Le climat et la transition énergétique, victimes de la désinformation
Cinq cent vingt-neuf cas de désinformation climatique sur les médias audiovisuels français en huit mois. Un nombre multiplié par trois entre le début de l'année et l'été 2025, selon un rapport de QuotaClimat, Data for Good et Science Feedback publié le 21 octobre 2025.
"D’abord un bruit léger, rasant le sol comme une hirondelle avant l’orage, pianissimo murmure et file, et sème en courant le trait empoisonné. Telle bouche le recueille, et piano piano, vous le glisse en l’oreille adroitement. Le mal est fait, il germe, il rampe, il chemine, et rinforzando de bouche en bouche, il va le diable ; puis tout à coup, on ne sait comment, vous voyez calomnie se dresser, siffler, s’enfler, grandir à vue d’œil ; elle s’élance, étend son vol, tourbillonne, enveloppe, arrache, entraîne, éclate et tonne, et devient, grâce au Ciel, un cri général, un crescendo public, un chorus universel de haine et de proscription. Qui diable y résisterait ?"
Aujourd’hui, c’est la désinformation qui s’est installée dans les systèmes de communication. Il en est question dans les affaires internationales, avec les ingérences étrangères dans les élections par exemple, mais elle est aussi à l’œuvre dans les affaires intérieures, sans doute portée par des intérêts ou, peut-être, des idéologies.
Centraliser ou décentraliser l'énergie ?
La désinformation porte essentiellement sur les énergies renouvelables (ENR). Curieusement, leur développement suit le schéma de la calomnie, d’abord très doux, discret, puis plus ambitieux, et enfin dominant. Au niveau mondial, le doute n’est plus permis, les renouvelables progressent à une allure dépassant toutes les prévisions, y compris dans des pays qui ont fondé leur industrie sur le charbon, comme la Chine et, plus près de nous, la Pologne où elles ont dépassé le charbon pour la production d’électricité. Ce succès indéniable ne doit pas plaire à tout le monde.
L’énergie est au centre d’une campagne de désinformation, au moment où le Gouvernement doit publier une feuille de route sur le développement de nos capacités de production, document qui se fait attendre depuis deux ans (la 3ᵉ version de la Programmation pluriannuelle de l'énergie, que le Premier ministre Sébastien Lecornu espère promulguer avant Noël, NDLR).
Plusieurs raisons à cela. Les ENR, ça ne fait pas sérieux. Ce sont des bobos, des illuminés, des savants fous, mais les gens sérieux savent que ce n’est pas solide, il vaut mieux du nucléaire, avec les énergies fossiles en attendant le renouvellement du parc de centrales. D’ailleurs, nous ne pourrons jamais nous passer du pétrole et du gaz, ne nous faisons pas d’illusion. Le développement mondial des ENR contredit manifestement cette posture, mais nous sommes chez nous, et c’est forcément différent.
Il y a peut-être aussi les tenants d’une vision centralisatrice. Les énergies décentralisées, ça ne leur plaît pas. Comment contrôler un système aux multiples centres de décision ? Selon eux, l’énergie est une chose trop sérieuse pour être laissée à des autorités locales.
De la visibilité, encore et toujours
C’est ainsi que la désinformation prospère. Sur les réseaux sociaux, mais aussi sur des grands médias écrits et audiovisuels. Les ENR coûtent cher, elles ne peuvent fournir suffisamment et au bon moment, elles exigent des métaux rares dont l’extraction est catastrophique pour l’environnement et les travailleurs exploités (notamment des enfants), leur bilan énergétique est mauvais, elles provoquent des pannes, et en plus elles sont laides et tuent les oiseaux.
Autant d’arguments – et j’en oublie sûrement bien d’autres – répétés à l’infini, parfois sur des organes prestigieux ou contrôlés par l’Arcom (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique), comme des évidences, et sans contradicteur.
Les ENR résistent, mais elles souffrent. Il s’agit d’un développement industriel, avec des investissements lourds, le besoin de personnel qualifié, des conséquences lourdes sur d’autres secteurs économiques, notamment le bâtiment, le transport et l’industrie, et qui exige, comme les autres secteurs comparables, une visibilité pour aller de l’avant.
"Qui donc y résisterait ?" disait Bazile. Eh bien les ENR font face. Malgré cette campagne débridée contre elles, elles restent bien-aimées des Français. Les sondages l’attestent, et cela largement, comme il apparaît dans une étude de l’Ifop pour Engie : 84 % de nos compatriotes interrogés déclarent avoir une bonne image des ENR, et ce chiffre atteint 94 % chez les riverains d’installations d’énergies renouvelables.
Une visibilité qui lui est refusée, avec la désinformation qui le fragilise malgré tout. Nous en sommes arrivés à la nécessité d’ouvrir un débat à l’Assemblée nationale, le 22 octobre dernier, pour répondre à la question "Quelle action publique, face à l’essor de la désinformation climatique ?" Réponse à suivre.
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