"Aucun" objectif climatique du bâtiment "n'a jamais été atteint", selon un rapport
Où en est vraiment le secteur du bâtiment dans l'atteinte de ses objectifs énergétiques et climatiques ? C'est l'une des nombreuses questions posées par le Haut conseil pour le climat (HCC) dans son rapport 2025 sur l'adaptation de la France au changement climatique. Depuis 2018, cet organisme indépendant est chargé d’évaluer les politiques publiques en matière de transition écologique et énergétique, en veillant notamment à leur cohérence avec les engagements internationaux de l'Hexagone, tout particulièrement vis-à-vis de l’Accord de Paris, ainsi qu'à l’atteinte de la neutralité carbone en 2050.
Le bâtiment étant par définition l'un des secteurs d'activité les plus émetteurs, il est donc logique que le HCC lui consacre un chapitre de son rapport. Le constat est d'abord sévère : "Le secteur du bâtiment se voit attribuer des objectifs énergétiques et climatiques annuels depuis le Grenelle de l'environnement il y a plus de 15 ans, sans qu'aucun n'ait jamais été atteint qualitativement", tranche l'organisme. Certes, le financement des monogestes par l'Agence nationale de l'habitat (Anah) a permis d'atteindre les quotas fixés sur les années 2021, 2022 et 2023. Mais le secteur souffrirait d'une "non-atteinte chronique" qui "interroge sur sa capacité à se décarboner à l'échéance de 2050".
Les acteurs peuvent se projeter sur la base de la Réglementation environnementale 2020 et du décret tertiaire mais rien n'indiquerait pour autant que la décarbonation soit atteinte à la moitié du siècle. Le HCC estime ainsi que "la montée en puissance des rénovations d'ampleur doit continuer d'être soutenue massivement, tout en revenant à la définition légale d'une rénovation énergétique performante pour garantir un parc de 38 millions de logements d'étiquette énergétique A ou B en 2050".
Baisse de 0,7 % des émissions entre 2023 et 2024
Le bilan n'est guère plus positif du côté des émissions, en baisse de 0,4 million de tonnes équivalent CO2 en 2024 pour un total de 57,1 Mt éqCO2, soit un très timide recul de 0,7 %, imputable pour l'essentiel à la diminution des émissions de chauffage des bâtiments. Les auteurs du rapport font le lien entre ce bilan environnemental et les dispositifs d'aide : "Les mauvais résultats du secteur peuvent s'expliquer par la forte baisse des monogestes, que l'augmentation des rénovations d'ampleur n'a pas permis de compenser".
Le bâtiment respecte malgré tout le quota qui lui avait été fixé par le 3ᵉ budget carbone de la 2ᵉ Stratégie nationale bas-carbone (SNBC), à savoir 61 Mt éqCO2 pour les années 2024 à 2028. Il accuse cependant un retard sur la trajectoire annuelle du projet de SNBC 3, fixé à 54 Mt éqCO2 dès la première année de cette période, en dépassant la cible de 3 millions de tonnes. Pour le HCC, "l'inflexion du rythme de baisse des émissions doit enclencher une prise de conscience de l'ensemble des acteurs du secteur et leur remobilisation massive".
Le rapport considère toutefois que la révision de la directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments (DPEB), le nouveau seuil 2025 de la RE2020 et le décret tertiaire pourraient impulser une nouvelle dynamique, à condition qu'ils s'accompagnent d'une stabilisation des mécanismes de financement de la rénovation énergétique, indispensable pour la visibilité des professionnels.
Remise en cause des CEE
Sur ce point, le Haut conseil pour le climat se montre pour le moins sceptique sur les Certificats d'économies d'énergie : présentés comme "le principal outil de financement de l'efficacité énergétique avec près de 6 milliards d'euros mobilisés chaque année", les CEE continueraient d'après lui à "encourager les gestes isolés de rénovation" et seraient "source de nombreuses fraudes". Son impact sur la baisse des émissions de gaz à effet de serre est aussi remis en question "au regard de son coût pour les ménages, évalué en moyenne à 164 € par an, et les entreprises".
Les auteurs jugent que la structure même du parc français, pour l'essentiel composé de bâtiments anciens, et le faible taux de rénovation et de renouvellement des équipements fossiles (chaudières fioul et gaz...) expliquent le retard français en la matière.
D'autres freins sont invoqués, comme la diminution de la taille des ménages, la hausse des surfaces moyennes par personne, l'augmentation de la part des résidences secondaires ainsi que le manque de données sur l'efficacité des mesures et la performance énergétique des bâtiments. Face à ce constat général, le Haut conseil pour le climat formule une dizaine de recommandations à destination des ministères de la Transition écologique, de l'Aménagement du territoire et de l'Économie et des Finances (voir encadré ci-dessous).
Les recommandations du Haut conseil pour le climat pour le secteur du bâtiment :
- Fixer une trajectoire du soutien public aux rénovations énergétiques globales dans les dispositifs d’accompagnement afin de tenir les objectifs de décarbonation du secteur
- Réformer en profondeur le dispositif des CEE en conservant l’obligation d’économies d’énergie des fournisseurs d’énergies et des vendeurs de carburants automobiles, mais en limitant l’usage des fonds collectés au financement des instruments structurant les politiques publiques de décarbonation
- Intégrer dans la RE2020 les dispositions de la DPEB révisée
- Suivre la mise en oeuvre effective de l’interdiction de location des passoires thermiques (G+ depuis 2023, G en 2025), évaluer l'effet de cette réglementation sur les locataires les plus précaires ainsi que sur la décarbonation du parc immobilier
- Poursuivre l'augmentation du montant et de la durée de l’éco-prêt à taux zéro (Éco-PTZ) engagée en 2024
- Renforcer le pilotage national de la rénovation énergétique des bâtiments en clarifiant l’articulation entre le SGPE (Secrétariat général à la planification écologique), l’ONRE (Observatoire national de la rénovation énergétique) et la coordination gouvernementale du plan de rénovation énergétique des bâtiments
- Mettre en place un guichet unique pour l’ensemble des financements et prêts à la rénovation énergétique via MaPrimeRénov’
- Renforcer les outils incitant à la sobriété énergétique comme le décret tertiaire et le décret Bacs, et s’appliquant in itinere de façon progressive pour permettre le retour sur la trajectoire et non après constatation du non-respect de la cible finale
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