L'avenir du bâtiment dépend-il de celui des pompes à chaleur ? Pour l'Ademe, c'est clairement oui

Par   Corentin PATRIGEON

Actualités
Publié le 7 octobre 2025
© iStock/welcomia
Un technicien intervient sur l'unité extérieure d'une pompe à chaleur.
DÉCRYPTAGE. L'Agence de la transition écologique a mené de nouvelles études sur les performances réelles des pompes à chaleur en maison individuelle. Plusieurs enseignements peuvent en être tirés, notamment en matière de formation. Mais à l'approche de l'échéance du Plan Pac (2027), la filière tire la langue.

Aux yeux de l'Ademe, l'avenir du bâtiment – et même de tous les bâtiments – passe par la pompe à chaleur. L'Agence de la transition écologique a organisé un webinaire ce 7 octobre afin de dévoiler les résultats de trois études, compilées en un avis, qu'elle vient de mener sur les performances réelles des Pac en maison individuelle.

Au programme : une campagne de mesure sur 90 Pac air / eau et 10 unités géothermiques (eau / eau ou sol / eau) installées récemment dans des maisons individuelles en remplacement de chaudières gaz ou fioul et suivies pendant une année complète, des tests en laboratoire et une analyse sur les consommations de chauffage des ménages ayant installé des Pac air / air à la place de tout ou partie de leur appareil de chauffage.

"Nos équipes ont mis beaucoup de rigueur méthodologique dans ces études afin de mettre des éléments scientifiques dans le débat public et d’éclairer le choix des consommateurs au moment où nous constatons une légère baisse des ventes de Pac", explique le président de l'agence, Sylvain Waserman, qui va jusqu'à parler de "bonnes nouvelles" pour la filière "malgré une actualité chargée".

Il y aurait en effet "un fort enjeu stratégique" sur les pompes à chaleur, d'après sa collègue Céline Laruelle, en charge des problématiques de chauffage et d’eau chaude sanitaire à l'Ademe : "Les Pac sont des installations d'énergie renouvelable capables de remplacer des chaudières fossiles ou des radiateurs électriques, et elles font l'objet d'une volonté politique à travers le Plan Pac, mais elle brase aussi des incertitudes, des doutes sur les performances ou des manques de données…"

Des performances... et une marge d'amélioration

Si les auteurs des études reconnaissent qu'il y a "encore du travail" avant de formuler toutes les conclusions qui s'imposent sur ces technologies – l'avis porte surtout sur les Pac air / eau en maison individuelle car c'est sur ce segment que "le socle scientifique est le plus solide" –, ils tiennent malgré tout déjà à faire passer plusieurs messages clés. À commencer par le fait que "les Pac sont performantes : on a obtenu un COP (coefficient de performance énergétique) de 2,9 en remplacement de chaudière qui avait un rendement de 0,8", note Céline Laruelle.

Les auteurs ont en outre constaté qu'environ un tiers des installations n’était pas optimisé (COP inférieur à 2,5) et disposaient donc d'une marge d'amélioration. En cherchant à comprendre d’où provenaient ces différences, l'Ademe s'est aperçue que la loi d'eau est souvent mal réglée, ce qui traduirait selon elle un manque de formation des installateurs. Elle a aussi établi un lien entre Pac et isolation, mais pas forcément celui auquel on pourrait s'attendre. "On a été un peu surpris d'observer des bonnes performances de Pac dans des maisons mal isolées, et des mauvaises performances de Pac dans des maisons bien isolées. C’est donc la loi d’eau qui prime", estime Céline Laruelle.

Au passage, les auteurs ont tout de même dressé la liste des avantages de l’isolation : au-delà du fait que ces travaux permettraient le déploiement d'unités dans un plus grand nombre de logements, il s'avère qu'ils pourraient aussi être réalisés après la pose de Pac, sans pour autant impacter sa consommation. Une analyse économique à destination des ménages a aussi été conduite et démontre qu'une Pac en maison individuelle permettrait de diviser par deux la facture de chauffage, et même par quatre en couplant la pose de l'équipement à des travaux d'isolation.

Montée en compétences de la filière

"En conclusion, la Pac est un outil très efficace générant une baisse du CO2 et de la consommation d’énergie, qui peut s’installer partout, même dans des logements mal isolés, à condition d’être bien réglée et associée à des radiateurs adaptés, mais qui peut être optimisée en formant les professionnels et en la couplant à des travaux d’isolation", résume Céline Laruelle. L'Ademe plaide évidemment pour recourir à des Pac françaises et européennes, tout en reconnaissant que "la massification des installations devra s’accompagner d’un soutien à la filière industrielle".

"La Pac n’est pas installable partout. Chaque solution a ses contraintes et ses coûts, il faut s'adapter en fonction de la situation et des besoins."

- Céline Laruelle, chargée des problématiques de chauffage et d’eau chaude sanitaire à l'Ademe

Cette dernière se félicite évidemment des résultats de ces analyses. Pour François Deroche, à la tête de l'Afpac (Association française pour les pompes à chaleur) et directeur marketing de Daikin France, elles confirment que "la Pac est un levier puissant pour réduire les émissions de carbone dans le bâtiment" et pour diviser par deux les factures de chauffage, "renforçant la rentabilité de l’investissement". Cela dit, "la qualité des installations est déterminante" et "la filière a un rôle à jouer" pour améliorer le tiers de machines qui pourrait encore être optimisé.

"Elle s’y engage par la création d’un consortium de fabricants de pompes à chaleur en lien avec des acteurs de la formation initiale et de la reconversion professionnelle, afin d’améliorer l’attractivité et la montée en compétences de la filière : le Cepac (Centre d'expertise pour les pompes à chaleur) sera lancé en 2026, en partenariat avec l’Ademe", affirme le responsable. Les industriels espèrent que ce nouvel outil participera au rebond d'un marché qui accuse une perte de 10 à 15 % entre 2025 et 2024.

La Pac creuse aussi son sillon dans le résidentiel collectif

"On espère que l’étude va redynamiser le marché de la rénovation", rebondit Yves Fanton d’Andon, directeur marketing du Groupe Atlantic et par ailleurs président du Cetiat (Centre technique des industries aérauliques et thermiques). De son côté, le fabricant explique investir "dans une dizaine de centres de formation en France afin de permettre ce déploiement massif en faveur de la décarbonation du logement". La filière tient aussi à prouver qu'il existe un marché de la pompe à chaleur dans le résidentiel collectif.

"En construction neuve, la RE2020 a déjà mis le pied à l’étrier des acteurs et plus de la moitié des logements neufs collectifs sont déjà équipés en Pac. On voit aussi émerger des petites Pac individuelles par logement", abonde David Lebannier, responsable d'activité R&D et associé chez Pouget Consultants. "En rénovation, on observe également l’essor des Pac collectives. Il y a de plus en plus de projets, d'expérimentations... La machine est en route et il faut l’accompagner." C'est ce que tente notamment de faire l'Afpac, à l'origine d'un guide technique sur la Pac en collectif publié il y a quelques mois.

Les études de l'Ademe consacreraient en outre le fait que "la mesure de la performance réelle est le meilleur moyen de faire progresser les acteurs", poursuit David Lebannier. Qui prévient toutefois que l’intégration d'une Pac en l'absence d'isolation se révèle plus complexe et coûteuse, voire infaisable. À l'inverse, l’isolation d'un nombre croissant de bâtiments "va augmenter le nombre de logements susceptibles d’accueillir des Pac".

Avec son analyse, l'Ademe considère surtout avoir clarifié l’articulation entre isolation et Pac. "Jusqu’à présent, on disait qu’il fallait absolument isoler pour que le rendement d’une Pac soit bon. Cette étude montre que c’est malgré tout possible sans isolation, à condition de remplir plusieurs critères (dimensionnement, formation…), et que l’isolation apporte malgré tout une plus-value", synthétise David Marchal, directeur exécutif expertises et programmes de l'agence.

Les industriels sont encore très loin du million

"On voit qu’il ne faut pas opposer isolation et remplacement du générateur. Ce qui nous amène à réfléchir sur la rénovation par étapes, qu’il va sans doute falloir encourager", embraye Yves Fanton d'Andon. Actuellement, MaPrimeRénov' et les CEE (Certificats d'économie d'énergie) soutiennent la pompe à chaleur, sans oublier le Fonds chaleur pour lequel les unités géothermiques sont éligibles, même si la demande reste faible. Quoi qu'il en soit, le secteur du bâtiment aurait tout intérêt à surfer sur le vecteur électrique. "La France a la chance d’avoir une électricité totalement décarbonée grâce au nucléaire et aux ENR, mais c’est une chance dès lors qu’on l’utilise !", soutien Sylvain Waserman.

Attention cependant : la Pac n'est pas la solution miracle de la transition énergétique du bâtiment. "La Pac n’est pas installable partout, déjà en raison de son unité extérieure, et ensuite parce qu'elle est plus encombrante qu’une chaudière", met en garde Céline Laruelle. "La Pac n’est donc pas pertinente pour les appartements en chauffage individuel sans balcon. Chaque solution a ses contraintes et ses coûts, il faut s'adapter en fonction de la situation et des besoins."

D'autant que les industriels sont encore très loin de l'objectif du million d'unités produites fixé par le Plan Pac. "On est aux alentours de 250.000 – 300.000, qui alimentent à la fois le marché français et l’export. Mais plus on se rapproche de la date, plus la montagne est difficile à gravir", admet Yves Fanton d'Andon. "Le marché de la Pac connaît des difficultés qui ne lui sont pas spécifiques mais reflètent les difficultés des marchés de la construction neuve et de la rénovation." Si l'avenir du bâtiment ne semble pas forcément dépendre de la Pac, l'inverse serait donc moins vrai.


Actualités

Sélection produits