Révision de l'arrêté tarifaire S21 : la CRE s'exprime à son tour

Par   Corentin PATRIGEON

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Publié le 10 mars 2025
iStock/teamjackson
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ANALYSE. Après que le Conseil supérieur de l'énergie a appelé le Gouvernement à rectifier le tir, c'est maintenant au tour de la Commission de régulation de l'énergie de donner son avis sur le projet de révision de l'arrêté tarifaire pour les installations solaires entre 100 et 500 kWc. Elle formule notamment des recommandations pour éviter les "à-coups".

Le projet de révision de l'arrêté tarifaire S21 n'en finit décidément pas de faire parler de lui. La volonté du Gouvernement, désespérément à la recherche d'économies budgétaires, de mettre en place une dégressivité brutale du tarif pour les installations solaires entre 100 et 500 kilowatts-crête a déclenché une levée de boucliers générale, aussi bien chez les professionnels de l'énergie que dans la filière du bâtiment.

Réuni le 6 mars, le Conseil supérieur de l'énergie (CSE) a voté "à une très large majorité" un avis apportant "plusieurs modifications substantielles" au projet de l'exécutif, selon le Syndicat des énergies renouvelables et Enerplan, le syndicat du secteur solaire.

Il appelle d'abord à maintenir un tarif fixe de 95 euros le mégawattheure en attendant qu'un nouveau mécanisme de soutien ne vienne remplacer l'actuel. "Celui-ci prendra la forme d'un appel d'offres simplifié qui se substituera à l'arrêté tarifaire (...), dont le calendrier précis n'est pas encore connu mais qui, pour la filière, doit intervenir dès juillet 2025", indique le CSE dans son communiqué.

Des "concessions importantes" de la filière solaire

Ce dernier demande par ailleurs qu'une caution soit instaurée par le biais de la Caisse des dépôts "afin de garantir la qualité des dossiers qui seront déposés dans les prochains mois", et que le segment intermédiaire - celui de 9 à 100 kWc - ne fasse pas lui aussi l'objet d'une dégressivité qui perturberait encore un peu plus la filière. Le CSE plaide également pour que les baisses de tarifs et de primes relatifs à l'autoconsommation des particuliers "ne s'appliquent qu'à partir du moment où le taux de TVA réduit à 5,5% entrera en vigueur pour permettre la continuité des installations des ménages".

Aux yeux du SER et d'Enerplan, les recommandations du Comité font office de "concessions importantes consenties par la filière solaire" qui doivent être prises en compte par le Gouvernement "afin d'éviter un arrêt brutal du déploiement des toitures solaires et des ombrières photovoltaïques". Les avis du CSE étant toutefois purement consultatifs, l'exécutif est libre de les suivre ou pas.

D'après la CRE, les objectifs initialement fixés sur les tranches 0-9 et 100-500 kWc ont connu un "dépassement important" avec "des volumes significativement supérieurs aux volumes ciblés" pour "des typologies d'installations plus coûteuses au global".

Mais un autre avis, cette fois publié par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) ce 10 mars, pourrait bien apporter de l'eau au moulin des fédérations du secteur. La Commission a en effet été saisie le 6 février dernier des projets de révision des arrêtés S21 et S25 Sol, qui pour sa part fixe les conditions de soutien aux installations photovoltaïques au sol d'une puissance crête installée inférieure ou égale à 1 mégawatt-crête. Et ses recommandations, qui veulent éviter les "à-coups", rejoignent en grande partie celles du CSE.

Pour le S21, elle reconnaît en premier lieu que les pouvoirs publics sont contraints par une situation budgétaire plus que délicate, et que les objectifs initialement fixés sur les tranches 0-9 et 100-500 kWc ont connu un "dépassement important" avec "des volumes significativement supérieurs aux volumes ciblés" pour "des typologies d'installations plus coûteuses au global".

Envisager des mécanismes alternatifs

Cela dit, la Commission estime en parallèle que ce phénomène a permis de "compenser le retard" des tranches supérieures et ainsi contribué, in fine, à atteindre l'objectif 2023 fixé par la PPE 2 (Programmation pluriannuelle de l'énergie). La troisième version, toujours en préparation, devrait calquer les objectifs sur les modes de soutien, ce qui amène la CRE à juger "pertinent" l'adaptation des mécanismes d'aide afin de "mieux maîtriser les volumes en cohérence avec les objectifs fixés".

Pour désamorcer les éventuels effets négatifs, elle recommande néanmoins d'abandonner le système de la dégressivité tarifaire pour le remplacer par "un mécanisme de type appel d'offres simplifié", recoupant ainsi la proposition du CSE. En attendant que celui-ci voit le jour, elle préconise une dégressivité "fondée sur une courbe continue, symétrique, à la pente plus mesurée et qui continue à tenir compte de l'historique de développement, tout en corrigeant l'inertie du système actuel".

Cette recommandation pourrait d'ailleurs s'appliquer aussi bien pour le segment S21 que pour la tranche 9-100 kWc et l'ensemble du périmètre de l'arrêté S25 Sol. S'agissant toujours du projet de révision du S21, la CRE propose, comme le CSE, un dispositif de sécurisation financière "plus opérationnel" que celui poussé par le Gouvernement, qui se baserait sur "un système de consignation auprès de la Caisse des dépôts". Elle se dit aussi favorable à introduire un "critère de résilience cohérent avec le NZIA (règlement pour une industrie zéro-net)" fondé sur des spécifications techniques pour en garantir la "pleine efficacité".

Assouplir les recours au stockage couplés à de l'autoconsommation

Pour ce qui est du segment 0-9 kWc, l'autorité administrative indépendante porte un regard bien plus critique. D'après elle, le projet d'arrêté remettrait largement en cause le soutien à ces installations, "conduisant à une baisse significative de la rentabilité des projets", qui devra du coup être réévaluée une fois que le taux réduit de TVA à 5,5% aura été mis en place pour une partie du segment.

Sur ce point, elle considère qu'il y a "une difficulté potentielle liée au décalage temporel entre les évolutions prévues par le projet d'arrêté et la mise en place de ce nouveau taux de TVA, ainsi que des incertitudes sur les modalités d'éligibilité à ce taux réduit". En revanche, supprimer en totalité le soutien à la vente et diminuer le tarif de rachat de la part non autoconsommée, peu importe le niveau d'aide retenu, pourrait inciter à "maximiser le taux d'autoconsommation" en améliorant le pilotage de l'utilisation. C'est pourquoi la CRE appelle à assouplir à l'occasion les recours aux dispositifs de stockage de l'énergie couplés à de l'autoconsommation pour les particuliers.

Enfin, la Commission de régulation de l'énergie juge que le tarif initial de l'arrêté tarifaire S25 Sol "ne doit pas être rehaussé" et que les conditions d'attribution de la prime à l'excellence environnementale doivent être revues "en profondeur". D'autres ajustements techniques pourraient s'y ajouter, notamment l'introduction d'un "coefficient d'évolution tarifaire trimestriel supplémentaire pour tenir compte des effets d'apprentissage". Face à ces deux avis qui l'appellent à la prudence et à la mesure, le Gouvernement n'est donc pas encore prêt à clore le dossier de la révision de l'arrêté tarifaire S21.


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