"Le solaire est présenté comme un bouc émissaire", regrette Jérémy Simon (SER)

En amont de son colloque national sur le solaire photovoltaïque, organisé le 20 mai à Bordeaux, le Syndicat des énergies renouvelables s'alarme des attaques dont la filière ferait l'objet. XPair s'est entretenu avec son délégué général adjoint, Jérémy Simon, alors que plusieurs propositions de loi en cours de discussion à l'Assemblée nationale font planer des menaces au-dessus des professionnels du secteur.
XPair : À quelques jours du colloque que vous lui consacrez, comment décririez-vous la situation de la filière photovoltaïque française ?
Jérémy Simon :
Selon vous, en quoi consistent ces attaques ?
J. S. : Sur les installations au sol, il y a eu des risques à la faveur de la proposition de loi de Pascal Lecamp (Modem) sur le partage de la valeur de terres agricoles et visant à "assurer le développement raisonné et juste de l’agrivoltaïsme". Après la promulgation de la loi Aper (Accélération de la production d'énergies renouvelables), on s’était résolu au fait qu’il y avait désormais un cadre mais avec un trou dans la raquette.
Nous avons alerté sur le fait que cette PPL était l’occasion de revenir sur la loi Aper en instaurant un seuil minimal pour les installations agrivoltaïques. Le texte est finalement sorti du calendrier parlementaire ; la menace s’est éloignée mais le solaire au sol fait face à d'autres dangers.
Sur le solaire en toiture, plusieurs PPL sont discutées en ce moment, dont celle d’Harold Huwart (Liot) sur la simplification de l'urbanisme et du logement (voir ci-dessous), qui veut revenir sur les obligations de solarisation des façades et des parkings. Nous sommes très inquiets sur l’atterrissage de ce texte car on s’oriente vers un détricotage des avancées obtenues par la loi Aper.
"On se demande où et quand tout cela va s’arrêter. Tous les acquis obtenus, on est en train de les perdre."
L’Assemblée nationale a voté des amendements pour supprimer la disposition prévoyant de relever de 500 à 1.100 m² le seuil d'obligation de solarisation des bâtiments. C'est positif et cela traduit un retour à la raison.
Mais comme je le disais, quand une menace s’éloigne, une autre apparaît sous la forme d'un amendement déposé par Olivia Grégoire (EPR), qui substitue à l'obligation de solarisation des parkings une obligation portant soit sur la solarisation, soit sur la plantation d'arbres à large canopée, soit sur un mix des deux.
Par conséquent, il n'existe plus aucune obligation formelle de solarisation pour ces parkings, puisqu'il suffira d'y planter des arbres pour se mettre en conformité avec la loi. C'est le résultat d'un lobby constant et significatif de la grande distribution qui veut protéger la valeur de ses réserves foncières.
La révision de l'arrêté tarifaire du segment S21 a aussi fait grincer des dents...
J. S. : Le S21 est le segment le plus dynamique depuis trois ans. Nous travaillons avec l’administration sur la mise en œuvre d’un appel d’offres simplifié qui prendrait le relais, à la rentrée 2025, du segment 100-500 kilowatts-crête. On espère que le groupe de travail piloté par la DGEC (Direction générale de l'énergie et du climat) permettra de faire démarrer cet appel d’offres avec un volume de projets suffisant pour que la filière ne s’éteigne pas.
Les vents sont donc vraiment très défavorables pour le solaire. Actuellement, le photovoltaïque n'est pas la filière la plus sereine, à l’inverse de la géothermie par exemple, qui semble avoir les faveurs du Premier ministre. Des ENR sont ménagées, préservées, tandis que d’autres, comme le solaire, sont malheureusement dans l’œil du cyclone. On se demande où et quand tout cela va s’arrêter. Tous les acquis obtenus, on est en train de les perdre. •
Les acteurs "ont besoin de visibilité"
Le 15 mai, la PPL d'Harold Huwart a été adoptée en séance publique, ce dont s'est félicitée la ministre du Logement, Valérie Létard : "Il n'y aura pas de réponse durable à la crise du logement qui touche des millions de Français sans effort clair et constant de simplification (...)", a-t-elle réagi dans un communiqué.
Dans la foulée du débat parlementaire sur la PPE, le président d'Enerplan, Daniel Bour, a pour sa part insisté sur la nécessité de "mettre en place des systèmes de pilotage" de la production solaire, "à travers le déploiement du stockage et de la flexibilité, et parallèlement de développer la filière industrielle solaire française, avec l'ouverture de 'gigafactories' de panneaux solaires". Rappelant que les acteurs "ont besoin de visibilité", il juge "urgent que la PPE soit publiée".
Lire aussi
-
La Pac individuelle, grande perdante des incertitudes politiques et économiques
-
Les installations solaires sont de plus en plus exposées aux risques cyber, selon un rapport
-
Qualité de l'air : les pouvoirs publics font le point sur le chauffage au bois
-
Solaire : pourquoi les toitures-terrasses représentent "un fort potentiel" pour cette entreprise