Malgré ses atouts, la géothermie de surface toujours en mal de reconnaissance

Par   Pascal POGGI

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Publié le 5 novembre 2025
© Pascal Poggi pour XPair
Les régimes juridiques de la géothermie, les intervenants et leurs qualifications, la certification des pompes à chaleur géothermiques… autant de sujets qui restent méconnus.
FOCUS. Les régimes juridiques de la géothermie, les intervenants et leurs qualifications, la certification des pompes à chaleur géothermiques… autant de sujets qui méritent d’être mieux connus si cette énergie veut arriver à contribuer significativement à la décarbonation du chauffage, du rafraîchissement et de l'ECS.

L’AFPG – Association française des professionnels de la géothermie – a tenu son 7e CT-SAGE, sa journée technique annuelle, à Paris le 4 novembre 2025. Il ressort des discussions que la géothermie de faible profondeur demeure trop mal connue et ne progresse pas assez vite pour contribuer significativement à la décarbonation du chauffage, du rafraîchissement et de la production d’eau chaude sanitaire en France. L'occasion d'administrer une dose de rappel sur cette énergie.

Qu’est-ce que la géothermie de surface ?

La géothermie de minime importance (GMI) ou géothermie de surface bénéficie de procédures administratives simplifiées par rapport à la géothermie de grande profondeur. Il existe deux types de GMI : la géothermie sur boucles fermées dans lesquelles circule de l’eau glycolée, et la géothermie sur boucle ouverte avec puisage et réinjection d’eau en nappe phréatique.

Les deux types présentent deux caractéristiques communes : moins de 200 m de profondeur de forage et une puissance thermique maximale prélevée inférieure ou égale à 500 kW. Pour fixer les idées, cette puissance de 500 kW prélevée suffit pour chauffer 50 logements construits avant 1980 et un peu plus de 100 logements RT2012 ou RE2020.

En plus des deux conditions ci-dessus, la GMI sur boucle ouverte doit encore respecter cinq conditions supplémentaires : la température de l’eau prélevée doit être inférieure à 25 °C, les débits pompes dans l’aquifère inférieurs à 80 m3/h, les eaux prélevées doivent être réinjectées dans le même aquifère, la différence entre les volumes prélevés et les volumes réinjectés doit être nulle, et enfin, la variation de température dans la nappe dans un rayon de 200 m autour du rejet doit être inférieure à 4 °C. © AFPG

La GMI, à une profondeur comprise entre 10 et 200 m, est seulement soumise à déclaration et non à autorisation préalable. La déclaration s’effectue sur un site spécifique géré par le BRGM (Bureau des recherches géologiques et minières). Ce site enregistre les nouvelles exploitations de GMI, le changement d’exploitant d’une GMI existante, l’arrêt ou la modification d’une GMI.

Une fois la déclaration effectuée, le site délivre un récépissé de dépôt qui vaut accomplissement de diverses procédures, notamment celle prévue par l’article L.411-1 du Code minier : "Toute personne exécutant un sondage, un ouvrage souterrain, un travail de fouille, quel qu'en soit l'objet, dont la profondeur dépasse dix mètres au-dessous de la surface du sol, doit déposer une déclaration préalable auprès de l'autorité administrative compétente".

La GMI sur boucle fermée est utilisable partout en France, sauf dans le cas où le sol présente d’importantes cavités. La GMI sur boucle ouverte requiert une nappe phréatique.

Trois zones de géothermie

Dans le cadre d’une GMI, les forages doivent être réalisés par des foreurs qualifiés RGE forage, avec deux sous-qualifications possibles gérées par QualitENR : RGE nappe (boucle ouverte) et RGE sonde (boucle fermée). En introduction à sa journée, l’AFPG a indiqué qu’en date du 3 novembre 2025, on comptait 36 foreurs RGE nappe et 56 foreurs RGE sonde, ainsi que 614 bureaux d’études qualifiés en géothermie en date du 30 septembre 2025.

Pour la GMI, le BRGM a divisé notre pays en trois zones, qui toutes requièrent l’intervention d’une entreprise RGE forage :

- la zone verte, sans risque particulier, se contente de l’intervention d’un foreur qualifié,

- la zone orange demande d’abord l’intervention d’un expert GMI, puis d’un foreur qualifié. Le guide de l'auditeur intervenant dans le domaine de la certification des prestations de forage en matière de géothermie de minime importance est en cours de modification. Une consultation s’est terminée le 24 octobre 2025. Le guide modifié devrait paraître avant la fin de l’année,

- la zone rouge fait passer la GMI du statut de simple déclaration préalable au travaux, à celui beaucoup plus contraignant de l’autorisation préalable.

Six types de capteurs géothermiques

Il existe, rappelle l’AFPG, six types de captages géothermiques. Le premier, déjà évoqué plus haut, est la boucle ouverte avec puisage et rejet en nappe. Les cinq autres sont différentes boucles fermées.

Les échangeurs horizontaux constitués de boucles de tubes de polyéthylène enterrés horizontalement à faible profondeur de 0,80 à 1,20 mètre. À cette profondeur, l'énergie prélevée du proche sous-sol se renouvelle à la fois par la surface grâce à l’ensoleillement, l’infiltration de l'eau de pluie… et par la profondeur, par conduction dans le terrain. Ces capteurs horizontaux ne demandent pas de forage, ne relèvent pas du Code minier ni même de la GMI. Il faut une surface égale à une ou deux fois la surface à chauffer ou rafraîchir selon les déperditions du bâtiment. Les performances sont limitées du fait de l’influence des variations saisonnières climatiques sur l’échangeur, étant donné sa faible profondeur. © Pascal Poggi pour XPair

 

Les corbeilles à échangeurs compacts constituent le troisième type d’échangeurs et se présentent sous forme de ressorts cylindriques ou coniques. Implantées entre 1 et 10 mètres de profondeur, elles constituent un intermédiaire intéressant entre les capteurs horizontaux et les capteurs verticaux, car elles ne nécessitent pas de forage et sont installées à des profondeurs où le sol est relativement stable en température au cours des saisons.

Le diamètre d'une corbeille est compris entre 30 cm et 1,5 m pour une hauteur entre 2 et 3 mètres. Ce système permet de mobiliser une puissance extractible de 500 à 1.000 W suivant le type de corbeilles et le sol rencontré. Ces corbeilles, comme les échangeurs horizontaux ne relèvent pas du Code minier, ni de la GMI.

Le français Caleosol propose des "murs géothermiques", 30 % plus puissants que les corbeilles. Il s’agit d’un échangeur géothermique de "faible profondeur" qui s'installe dans le sol, dans une tranchée creusée par une mini-pelle. Dans un domaine privé, vu que le mur est installé à moins de 10 mètres de profondeur, pas besoin de permis de construire, ni de demande préalable d’autorisation de travaux.

Quatrième type d’échangeurs : les sondes verticales. Une fois posées, elles sont d’une extrême discrétion. © Pascal Poggi pour XPair

Les sondes géothermiques verticales placées dans un forage d’environ 150 mm de diamètre et à une profondeur pouvant atteindre 200 mètres, mais pas davantage pour demeurer dans le cadre de la GMI, constituent le quatrième type d’échangeurs. Selon la puissance nécessaire, l’échangeur est constitué d’une ou plusieurs sondes verticales, tant que la puissance prélevée demeure inférieure ou égale à 500 kW.

Chaque sonde est composée le plus souvent d’un tube en U (ou double U) en polyéthylène haute densité (PEHD). Les tubes sont scellés dans le sol par une cimentation spécifique pour optimiser les échanges thermiques entre le fluide caloporteur et le sous-sol. L’ensemble forage-tube-ciment est appelé sonde géothermique verticale. On parle de champ de sondes géothermiques lorsqu’un nombre élevé de sondes est mis en place.

Les fondations thermoactives sont le cinquième type. En construction neuve, une solution à la fois élégante et peu coûteuse consiste à noyer les tubes en U en PEHD dans les pieux des fondations au moment du coulage du béton.

Le dernier type d’échangeurs est le captage de chaleur sur les eaux usées, dont la température est le plus souvent comprise entre 12 et 20 °C. Ce qui assure un excellent rendement en chauffage et production d’eau chaude.

L’AFPG ne connaît pas encore ces échangeurs placés contre les parois d’un parking souterrain, découverts cette année dans une opération de géothermie sans forage réalisée avec des pompes à chaleur Viessmann. © Pascal Poggi pour XPair

Laure Meljac, responsable régional des affaires internationales de Nibe, a rappelé au début de la journée que les Pac géothermiques sont de deux sortes : eau/eau, testées avec une température d’eau à 10° C, et eau glycolée/eau, testées avec une température d’eau à 0 °C et un départ dans le sol à -3 °C. © Pascal Poggi pour XPair

Et les pompes à chaleur ?

Entre les capteurs dans le sol et l’installation à chauffer et/ou à rafraîchir, il faut une ou plusieurs pompes à chaleur géothermiques, selon la puissance nécessaire. Du point de vue réglementaire, on ne peut certifier une pompe à chaleur que pour la configuration eau glycolée/eau ou la configuration eau/eau, mais pas les deux. Selon Laure Meljac de Nibe, sur le site CEN Keymark qui rassemble les Pac certifiées, on trouve 586 modèles eau glycolée/eau et seulement sept modèles eau/eau.

Le règlement européen est en cours de modification et devrait, sans doute l’an prochain, demander à ce que les Pac soient capables de suivre leur propre fonctionnement, d’archiver les données et de transférer à l’interlocuteur désigné toutes les anomalies. De plus, leurs étiquettes énergétiques devraient évoluer vers une classification de A à G avec la disparition des A+, A++ et A+++ actuelles.

Comme les Pac air/eau sont testées à des conditions relativement plus favorables, les résultats montrent, par exemple, un Scop (Cop saisonnier), pour un départ d’eau de chauffage à 55 °C, de 3,7 pour les Pac géothermique eau glycolée/eau et de 3,5 pour les Pac air/eau. Une différence de 5 à 6 % seulement, qui, selon Laure Meljac, ne reflète pas la réalité des systèmes installés.

Comme les Pac Nibe sont très souvent connectées, Laure Meljac a suivi 1.013 unités du constructeur installées de 5 à 200 kW au cours de la période 2017-2019. Elle montre qu’en climat moyen, la température d’arrivée d’eau à la Pac est au minimum de 5 °C et non de 0 °C. Si les 5 °C de température de retour d’eau à la Pac devenaient la température de certification, le Scop passerait de de 4,55 à 5,15, soit un gain de puissance de 9 à 15 % et un gain de Scop de 13 à 20 %.

Un projet de texte européen entérinant ces nouvelles valeurs devait paraître en octobre 2025 , mais elle n’a rien vu venir. Elle estime que les textes intégrant ces nouvelles exigences pourraient, en croisant les doigts, être publiés en juin 2026 pour une utilisation obligatoire à compter de janvier 2028. Si ces valeurs devenaient la réalité, la différence de performance entre les Pac géothermiques et les Pac aérothermiques serait nettement plus importante. Il ne reste plus qu’à patienter.

Izuba, éditeur des logiciels Pleiades et Comfies, est en train d’ajouter un module de dimensionnement des échangeurs géothermiques et sera en mesure d’interfacer ses logiciels directement avec la base de données du BRGM pour une prise en compte plus fine de la nature du terrain. © Pascal Poggi pour XPair


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