Photovoltaïque : le nouvel arrêté tarifaire S21 est paru, la filière mitigée

C'est fait : Bercy (qui gère le portefeuille de l'Industrie et de l'Énergie) a publié au Journal officiel du 27 mars 2025 l'arrêté tarifaire révisé pour le segment S21, mettant ainsi un terme à une séquence de plusieurs semaines marquée par une fronde des professionnels contre le projet gouvernemental. Pour rappel, le texte avait été mis en consultation le 12 février dernier afin de modifier le dispositif de soutien aux petites installations photovoltaïques sur bâtiment dans le résidentiel. Il a également fait l'objet d'un avis de la CRE (Commission de régulation de l'énergie) et d'échanges avec la filière, notamment au sein du CSE (Conseil supérieur de l'énergie).
À l'issue des consultations, le ministère estime désormais que les préoccupations des acteurs ont été entendues, tout en maintenant l'ambition initiale du texte. "Concernant le petit PV chez les particuliers, le soutien sera bien recentré sur l'autoconsommation, afin d'offrir à nos concitoyens une résilience face aux variations des prix de l'électricité", explique-t-il dans un communiqué.
S'agissant des projets de plus grande taille (100-500 kilowatts-crête), "un système de caution bancaire sera mis en place afin de restreindre le soutien à des projets matures", sachant qu'un dispositif spécifique sera instauré lorsque les producteurs sont des collectivités locales. "Le soutien à ce segment de puissance prendra la forme d'un appel d'offres simplifié qui devra être mis en place au début du 2ᵉ semestre 2025", poursuit Bercy, qui informe de la constitution d'un groupe de travail réunissant la filière et les collectivités "afin de finaliser la définition de ce dispositif".
Entrée en vigueur immédiate
Les dispositions de l'arrêté révisé entreront en vigueur dès le 28 mars. Tout n'est cependant pas figé : en prenant l'exemple de la tranche 100-500 kWc, Bercy souligne que "le tarif sera de 95 € le mégawattheure jusqu'en juin 2025, où ce dernier sera amené à évoluer en fonction du nombre de demandes de tarif". Sur cette même tranche, le soutien sera, à l'été 2026, "réservé aux projets faisant l'objet d'un approvisionnement résilient, avec un niveau de soutien adapté à cet horizon".
Pour le reste, le ministère indique qu'il vient de désigner les lauréats des appels d'offres PV au sol (103 projets pour environ 900 MWc) et PV sur bâtiment (54 dossiers pour plus de 200 MWc). Une manière de montrer qu'il continue à soutenir l'industrie solaire par d'autres leviers que ce fameux arrêté tarifaire révisé.
D'après le ministre de l'Énergie, Marc Ferracci, ce dernier "illustre la méthode à laquelle je tiens : garder le cap de la trajectoire pluriannuelle de l'énergie, veiller à l'impact sur les finances publiques, échanger avec les filières et sécuriser (...) le développement du PV indispensable à la sécurisation de notre énergie et à notre souveraineté".
Inquiétudes sur un ralentissement de l'activité au second semestre
Un avis qui n'est évidemment pas partagé par tout le monde, à commencer par les professionnels du solaire. Dans un communiqué commun, le syndicat Enerplan et le SER (Syndicat des énergies renouvelables) se réjouissent "d'avoir été entendus sur la non rétroactivité des mesures, le gel jusqu'au 1er juillet du tarif du segment 100 à 500 kWc et la perspective de voir mis en place rapidement des appels d'offres simplifiés".
Ils jugent en revanche "très défavorables" le reste des mesures. Selon les acteurs, "le segment résidentiel subira une division par trois des primes et tarifs le concernant, ceci dès l'entrée en vigueur du nouvel arrêté tarifaire, sans que ces baisses ne coïncident avec la mise en œuvre de la TVA à taux réduit, seulement applicable à compter du 1ᵉʳ octobre prochain".
"Le segment résidentiel subira une division par trois des primes et tarifs le concernant, ceci dès l'entrée en vigueur du nouvel arrêté tarifaire, sans que ces baisses ne coïncident avec la mise en œuvre de la TVA à taux réduit, seulement applicable à compter du 1ᵉʳ octobre prochain."
Cette situation, dépeinte comme un "cumul de difficultés", pourrait avoir un impact sur l'activité des entreprises, en plongeant "un grand nombre de petits installateurs dans plusieurs mois d'attente sans chantier, d'autant plus que les conditions d'accès à la TVA réduite sont encore inconnues".
Enerplan et le SER, qui s'inquiètent d'une "décroissance trimestrielle extrêmement forte" sur le segment intermédiaire (de 9 à 100 puis de 100 à 500 kWc), ne sont pas davantage convaincus par le mécanisme d'appel d'offres pour la tranche 100-500 kWc. Ils pointent en effet "beaucoup d'incertitudes sur les volumes et sur la régularité des sessions qui seront ouvertes". Ce qui pourrait faire courir le risque d'une décélération importante de l'activité au second semestre 2025.
Les deux organisations demandent donc aux pouvoirs publics de se remettre autour de la table dès que possible et rappellent leurs propositions : "des appels d'offres réellement simplifiés aux volumes conséquents dès le mois de juillet 2025, des conditions de TVA réduite connues au plus vite, sans attendre l'échéance de leur mise en place en octobre prochain".
Ne pas pénaliser l'électrification
Pour Daniel Bour, à la tête d'Enerplan, "le spectre d'un moratoire s'éloigne mais il faut se remettre vite autour de la table des discussions pour sortir de cette période transitoire et permettre aux professionnels de retrouver une visibilité après cette période chaotique". Son collègue du SER, Jules Nyssen, salue les évolutions de l'arrêté paru aujourd'hui comme "un pas dans la bonne direction" dans la mesure où "elles éviteront un effondrement soudain du marché".
Il considère néanmoins qu'il est "impératif" que "le mécanisme d'appels d'offres simplifiés puisse venir prendre le relais de cet arrêté tarifaire dès juillet prochain, sans quoi nous n'aurons fait que repousser cet 'effet falaise' de quelques mois". Sur l'autoconsommation, il juge en outre "incompréhensible que le Gouvernement n'ait pas attendu l'entrée en vigueur du taux de TVA réduit afin de compenser partiellement les coupes infligées à l'autoconsommation".
"Les évolutions présentées aujourd'hui constituent un pas dans la bonne direction, car elles éviteront un effondrement soudain du marché."
Autre réaction du secteur de l'énergie : l'UFE (Union française de l'électricité), qui "prend acte" des modifications apportées par le nouvel arrêté tarifaire et se satisfait même de plusieurs "avancées" sur la non rétroactivité et les garanties financières, apportant "plus de visibilité aux acteurs concernés".
"Si la dégressivité du tarif est maintenue, nous souhaitons que les nouvelles modalités de mise en concurrence soient effectives le plus tôt possible afin d'en limiter l'impact", précise la fédération. Pour ne pas pénaliser l'électrification, elle demande par ailleurs "des conditions soutenables et pérennes" pour l'ensemble du secteur.
Pas de rétroactivité sur les tarifs de rachat
Du côté du Groupement des métiers du PV de la Fédération française du bâtiment (GMPV-FFB), on note que "certaines mesures ont été repoussées dans la bonne continuité des échanges" avec les acteurs, comme le fait d'avoir écarté toute rétroactivité sur les tarifs de rachat et d'avoir institué une caution de 10.000 € qui prendra la forme d'une garantie bancaire ou d'une consignation auprès de la Caisse des dépôts.
Mais, globalement, le texte s'inscrit "dans une logique d'amoindrissement des aides à la filière sur bâtiment, rendant plus complexe la valorisation de l'électricité produite sur ces mêmes bâtiments", d'après le groupement. Son président, Jérôme Teste, relativise : "Enfin le décret tombe et nous savons sur quoi nous baser ! Certes, ces nouvelles contraintes ne vont pas être simples à intégrer dans nos entreprises. Néanmoins, nous pouvons relever nos manches et communiquer de façon fiable auprès de nos clients."
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