Photovoltaïque : le Gouvernement veut sabrer les aides, la filière tire la sonnette d'alarme

Une baisse des aides qui passe mal. Le 12 février, le Gouvernement a publié un projet d’arrêté visant à réduire les aides accordées au secteur photovoltaïque pour les installations allant jusqu'à 500 kWc.
Selon le ministère de l’Industrie et de l’Énergie, qui dépend de Bercy, cette mesure s'inscrit dans une logique de "maîtrise des dépenses publiques" et s'appliquerait de manière rétroactive à partir du 1ᵉʳ février 2025. Elle toucherait notamment la production des particuliers, où les primes à l'investissement seraient divisées par deux. Par ailleurs, le tarif de rachat de l'électricité non consommée serait réduit de près de 70 %, passant de 12,7 centimes à 4 centimes du kilowattheure.
"Le soutien à ce segment sera ainsi recentré sur l'autoconsommation", précise le ministère dans son communiqué. Cette baisse est vivement critiquée par Enerplan, principal syndicat du secteur photovoltaïque, qui souligne l'impact sur les 5.000 entreprises qualifiées RGE (Reconnu garant de l'environnement) concernées. "Cela va mettre en difficulté toute une filière", alerte David Gréau, délégué général d’Enerplan.
Un coup dur pour les grandes installations solaires
Les grandes toitures solaires, correspondant au segment de 100 à 500 kilowatts-crête, seraient également concernées. Ce segment S21 inclut les ombrières de parkings, les hangars agricoles et les toitures d'entrepôts. Les aides publiques y seraient progressivement diminuées, avec un tarif de rachat passant de 105 à 95 € le mégawattheure, puis subiraient une baisse de 16% au trimestre suivant.
"Le tarif pourrait s'écrouler à un tel niveau que les projets ne pourront tout simplement plus se réaliser", prévient Alexandre Roesch, directeur général du Syndicat des énergies renouvelables (SER). Or, ce segment représente la majeure partie de la production du secteur : "Il a produit 3,3 GW sur un marché de 4,6 GW en 2024, soit plus de 70% de la production", précise-t-il.
Des incohérences pointées par la filière
Face à ces annonces, la Fédération française du bâtiment (FFB) et son Groupement des métiers du photovoltaïque (GMPV-FFB) expriment leur inquiétude quant à l'impact sur l'emploi. Ils dénoncent une "incohérence manifeste" entre les obligations récentes d’intégration du photovoltaïque dans les nouvelles constructions (lois Climat-résilience et Aper) et la réduction du soutien financier qui rendrait plus difficile la valorisation de l'électricité produite.
Audrey Zermati, directrice stratégie d’Effy, souligne également l'impact négatif de cette mesure sur les particuliers : "Cette baisse massive enverrait un très mauvais signal alors que de plus en plus de familles commencent à s'équiper en panneaux solaires. La dynamique, qui a enregistré une croissance de 54% en un an, reste pourtant très loin de nos voisins européens."
Est-ce la direction du budget qui fait la politique énergétique du pays ? Comment fournir d’ici 2027 les 170 TWh de consommation électrique liée à tous les projets d’IA annoncés lors du sommet ?
Dans un message posté sur LinkedIn, le président du SER, Jules Nyssen, a ironisé sur l'apparente contradiction entre la volonté affichée de la France d'accueillir des centres de données en misant sur son électricité décarbonée et l'annonce par le Gouvernement de cette réduction des tarifs d'achat du photovoltaïque.
"Est-ce la direction du budget qui fait la politique énergétique du pays ? Comment fournir d’ici 2027 (i.e. dans moins de deux ans !) les 170 térawattheures de consommation électrique liée à tous les projets d’IA annoncés lors du sommet [pour l'action sur l'IA organisé à Paris les 10 et 11 février, NDLR] ? Arrêtons de marcher sur la tête !", s'est emporté le responsable, parodiant le "Plug baby, plug" d'Emmanuel Macron en "Cut baby, cut".
Le projet d’arrêté, actuellement soumis à consultation publique, pourrait entrer en vigueur au 1ᵉʳ mai 2025.
Lire aussi
-
La filière énergie actualise sa stratégie industrielle pour rester dans la course
-
Électricité renouvelable : une dynamique positive mais des incertitudes pour l'avenir
-
Génie climatique : Uniclima dresse un bilan 2024 alarmant
-
"La compétitivité des ENR s'est encore accrue en 2024", selon André Joffre (Qualit'ENR)