Le soutien financier de l'État à la filière solaire va être passé en revue à la demande de Matignon
Les énergies renouvelables sont visiblement toujours un peu dans le collimateur des pouvoirs publics. Matignon a annoncé hier avoir confié une mission sur l'optimisation du soutien public aux ENR électriques et au stockage d'électricité à l'ancien président-directeur général d'EDF, Jean-Bernard Lévy, aujourd'hui à la tête du Conseil français de l'énergie, et à Thierry Tuot, conseiller d'État et ancien directeur général de la Commission de régulation de l'énergie (CRE). L'exécutif veut ainsi passer en revue les dispositifs de soutien aux filières solaire et éolienne financés par le budget de l'État.
"Conçus pour accompagner leur déploiement, ces mécanismes représentent aujourd'hui un engagement financier majeur pour la puissance publique", explique sobrement Matignon, ajoutant que "leur évolution régulière est indispensable pour tenir compte des progrès technologiques, des nouvelles conditions de marché et de consommation, et des priorités nationales de transition énergétique". L'exécutif estime en effet que les filières ENR ont aujourd'hui atteint une certaine maturité et que l'état des finances publiques impose de revoir la copie.
L'idée serait donc de mieux partager l'effort entre les acteurs publics et privés, notamment "la répartition des risques entre l'État et les producteurs", et de trouver de nouveaux financements du côté du secteur privé. Épaulés par le Conseil général de l'économie, la Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) et les administrations, et en lien avec la filière solaire, les membres de la mission devront ainsi éplucher les mesures déjà engagées et proposer des recommandations sur le stockage d'électricité et les instruments de flexibilité.
Des recommandations sur le stockage et la flexibilité
Le Gouvernement assure malgré tout que "l'objectif poursuivi par cette mission est de garantir la soutenabilité financière du soutien de l'État afin d'atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre du pays", de l'ordre de -50 % d'ici à 2030 et avec la neutralité carbone dans le viseur d'ici à la moitié du siècle. La mission devrait rendre ses conclusions "dans un délai de trois mois". Hasard du calendrier ou pas, un groupement d'associations et d'organisations professionnelles ont publié un communiqué commun aujourd'hui pour annoncer la création d'une Alliance pour l'énergie locale afin de mettre en lumière 450 projets d'ENR portés par des municipalités ou des collectifs citoyens.
Jules Nyssen, président du SER (Syndicat des énergies renouvelables), parle de "provocation"
Dans une réaction publiée sur LinkedIn, le responsable assure que "les ENR se développent de manière concurrentielle dans le cadre d'appels d'offres publics qui garantissent la plus grande transparence sur les coûts", renvoyant à la CRE qui "détient et publie toutes les informations".
Jules Nyssen exhorte donc les pilotes de la mission à ne pas se cantonner "à l'examen du coût de deux filières ENR" mais à analyser plus largement "la manière d'optimiser l'indispensable électrification de notre pays en mobilisant de manière diversifiée l'ensemble de nos atouts de production".
À l'approche des élections municipales, le Réseau Cler, le Réseau Action Climat France, le WWF (Fonds mondial pour la nature), GreenPeace, France Nature Environnement, le mouvement Énergie Partagée, le fournisseur Enercoop, l'association EnergyCities, la Chambre française de l'économie sociale et solidaire, l'association Amorce, le Labo de l'économie sociale et solidaire et la FNCCR (Fédération nationale des collectivités concédantes et régies) veulent ainsi attirer l'attention sur ces technologies qui "peuvent être déployées deux à trois fois plus rapidement que des centrales nucléaires, pour un coût en diminution constante".
Des retombées économiques fléchées vers la rénovation
Les mêmes déplorent pourtant un retard français en la matière et la multiplication des recours juridiques contre les parcs photovoltaïques existants ou en projet. "Ces situations se produisent majoritairement lorsque les projets sont mis en oeuvre par des compagnies privées, sans qu'un lien soit réellement tissé avec les territoires", affirment-ils. Pour Auréline Doreau, la responsable des projets ENR au Réseau Cler, "il faut faciliter le développement des énergies renouvelables portées par des municipalités, des citoyens, en partenariat avec des acteurs économiques".
Ce qui passe, d'après le responsable énergie et durabilité au WWF, Florent Chardonnal, par la publication "sans délai du décret d'application de la loi Aper (accélération de la production d'énergies renouvelables) afin de rendre effectif le fonds territorial de partage de la valeur des ENR". Combiné à une hausse des "moyens financiers et humains" des collectivités, ce dernier serait ainsi en mesure d'augmenter les retombées économiques de ces projets.
Actuellement, un tiers d'entre elles proviennent des taxes et loyers issus de l'exploitation des installations, un autre tiers des revenus issus de l'investissement. "Cela permet notamment à la collectivité de mieux maîtriser sa facture d'énergie, en rénovant ses bâtiments communaux grâce à l'argent des ENR, et aux usagers de disposer de lieux plus accueillants", plaident les 12 signataires.
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