Les travaux d'isolation subventionnés améliorent-ils vraiment la performance énergétique des logements ?

Par   Corentin PATRIGEON

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Publié le 4 septembre 2025
© iStock/artursfoto
Illustration de travaux d'isolation thermique.
ANALYSE. En analysant les données de consommation d'électricité et de gaz de 80.000 maisons individuelles qui ont réalisé des travaux d'isolation, l'Observatoire de la rénovation énergétique et l'Insee ont mis en évidence un lien de causalité direct. Ils reconnaissent cependant les limites de leur travail et préconisent d'élargir l'analyse.

Les travaux d'isolation soutenus par les dispositifs d'aide à la rénovation énergétique permettent-ils véritablement de diminuer la consommation d'énergie des maisons individuelles ? Pour tenter d'y répondre, et alors qu'un nouveau tour de vis sur MaPrimeRénov' semble se dessiner, l'Observatoire de la rénovation énergétique (ONRE) et l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) ont constitué une base de données de la consommation mensuelle de gaz et d'électricité d'un million de ménages, provenant de leurs compteurs communicants Linky et Gazpar, dans la foulée de l'isolation thermique de leurs murs, toitures et ouvertures subventionnée par MaPrimeRénov' et les Certificats d'économie d'énergie (CEE).

Le changement de chauffage et les rénovations globales ont cependant été écartées du champ de leur étude, qui s'est fondée sur un échantillon d'environ 80.000 maisons individuelles occupées par leurs propriétaires du 2e trimestre 2018 (pour l'électricité) ou du 3e trimestre 2018 (pour le gaz) jusqu'à la fin de l'année 2023 (pour les deux énergies). Et il en ressort que "les travaux d'isolation subventionnés ont permis, en moyenne, de diminuer de 8,9 % la consommation de gaz pour les maisons chauffées au gaz, et de 5,4 % la consommation d'électricité pour les maisons chauffées à l'électricité".

Pas d'effet rebond a priori

D'après l'ONRE et l'Insee, ces économies d'énergie représentent 36 % des économies théoriquement réalisables pour l'électricité, et 47 % pour le gaz. Sur le plan du carbone, "ces gains correspondent à une économie de 40 kg de CO2 par an et par logement chauffé à l'électricité, et de 200 kg de CO2 par an et par logement chauffé au gaz".

Il n'y aurait pas non plus à première vue d'effet rebond : la baisse de la consommation d'énergie s'observe dès la fin du chantier d'isolation et se stabilise "jusqu'à la fin de la fenêtre d'observation, soit 16 à 18 trimestres après les travaux". La diminution serait même encore plus importante lors des mois de chauffe, "ce qui concorde avec une diminution des besoins en énergie pour le chauffage".

L'étude ne relève pas de différences notables en fonction du niveau de revenus du ménage, de l'âge des occupants, de la surface et de l'année de construction du logement ou encore de sa zone climatique. En revanche, le type de travaux réalisés influe sur les économies réalisées.

"Pour l'électricité, seule l'isolation des murs ou des combles induit une réduction significative de la consommation, tandis qu'aucun effet significatif n'est observé pour l'isolation des parois vitrées (...)" ; quant au gaz, "tous les gestes d'isolation conduisent à une réduction significative de la consommation". De même, les logements qui affichaient une consommation élevée avant travaux l'ont vu se réduire "significativement" après les chantiers, de l'ordre de 9,2 % pour ceux chauffés à l'électricité et de 16,6 % pour ceux chauffés au gaz.

Les rénovations d'ampleur restent "recommandées" pour "maximiser" les économies

Les auteurs de l'étude mettent toutefois en garde sur les limites de leur propre travail, qui se cantonne aux rénovations aidées par MPR et les CEE sur la période analysée. "Il est donc possible qu'une partie des logements du groupe de contrôle aient réalisé des rénovations sans aides, ou aient bénéficié d'une aide avant le début de la période d'observation", préviennent-ils. En outre, il faut garder à l'esprit que l'étude ne prend pas en considération le changement de chauffage, qui peut pourtant être "une source importante d'économie d'énergie".

L'ONRE et l'Insee reconnaissent par ailleurs que la base de données "comporte peu d'informations sur l'ampleur des travaux réalisés", estimant que la majorité des logements ayant bénéficié des CEE ont probablement mené des chantiers d'une "ampleur limitée". Et quels que soient les gains engrangés, ils ne sont "pas généralisables à l'ensemble des travaux de rénovation, d'autant plus que les rénovations d'ampleur réunissant plusieurs gestes de travaux simultanés sont recommandées pour maximiser les économies d'énergie".

Enfin, la baisse des factures d'énergie ne constitue pas forcément le seul argument pour inciter les ménages à isoler leur logement. "Pour avoir une vision complète des bénéfices, il conviendrait d'étudier également l'impact des travaux en termes de confort, de réduction du bruit et de gains de santé notamment (...)", pointe l'étude. Autant d'aspects qui ne peuvent pas être analysés avec les données actuellement disponibles.

Pour autant, les auteurs invitent à mener une évaluation "complète" de la politique publique d'aide à la rénovation énergétique, en s'intéressant particulièrement à ses effets incitatifs. "Par le passé, une évaluation du Crédit d'impôt développement durable (Cidd), prédécesseur du Cite (Crédit d'impôt à la transition énergétique [lui-même prédécesseur de MaPrimeRénov', NDLR]), avait montré qu'une hausse du crédit d'impôt s'accompagnait bel et bien d'un recours plus important, et permettait à plus de ménages de réaliser des travaux d'amélioration de la qualité énergétique de leur logement", concluent-ils. À bon entendeur.


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