renforcer notre capacité d'assemblage en Europe.
Les marchés de la rénovation et du logement sont pénalisés depuis plusieurs mois par les feuilletons à rebondissements sur les dispositifs d'aide type MaPrimeRénov'. Comme le montre l'enquête de conjoncture XPair-AICVF réalisée cet été, les professionnels du CVC ont tendance, dans ces conditions, à se tourner vers le tertiaire... Quelle est votre analyse sur cette situation ?
P. R. : Je suis scandalisé quand je vois qu’on attribue la mention Qualipac à des professionnels qu’on n’est même pas capable de contrôler. Dès lors qu’il y a des subventions publiques en jeu, le minimum que notre profession doit assumer est de proposer une installation bien dimensionnée, bien installée et bien entretenue. Les fraudes et l'écodélinquance risquent de produire des contre-références dommageables pour notre secteur.
La pompe à chaleur est une belle solution, capable de porter deux énergies avec une consommation moindre, mais tout cela est malheureusement abîmé par un manque de contrôle et de professionnalisme. Je suis donc très prudent sur les marchés sous perfusion. Mais nous restons convaincus que mutualiser deux énergies peut être moins onéreux si l'on dispose d'un bon système, capable de démultiplier le confort thermique tout au long de l’année, et ayant un impact carbone moindre tout au long de la vie du produit.
"En mettant les moyens dès le départ, et en refusant la sous-traitance, nous avons formé 200 personnes l'année dernière, et nous en attendons 500 en 2025. C'est un choix de qualité pour gagner des clients et en prendre soin."
La réglementation, à l'image des décrets tertiaire et Bacs, peut être une bonne chose, mais d'autres initiatives, comme la substitution de MPR par les CEE (certificats d'économie d'énergie), ne m’ont pas convaincu. La qualité du produit est l’essence du développement de notre activité. Il nous faut déjà bien irriguer les professionnels de nos métiers avec des matériels performants et des formations adéquates.
C’est dans cette optique que nous avons inauguré la Gree Academy en 2024, notre premier centre de formation situé à Clermont-l'Hérault (Hérault) et destiné à nos installateurs et distributeurs. En mettant les moyens dès le départ, et en refusant la sous-traitance, nous avons ainsi formé 200 personnes l'année dernière, et nous en attendons 500 en 2025. C'est un choix de qualité pour gagner des clients et en prendre soin.
En tant que constructeur chinois, craignez-vous d'éventuelles répercussions de la guerre commerciale que se livrent actuellement les États-Unis et la Chine ?
P. R. : Bien sûr, il pourrait y avoir des répercussions, ne serait-ce que parce que nos transactions sont effectuées en dollars. Quoi qu'on en pense, la Chine est une puissance économique et industrielle incontestable et incontournable. La situation reste inquiétante et nous restons vigilants sur les possibles conséquences qui pourraient impacter le marché et notre activité.
Les chiffres d'Uniclima arrêtés à la fin août montrent que la ventilation est le seul segment d'activité du CVC à enregistrer une évolution positive. Mettez-vous aussi des billes sur ce marché ?
P. R. : Nous proposons des centrales double-flux, des CTA… Aussi bien en matière de communication que de mécanique, les matériels Gree se connectent à tous les équipements CVC. Tous nos protocoles de communication peuvent être intégrés et nous travaillons avec des intégrateurs GTB pour gagner encore plus d'expertise sur les décrets tertiaire et Bacs.
La ventilation et la qualité d'air intérieur sont des sujets extrêmement importants pour le confort d’usage, qui ont probablement été négligés pendant un certain temps, et qui font aujourd'hui l'objet d'une prise de conscience, motivée par des problématiques urbanistiques et environnementales.
À l'instar de bien d'autres secteurs d'activité, le génie climatique manque de bras. Est-ce aussi votre cas ?
P. R. : Je vous confirme que nous rencontrons beaucoup de difficultés de recrutement, particulièrement pour des postes de techniciens-commerciaux. D'où l'enjeu de la formation des professionnels de notre filière.
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