Thermostats : pour Ignes, reporter l'obligation d'équipement est "totalement incompréhensible"
Les professionnels du bâtiment et de l'énergie ne veulent pas du projet de décret du Gouvernement prévoyant de reporter les échéances d'équipement en Bacs (systèmes d'automatisation et de contrôle des bâtiments) et en thermostats de 2027 à 2030. Il y a quelques jours, le Conseil supérieur de l'énergie (CSE) a donné le tempo en votant majoritairement pour le maintien au 1ᵉʳ janvier 2027 de l'obligation d'équipement en thermostat pour le secteur résidentiel.
Hier, le Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique (CSCEE) lui a emboîté le pas en rejetant à la quasi-unanimité le texte de l'exécutif. Si ce dernier devait malgré tout passer, les acteurs craignent que l'obligation et même l'intérêt des thermostats ne soient décrédibilisés. Un risque délétère, voire préjudiciable pour la transition énergétique du bâtiment, selon eux. La déléguée générale d'Ignes, l'Alliance des industriels des solutions électriques et numériques pour le bâtiment, Anne-Sophie Perrissin-Fabert, commente cette décision pour XPair.
XPair : Comment interprétez-vous les votes du CSE puis du CSCEE ?
Anne-Sophie Perrissin-Fabert : Ils reflètent l'incompréhension des professionnels de l'énergie et du bâtiment face à cette décision soudaine du Gouvernement. Le décret thermostat avait déjà été soumis aux deux instances il y a plus de deux ans, dans le cadre de ce qui était alors la copie initiale de l'exécutif. Le calendrier avait déjà été discuté à cette époque, avec une échéance d’abord fixée à 2025, puis repoussée à 2027.
Considérant que le report avait donc déjà été approuvé il y a seulement deux ans, et sachant que les acteurs de la construction demandent de la stabilité, cela semblait totalement incompréhensible de valider un nouveau texte repoussant encore une fois l’échéance. À travers cette décision, les professionnels font donc acte de stabilité.
Dans son argumentaire, Bercy explique vouloir laisser plus de souplesse aux professionnels comme aux particuliers...
A.-S. P.-F. : Depuis qu'une communication a été mise en place sur les thermostats, le taux d’équipement des Français a augmenté : au moins 1 sur 2 dispose dorénavant d’un moyen basique de régulation de son chauffage. Le décret thermostat a donc déjà incité les Français à prendre conscience de l’intérêt de ces solutions et à s’équiper, même si bien sûr il y a, comme à chaque fois, ceux qui anticipent et ceux qui ne bougent pas tant que la réglementation ne l’impose pas.
Le problème étant que les produits censés être vendus sont déjà fabriqués et que les commandes sont déjà passées. La filière, que ce soit les industriels ou les installateurs, était déjà dans la course pour tenir l’échéance de 2027. Il n'y a pas de contraintes de notre côté ; au contraire, nous sommes même en plein boom de développement. Dans ces conditions, le report n’est pas opportun et vient donc clairement couper la dynamique.
C’est dommageable pour les professionnels comme pour les particuliers et cela suscite de l’incompréhension. Il y a aussi des enjeux sur notre trajectoire carbone, alors que nos consommations repartent à la hausse sur les combustibles fossiles.
Roland Lescure, le ministre de l'Économie, a également indiqué que la réglementation européenne laissait encore de la marge pour s'équiper...
A.-S. P.-F. : La directive EPBD (sur la performance énergétique des bâtiments) dit en effet que les États membres ont jusqu’au 1ᵉʳ janvier 2030 pour s’équiper en Bacs. Les thermostats ne sont en revanche pas couverts par cette réglementation européenne.
Le locataire de Bercy a mentionné une aide destinée aux ménages pour leur équipement en thermostat...
A.-S. P.-F. : La fiche CEE (Certificats d'économies d'énergie) BAR-TH-173 peut ouvrir droit à des aides. Pour le chauffage électrique, il existe aussi des solutions qui peuvent être couplées avec une rémunération liée à la flexibilité, ce qui permet d’avoir des contrats plus attractifs. En termes de coût, ces solutions n’ont aucune commune mesure avec l'investissement que représentent d'autres solutions d’efficacité énergétique. On n’est pas du tout dans les mêmes budgets que le changement du mode de chauffage, par exemple. Les retours sur investissement des thermostats sont en moyenne inférieurs à 5 ans.
Quelle est la prochaine étape du projet de décret gouvernemental ?
A.-S. P.-F. : Les avis du CSE comme du CSCEE sont uniquement consultatifs, de même que les contributions collectées dans le cadre de la consultation publique. Mais il sera intéressant de regarder si le Gouvernement continue désormais à porter ce report à 2030, au moins sur la partie thermostat. Nous attendons maintenant la publication du texte au Journal officiel, dont la date est à la main du Gouvernement.
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