Rénovation : après la publication du projet de SNBC 3, des acteurs évoquent un "renoncement majeur"

Par   Corentin PATRIGEON

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Publié le 15 décembre 2025
© SerhiiKrot/iStock
Illustration de travaux d'isolation thermique.
POLITIQUE. Le Gouvernement a mis en consultation définitive son projet de troisième Stratégie nationale bas-carbone. Le réajustement des objectifs sur la rénovation énergétique suscite une levée de boucliers.

L'exécutif a voulu marquer le coup mais il n'est pas certain qu'il ait atteint sa cible. Dix ans après l'adoption de l'Accord de Paris, qui prévoit de limiter le réchauffement climatique mondial à +1,5 °C d’ici à la fin du siècle par rapport à l’ère préindustrielle, le ministère de la Transition écologique, de l'Aménagement du territoire, et de la Ville et du Logement a publié son projet de troisième Stratégie nationale bas-carbone (SNBC 3).

Mis en consultation définitive, ce qui pourra donc ouvrir la porte à d'éventuels ajustements avant sa publication finale prévue au 1ᵉʳ trimestre 2026, le document "fixe la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre jusqu'en 2050 et constitue le cadre stratégique pour atteindre la neutralité carbone, conformément aux engagements internationaux de la France".

À l'issue de trois années de travail associant toutes les parties prenantes, le projet de SNBC 3 se fixe huit objectifs majeurs : la réduction de 50 % des émissions nationales de gaz à effet de serre d'ici à 2030 par rapport à leur niveau de 1990 ; l'atteinte de la neutralité carbone en 2050 ; la garantie d'une souveraineté énergétique et d'une sortie des énergies fossiles, notamment en mettant un terme à la consommation de gaz fossile en 2050 "et en assurant la disponibilité d'énergie décarbonée, électricité et biomasse" ; ainsi que la réduction de la consommation finale d'énergie, "grâce à la sobriété et à l'efficacité énergétiques dans tous les secteurs".

Priorité aux mono-gestes et aux pompes à chaleur

Les pouvoirs publics ambitionnent par ailleurs de "consolider" les puits de carbone naturels et de "faire de la transition un levier de compétitivité en offrant de la visibilité aux acteurs économiques et en adaptant les efforts à la capacité de chaque filière" – les professionnels du bâtiment en prendront sans doute bonne note. Les deux derniers objectifs consistent à réaliser une transition "juste et soutenable" tout en diminuant l'empreinte carbone de la France. Autant d'éléments constituant, selon le Gouvernement, "une feuille de route réaliste" reposant "sur des hypothèses crédibles d'évolution des comportements et des usages".

La première d'entre elles étant l'électrification, puisque le document insiste sur le "mix électrique déjà largement décarboné" de la France et met avant "des filières industrielles vertes émergentes", parmi lesquelles les pompes à chaleur – dont la préférence européenne a été précisée dans le cadre de la 6ᵉ période des Certificats d'économies d'énergie (CEE). Le document rappelle que le secteur du bâtiment a émis 57 millions de tonnes équivalent CO2 en 2023, ce qui représente 15 % des émissions du pays. "Ces émissions devront être réduites de 60 % en 2030 (37 Mt) et de 97 % en 2050 (3 Mt) par rapport à leur niveau de 1990 (93 Mt)", peut-on lire.

Pour y parvenir, les autorités envisagent de rénover 700.000 logements par an en moyenne, "pour permettre au moins 2 sauts de classe DPE (diagnostic de performance énergétique) entre 2025 et 2030", dont 250.000 rénovations d'ampleur. Il est prévu en parallèle d'éradiquer les passoires thermiques dans un horizon compris entre 2035 et 2040 et d'installer "massivement" des pompes à chaleur dans le parc résidentiel, avec un premier jalon fixé à 8,8 millions de Pac en 2030.

Maîtrise de la climatisation

L'extension des réseaux de chaleur et de froid y prendrait aussi sa part, par le biais du développement des énergies renouvelables et de récupération. La géothermie et le solaire thermique sont également mentionnés, tout comme l'augmentation de la production de biométhane en vue d'une injection dans les réseaux de gaz, et l'essor des flexibilités électriques (stockage, effacement) afin de mieux piloter la demande et d'inciter à décaler les consommations. La sobriété énergétique sera aussi encouragée, notamment via le respect des températures de consigne (26 °C en climatisation et 19 °C en chauffage).

Ce que le projet de SNBC 3 prévoit pour réduire les émissions du secteur résidentiel

- Assurer une cohérence des dispositifs d'aide à la rénovation afin d'atteindre les objectifs

- Inciter à la rénovation lors des moments clés de la vie des logements, à savoir au changement de bail ou lors de la mutation

- Rénover le parc social

- Structurer la filière en matière de rénovations énergétiques globales et performantes

- Sortir des chaudières au fioul en 2035

- Remplacer progressivement les chaudières à gaz par des solutions décarbonées

- Installer massivement des pompes à chaleur, structurer la filière en France et étendre les réseaux de chaleur

- Construire des logements bas-carbone en adéquation avec les besoins de logements

- Poursuivre les efforts de sobriété énergétique

L'arrêt des chaudières au fioul et le remplacement progressif des installations au gaz sont également au programme : entre 2023 et 2030, la SNBC 3 vise -60 % de chaudières fioul et -20 % de chaudières à gaz dans le résidentiel, et respectivement -85 % et -17 % dans le tertiaire. Le dispositif Éco Énergie Tertiaire devrait continuer d'orienter la baisse des consommations, tandis que la hausse des usages de la climatisation devra être maîtrisée grâce à la décarbonation des fluides frigorigènes, impulsée par le règlement F-Gaz. La RE2020 jouera toujours son rôle en incitant à la décarbonation des matériaux et la promotion des biosourcés pour la construction neuve.

L'objectif d'un parc BBC "abandonné" ?

"Nous disposons désormais d'une véritable stratégie pour éclairer la décision publique et orienter les politiques les plus efficaces en matière de transition écologique", a commenté Monique Barbut, la ministre de la Transition écologique, qui estime que les acteurs ont "désormais tous les outils pour faire de ce grand défi écologique une source durable de prospérité et de progrès pour l'ensemble des Françaises et des Français". Un avis que ne partagent pas plusieurs d'entre eux, dont le collectif Rénovons, qui compte parmi ses adhérents le réseau Cler, Coénove, Négawatt, Effinergie ou encore Dorémi.

Pour lui, le projet de SNBC 3 "marque un renoncement majeur en matière de rénovation énergétique des logements et de lutte contre la précarité énergétique (...), au profit d'une électrification massive des logements mal isolés, aux conséquences lourdes pour l'emploi, le pouvoir d'achat et la santé des ménages". Le document acterait en effet la réalisation de 250.000 rénovations d'ampleur annuelles à l'horizon 2030, "contre 500.000 à 700.000 initialement envisagées par de nombreux acteurs". Ce qui reviendrait à "abandonner" l'objectif d'un parc BBC (Bâtiment basse consommation) en 2050.

Le collectif fustige particulièrement le choix "quasi exclusif" de la Pac pour décarboner le secteur du logement. D'après ses membres, cela "revient à installer des équipements coûteux dans des logements énergivores, augmenter la consommation électrique, exposer les ménages à des factures instables et déplacer les problèmes sans traiter la cause structurelle : l'absence d'isolation".

L'association Coénove et le cabinet Artelys ont récemment publié une étude sur le rôle des gaz renouvelables et des solutions hybrides dans la décarbonation du parc résidentiel, qui tend à démontrer qu'une électrification tous azimuts comporterait ainsi plus de risques que de bénéfices. Sans surprise, Rénovons exhorte donc le Gouvernement à "remettre la rénovation énergétique performante au coeur de la stratégie climat" et à "construire une trajectoire crédible".


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