Décret tertiaire : "Les chiffres ne sont pas encore au rendez-vous", G. Coutable (Akéa Energies)

Publiées au Journal officiel, les annexes de l'arrêté "Valeurs absolues VI" du dispositif Éco-énergie tertiaire précisent notamment les modalités de calcul pour les établissements commerciaux, attendues de longue date. À cette occasion, XPair dresse un point d'étape sur l'application du décret tertiaire, ses objectifs et ses évolutions, avec Guillaume Coutable, chef de projet performance énergétique chez Akéa Énergies, filiale du Groupe Hellio, spécialiste de la rénovation énergétique et délégataire CEE (certificats d'économie d'énergie).
XPair : Pouvez-vous rappeler les objectifs ainsi que les échéances du décret tertiaire ?
Guillaume Coutable :
Ce second objectif vise des bâtiments récents et déjà performants intrinsèquement. Il impose de communiquer chaque année au 30 septembre les consommations de l'année précédente sur la plateforme Operat. La p
Concrètement, où en est l'application du dispositif Éco-énergie tertiaire ?
G. C. : Par rapport aux estimations de surfaces assujetties, les chiffres ne sont pas au rendez-vous. Il y a plusieurs raisons à cela. Déjà, de nombreux textes réglementaires sont sortis et de nombreux autres n’étaient pas encore publiés, dont les valeurs absolues, qui ont fait l’objet à elles seules de six arrêtés différents, définis par typologies d’activité. En outre, tous les acteurs ne sont pas forcément au courant, notamment les petits tertiaires privés.
On dresse le même constat pour le décret Bacs…
G. C. : Oui ; en revanche, là où le décret Bacs est une obligation de moyens, le décret tertiaire est une obligation de résultats ; là où le décret Bacs impose des travaux, le décret tertiaire impose de renseigner les consommations et d’atteindre les cibles fixées. Le dernier arrêté vient préciser les tableaux de calcul des valeurs absolues pour 14 sous-catégories d'établissements commerciaux. Cela représente 18 % des surfaces assujetties et 17 % des consommations assujetties, soit respectivement 99 millions de mètres carrés et 24 térawattheures.
"Le décret tertiaire va dans le sens des énergies renouvelables et des équipements performants, et on dépassera le simple renouvellement pour se diriger vers davantage de réflexion en amont afin d'optimiser les systèmes et de les rendre plus efficients."
C’était la dernière brique qu’il manquait, mais c’est une brique importante puisqu'elle concerne tout de même 1/5e des surfaces assujetties. Le secteur a désormais connaissance de toutes les règles du jeu pour pouvoir atteindre le premier objectif en 2030. Dans le détail des textes, la 1e annexe vient préciser les coefficients d’ajustement aux conditions climatiques. Il faut également retenir que l’arrêté introduit une nouvelle énergie, le GNL (gaz naturel liquéfié), ainsi qu’un décalage de l’obligation d’affichage de la note à juillet 2026.
Pouvez-vous détailler ces trois évolutions notables ?
G. C. : Plutôt que de comparer deux années entières sur des données brutes, on les actualise sur la base de conditions climatiques, ce qui permet de réajuster les consommations. Les formules de calcul sont définies par l’arrêté, avec des coefficients propres à chaque catégorie. Le GNL n’était pas représenté dans le bouquet énergétique, donc les bâtiments chauffés à ce gaz ne pouvaient pas effectuer leur déclaration sur Operat. En l'introduisant, les pouvoirs publics sont donc venus combler un vide juridique.
Pour les bâtiments assujettis au décret tertiaire, et notamment les ERP (établissements recevant du public), il y a une obligation d’affichage public de la note Éco-énergie tertiaire à leur entrée, à l’image du DPE (diagnostic de performance énergétique) pour les achats ou locations de logements. Étant donné que toutes les catégories de bâtiments n’étaient pas traitées dans l’arrêté valeurs absolues, il ne pouvait pas ressortir de note et la synthèse était par conséquent incomplète. Ce décalage laisse maintenant le temps à l’administration d’intégrer les données à la plateforme afin de sortir des synthèses complètes.
Estimez-vous que le secteur tertiaire est bien engagé sur le chemin de l'efficacité énergétique ?
G. C. : Cela dépend des bâtiments et de leur historique de consommation d'énergie. Toutes les opérations engagées depuis 2010 au sens de la performance énergétique portent déjà leurs fruits, que ce soit en matière de régulation, de sobriété… Il est encore un peu tôt pour le savoir dans le détail, mais d’après les retours de nos clients, je pense que le secteur est globalement sur la bonne voie.
Le décret tertiaire est-il une aubaine pour la filière CVC, confrontée à une conjoncture difficile ?
G. C. : Le décret tertiaire reste une obligation de résultats, qui n’impose pas d’isoler ou de remplacer sa chaudière mais qui accentue globalement l'aspect performance énergétique. Le décret tertiaire va donc dans le sens des énergies renouvelables et des équipements performants, et on dépassera le simple renouvellement pour se diriger vers davantage de réflexion en amont afin d'optimiser les systèmes et de les rendre plus efficients.
Une lettre de mission avait par ailleurs été envoyée en juillet 2025 par les ministres [démissionnaires depuis, NDLR] du Logement et du Commerce, Valérie Létard et Véronique Louwagie, au vice-président du Conseil général de l’économie, pour lui demander d'évaluer l’atteinte des valeurs absolues pour les TPME (très petites et moyennes entreprises). Le secteur commercial était déjà inquiet de l’atteinte des objectifs, et il le reste, au vu du contexte global.
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