"La ventilation est une belle opportunité de valeur ajoutée au savoir-faire des artisans", P. Housset (AFV)

XPair : Longtemps ignorées, la qualité de l'air et la ventilation sont-elles toujours le parent pauvre du génie climatique ?
Pascal Housset : Il y a eu un changement important depuis la période Covid, durant laquelle nos concitoyens se sont aperçus que l’air invisible pouvait être dangereux et porteur de dangers. On a très souvent associé la ventilation aux déperditions énergétiques, mais on a aussi suffisamment prouvé qu’une bonne VMC permettait de mieux réguler les entrées et sorties d’air, et participait activement aux économies d’énergie, au même titre qu’un air sain et renouvelé permet une bonne qualité de chauffage.
L’autre évolution s'est produite au niveau des politiques publiques, qui ont compris qu'il fallait tenir compte d’une bonne qualité de l'air intérieur au même titre qu’une bonne qualité de l’air extérieur. J’en veux pour preuve le lancement du Roquelaure de la qualité de l’air à l’initiative d'Agnès Pannier-Runacher [ministre de la Transition écologique démissionnaire depuis]. Nous avons pu faire comprendre au législateur qu’il était tout aussi important, voire plus important de parler de QAI que de l'environnement extérieur puisqu’on passe finalement plus de temps à l’intérieur qu’à l’extérieur.
"Nous avons l'habitude de dire 'pas de rénovation sans ventilation' car sur l’ensemble des rénovations, la prise en compte de la ventilation est devenue un quasi-automatisme. Nous espérons que cette tendance va se poursuivre mais pour cela, il faut continuer à soutenir ces travaux."
Ce message a été entendu, notamment dans le cas des travaux que nous avons menés avec l’Ademe (Agence de la transition écologique) qui ont pris en considération la QAI en la mettant en exergue avec un volet santé. Une mauvaise QAI entraîne des problèmes de santé, parfois graves, en plus des dégradations du bâti. D’où l’importance d’affirmer clairement qu’une bonne VMC permet de mieux gérer les flux d’énergie et de préserver la santé.
Donc oui, notre filière était auparavant le parent pauvre, surtout en l’absence d’association structurant la filière ; aujourd’hui, tous les installateurs, mainteneurs, industriels et distributeurs sont représentés à travers des organisations telles que l'AFV, Uniclima ou Coédis, et des groupes de travail formés sur les études de marché, la veille réglementaire… La QAI n’est pas une histoire de lobby, car tout le monde respire, mais elle est d’utilité publique en termes de coûts de santé, qui se chiffrent en milliards d'euros en raison d’une mauvaise qualité de l’air.
Certains acteurs considèrent qu'augmenter les flux augmenterait la consommation d’énergie, ce qui irait plutôt à l'encontre de la réglementation actuelle...
P. H. : La tendance est quand même à la hausse des débits dans le tertiaire. Si cela permet un meilleur confort des occupants, n’est-ce pas préférable ? En tout cas, nous avons aujourd’hui une meilleure maîtrise des systèmes de ventilation. Opposer les débits et la consommation est un faux débat, car aujourd’hui, on n’est pas obligé d’avoir des débits constants dans des lieux inoccupés. Il existe des systèmes de GTB / GTC performants avec des capteurs de présence pour moduler les flux en fonction de l’occupation des lieux.
Des outils pas forcément coûteux nous permettent donc de mesurer l’ensemble de ces données et de les interpréter objectivement, c'est pourquoi il faut prendre ce débat par le bon bout de la lorgnette.
Le secteur, qui a tendance à sur-isoler les bâtiments, doit également prendre en compte la ventilation, sinon les polluants vont continuer à être brassés. La filière ventilation, elle, a plus que doublé ses installateurs RGE : on est passé de 1.000 à 2.000 en un an, et on espère passer rapidement le cap des 3.000 entreprises sur l’ensemble du territoire. Il y a donc une vraie dynamique. Associée aux travaux d’isolation et de remplacement de chauffage décarboné, la ventilation fait désormais partie du package, et elle est même souvent le point d’entrée du chantier.
Malgré leurs allers-retours frénétiques ces derniers mois, estimez-vous que les dispositifs d'aide à la rénovation énergétique intègrent suffisamment les travaux de ventilation dans leur périmètre ?
Or les avances sur primes peuvent mettre en danger des entreprises. Nous avions demandé d’avoir un rythme de 10.000 dossiers mensuels en travaux d’ampleur, ce qui permettait, avec les forces vives labellisées RGE, de tenir la cadence. Mais on est aujourd’hui en stand-by, avec des entreprises qui licencient, voire qui ferment.
Les CEE vont certes pousser les pompes à chaleur mais les CEE poussant les monogestes sur l’isolation, eux, perdent du terrain. Les chaudières bois aussi sont en partie sorties de MPR, alors qu'elles ont du sens en milieu rural où l'on ne peut pas installer des Pac partout. La ventilation passe pour l'instant à travers les gouttes, mais les retombées économiques du bâtiment risquent d’être cassées par les défaillances du système actuel.
Sur le modèle des CEE poussant les Pac, faudrait-il donc des CEE favorisant la ventilation ?
P. H. : On peut reprocher la complexité des dossiers CEE, mais en termes de visibilité, c’est un outil plus stable dans la durée et moins dans les méandres de Bercy. Ce serait évidemment une bonne chose que la ventilation ait un coup de pouce côté CEE, mais il doit quand même aussi y avoir une part de soutien public car il y a des enjeux de santé publique derrière.
"Pour le guichet des rénovations d’ampleur de MPR, où la ventilation est très impliquée, plus de 60.000 dossiers sont en attente de validation sur l’ensemble du territoire. Nous avions demandé d’avoir un rythme de 10.000 dossiers mensuels en travaux d’ampleur, ce qui permettait de tenir la cadence. Mais on est aujourd’hui avec des entreprises qui licencient, voire qui ferment."
Rappelons que 40.000 établissements scolaires restent à rénover, et on est encore loin du compte en matière d’installations de ventilation performantes. Les projets ont du mal à se faire, et ce n'est pas la faute des élus qui ont la volonté de rénover leurs bâtiments. Les fonds nécessaires à ces travaux de ventilation, qu'ils soient consacrés par MPR ou les CEE, doivent donc rester pertinents. La filière doit disposer des bons leviers financiers pour pouvoir poursuivre les travaux.
P. H. : Des instances analysent la situation et ont livré leurs chiffres depuis des années ; cela doit maintenant déboucher sur un vrai plan d’actions. On connaît le constat, mais que fait-on ? Est-ce qu’on se donne les moyens d’inverser la tendance ? Aujourd’hui, entre 70 et 80 % de chantiers RE2020 sont dans les clous, mais entre 20 et 30 % de chantiers présentent des anomalies. La filière a réalisé un travail de fond sur la formation des entreprises, sur la mobilisation des acteurs, les échanges avec les parties prenantes… Les performances s'observent aujourd’hui dans le neuf, mais il faut dorénavant améliorer la qualité des installations dans les rénovations.
Ce qui passe aussi par la formation initiale, c'est pourquoi nous travaillons avec le CCCA-BTP (Comité de concertation et de coordination de l'apprentissage du bâtiment et des travaux publics) dans le cadre de la révision des formations pour pousser un véritable programme sur la ventilation et la QAI, et ne plus les survoler comme c'est malheureusement le cas aujourd’hui. Il faut également continuer à former les professionnels, y compris en reconversion.
Le marché de la ventilation est une très belle opportunité de valeur ajoutée au savoir-faire des artisans, il leur permet d'ajouter une corde à leur arc. Il y a un gisement d’entreprises qui ont la possibilité de développer leurs marchés grâce à la ventilation. Mais nous avons pour cela besoin de sortir de cette période difficile et de bénéficier d’un redémarrage fort du neuf comme de la rénovation.
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