Le bâtiment aura plus besoin d'hybridation que de Pac pour se décarboner, prévient une étude

Par   Corentin PATRIGEON

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Publié le 21 novembre 2025
© Corentin Patrigeon pour XPair
Emmanuel Khan, président du comité scientifique et technique de l'association Coénove, lors de la présentation des résultats de l'étude Artelys sur les solutions hybrides.
ANALYSE. L'association Coénove et le cabinet de conseil Artelys viennent de dévoiler les résultats d'une étude sur le rôle des gaz renouvelables et des solutions hybrides dans la décarbonation du parc résidentiel. Une électrification tous azimuts comporterait ainsi plus de risques que de bénéfices.

La décarbonation du parc résidentiel passera par l'hybridation des solutions, clame une étude fraîchement dévoilée par Coénove et le cabinet de conseil Artelys. En attendant (peut-être un jour ?) la publication de la troisième Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE3), l'association promouvant la complémentarité des énergies – qui compte parmi ses membres GRDF, Atlantic, Viessmann, Poujoulat, France Air, l'UMGCCP, le Synasav ou encore l'USH – prend ainsi le contrepied d'une étude récemment publiée par l'Ademe (Agence de la transition écologique), qui affirme pour sa part que le bâtiment ne pourra réaliser sa transition énergétique qu'en massifiant les pompes à chaleur.

"L'un des grands objectifs de cette étude était d'objectiver la performance des Pac hybrides (des chaudières à condensation très haute performance énergétique couplées à des Pac électriques air/eau) en comparaison à celles des Pac air/eau", détaille Emmanuel Khan, président du comité scientifique et technique de Coénove.

Comment ? "En reprenant un grand nombre d'éléments du volet bâtiment du Bilan prévisionnel 2023 de RTE (le gestionnaire du réseau haute tension, NDLR) sur la décarbonation du chauffage des bâtiments à horizon 2030." D'après le responsable, l'étude "corrige" des paramètres sur les Pac hybrides qui auraient été "mal pris en compte" par RTE (rendement de la chaudière, bivalence parallèle, bascule sur le signal prix) et prend mieux en considération l'eau chaude sanitaire.

Tablant sur "un flux maximum de 216.000 conversions annuelles de logements chauffés au gaz vers les Pac hybrides", elle raisonne en coûts complets et fonde son analyse sur la maille horaire en prenant comme périmètre l'Union européenne.

Enfin, elle a testé la résilience des scénarios énergétiques en les confrontant à trois "stress tests", portant sur l'impact d'une moindre efficacité des rénovations dans le secteur résidentiel, d'une indisponibilité partielle du parc nucléaire et d'un retard dans le développement des capacités d'énergies renouvelables. Voici ce qu'il faut retenir de la présentation des résultats de l'étude, à laquelle XPair était convié.

Réduction par cinq des besoins électriques

D'abord que les Pac hybrides pourraient représenter un gain certain pour le système énergétique : le cabinet estime que le remplacement de 700.000 Pac électriques par des modèles hybrides dans le scénario de référence de RTE générerait jusqu'à 160 millions d'euros d'économies par an (ECS incluse), tout en divisant par cinq (700 mégawatts) les besoins en capacités électriques lors des pics de demande et en baissant les émissions de CO2 quasiment dans les mêmes proportions que pour un scénario tout-électrique.

"Quand RTE tient un discours rassuriste sur l'électrification des logements, il oublie qu'en pratique cela ne va pas se passer comme ça. Quand on mettra 20 % de gaz verts comme c'est prévu par la filière et par la PPE, on arrivera effectivement à nos résultats", commente Jean-Charles Colas-Roy, à la tête de Coénove. Selon lui, "la Pac hybride émet autant qu'une Pac électrique, elle est plus flexible et réduit le coût d'usage en chauffage et ECS". Pour l'étude, l'association des électrons et des molécules que la filière gaz ne cesse d'appeler de ses voeux garantirait donc une maîtrise de la pointe électrique.

D'après ses calculs, l'électrification tous azimuts du secteur résidentiel – intégrant les contraintes d'installation des Pac – engendrerait une hausse supplémentaire de 3,6 gigawatts du pic de consommation nette. Dans ces conditions, laisser de la place aux chaudières gaz THPE et aux solutions hybrides offrirait davantage de flexibilité électrique, et in fine de sécurité d'approvisionnement. Ce scénario se confirmerait encore plus si les gaziers parviennent à injecter un cinquième de biométhane dans leurs réseaux d'ici à 2030.

Des gisements de biogaz pérennes

"La Pac hybride est donc un choix optimum et sans regret pour la transition du bâtiment", insiste Jean-Charles Colas-Roy.

Pousser les installations hybrides ne suffirait toutefois pas à résoudre l'équation : "Il faut dans le même temps qu'on passe aux gaz verts et qu'on réduise nos consommations, et c'est pourquoi nous insistons autant sur la rénovation". L'industrie gazière se prépare en effet d'ores et déjà à une chute de 60 % des consommations de gaz dans les prochaines décennies, du fait des mesures d'efficacité et de sobriété énergétiques : la consommation totale de molécules à horizon 2050 tournerait ainsi autour de 200 TWh.

Elle vise en outre le "verdissement" intégral de sa production (hors hydrogène) en 2050, avec un premier jalon fixé à 20 % en 2030. En octobre 2025, environ 800 sites ont produit 15,3 térawattheures de biogaz – soit l'équivalent de deux réacteurs nucléaires, de quoi alimenter 3,8 millions de logements neufs.

Et les gaziers balaient les craintes d'un problème de bouclage : d'après eux, les gisements de méthanisation (130 TWh), de pyrogazéification (90 TWh), de gazéification hydrothermale et de "power to méthane" (50 TWh chacun) garantiraient des volumes suffisants.

Décarboner, c'est réaliser une rénovation performante

Coénove saisit donc l'occasion pour réitérer sa demande d'une PPE3 intégrant un mix de chauffage "diversifié" et d'un soutien accru au développement du biométhane. Elle appelle également Bercy à revenir sur son projet de rehaussement de la TVA, de 5,5 % à 20 %, sur les équipements hybrides, et plaide pour que les dispositifs d'aide à la rénovation énergétique ne fassent pas les frais des restrictions budgétaires en 2026.

Sur ce point, les adhérents de l'association considèrent que décarboner implique nécessairement de rénover de manière performante. "Il faut faire les choses dans le bon sens : installer une Pac dans un logement mal isolé va amener à la surdimensionner et donc à la surenchérir !", alerte Jean-Charles Colas-Roy. Les acteurs seront donc nombreux à guetter le verdict sur le projet de loi de Finances 2026. L'Assemblée nationale a jusqu'au 23 novembre à minuit pour adopter le budget en première lecture.


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