Ventilation : pour F2A, "la baisse des mises en chantier dans le tertiaire est un point d'inquiétude"

Par   Corentin PATRIGEON

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Publié le 28 avril 2025
Crédit photo F2A
Jean-Philippe Margrita, directeur général de F2A.
STRATÉGIE. À l'image du chauffage, le marché de la ventilation demeure compliqué, comme l'explique le directeur général de F2A, Jean-Philippe Margrita, à XPair. Le fabricant tricolore ne baisse pas pour autant les bras et capitalise sur ses spécialités tout en tablant sur des opérations de croissance externe.

Si les débats actuels sur la politique énergétique portent essentiellement sur le chauffage et la climatisation, le secteur de la ventilation fait aussi l'objet de plusieurs actualités. Dans un entretien à XPair, le directeur général de F2A, Jean-Philippe Margrita, revient sur le bilan 2024 et les perspectives d'activité de son entreprise pour 2025, marquées notamment par le rachat d'Aéro Diffusion. Il commente également l'état d'esprit de la filière et le rôle que F2A pourrait jouer dans les projets de réindustrialisation "verte".

XPair : Pouvez-vous présenter votre entreprise ainsi que son activité ?

Jean-Philippe Margrita : J’ai rejoint F2A en 2018 après un parcours d'une quinzaine d'années dans la ventilation. La société et ses 260 salariés ont clôturé l'exercice 2024 avec 35,7 millions d’euros de chiffre d'affaires. Notre activité est plutôt de niche, avec un portefeuille relativement limité et spécialisé dans quelques familles de produits. La première famille en termes de CA est l’acoustique, avec les silencieux qui pèsent 40%, suivie de l’activité régulation, avec essentiellement les registres, puis le textile industriel qui se décline en plusieurs produits, comme la gaine textile.

Tous ces produits sont vendus au travers de trois approches marchés. D'abord auprès d’une clientèle de grands noms de la ventilation (Carrier, Daikin, Atlantic...), qui vont acheter nos produits pour les monter directement sur leurs propres produits ou les intégrer à leurs catalogues (cela représente 35% de notre CA). Ensuite auprès des installateurs du génie climatique, nationaux comme régionaux, en ciblant le gros tertiaire (hôtels, salles de spectacles, centres commerciaux…) avec une prédominance sur la partie basse acoustique.

Enfin les projets d’infrastructures dits spéciaux, avec une activité historique sur le nucléaire depuis plus de 40 ans, une activité marine auprès des Chantiers de l’Atlantique et la plupart des bateaux qui en sont sortis (MSC Croisières…), une activité forte auprès des ouvrages souterrains, tunnels et métros, et de belles références comme le métro de Riyad et les lignes 14, 15, 16 et 17 du Grand Paris Express. Nous disposons de quatre usines françaises, une dédiée aux registres, une autre à l’acoustique et les deux dernières au textile.

"Le marché se contracte. Il suffit de regarder l’évolution des mises en chantier dans le tertiaire, qui chutent de 25% : on commence à ressentir l’effet de cette baisse avec un ralentissement des commandes et de facto une guerre des prix avec nos concurrents."

Quel est votre ressenti du marché ? Quel état d'esprit constatez-vous ?

J.-P. M. : Le marché se contracte, ralentit. Il suffit de regarder l’évolution des mises en chantier dans le tertiaire, qui chutent de 25% : on commence à ressentir l’effet de cette baisse avec un ralentissement des commandes et de facto une guerre des prix avec nos concurrents. La baisse d’activité dans le tertiaire est partiellement compensée par la bonne tenue des projets d’infrastructures : nous avons pris de belles commandes dans le nucléaire et le GPE, ce qui constitue un business complémentaire.

2025 s’annonce néanmoins plus compliquée que 2024, et 2026 sera sans doute aussi compliquée. Dans ces conditions, il faut arriver à être plus efficace sur les gros projets, c'est pourquoi nous avons cherché à nous internationaliser, notamment sur l’activité tunnels et métros au Canada. Sur l’activité tertiaire, nous avons renforcé notre maillage commercial et nous comptons sur le démarrage d’une nouvelle ligne de produits, l’IVAV.

Il s'agit d'un régulateur de débit fonctionnant sans pile et sans fil, équipé d'une hélice générant sa propre électricité grâce à un flux d’air, ce qui est suffisant pour assurer la régulation, et intégrant des sondes (pour la qualité de l'air intérieur, l'hygrométrie…) permettant de faire remonter les données. Cette innovation a fait l’objet d’un développement intensif par nos services et nous accélérons maintenant sa commercialisation.

En rachetant Aéro Diffusion, vous avez réaffirmé votre objectif de doubler vos parts de marché. Comment comptez-vous vous y prendre ?

J.-P. M. : Nous disposons de plusieurs vecteurs de croissance. Nous poursuivons d'abord notre activité sur les niches du nucléaire (avec les projets Sizewell, des futurs EPR2 et la rénovation du parc actuel) et des tunnels et métros. Nous menons en parallèle des opérations de croissance externe, avec cette première acquisition, Aéro Diffusion, spécialisée dans la gaine textile, pour en effet doubler nos parts de marché et nous apporter une expertise sur la diffusion d’air qui va ensuite essaimer sur nos équipes. Nous avons vocation à poursuivre des acquisitions plus structurantes, en France comme en Europe, et devenir une ETI.

"On sous-estime pour l’instant l’impact que peuvent avoir les restrictions d'exports chinois pour les terres rares et les aimants sur les produits de ventilation, mais il s'agit d'éléments clés pour un grand nombre d’acteurs."

Êtes-vous impactés par la concurrence des fabricants asiatiques et par la hausse des droits de douane américains ?

J.-P. M. : Notre positionnement est sur une niche et se fait à la commande : 95% des produits que nous vendons sont fabriqués par nos soins, il n'y a pas de distribution donc nous ne sommes pas impactés par la concurrence directe des fabricants asiatiques qui se positionnent pour leur part sur des produits standards. La concurrence à laquelle nous sommes confrontés est plutôt européenne. De même, nous avons très peu de business aux USA. Entre 20 et 25% de notre activité sont réalisés à l’export et sont tirés par des grands projets (nucléaire, tunnels et métros…).

En revanche, nous avons été affectés ces derniers temps par les restrictions d’exports chinois sur les terres rares et les aimants. Si cette politique dure dans le temps, cela deviendra problématique. On sous-estime pour l’instant l’impact que peuvent avoir ces restrictions sur les produits de ventilation, mais il s'agit d'éléments clés pour un grand nombre d’acteurs.

Actuellement, nous enregistrons beaucoup de chiffrages sur l'activité métro au Canada, il est donc possible que les tensions entre les USA et le Canada servent l’intérêt des Européens, et par conséquent le nôtre. En France, il y a toutefois un point de vigilance et d’inquiétude : la baisse des mises en chantier dans le tertiaire. Il est évident que même si la part rénovation est en hausse, le marché va forcément encore se restreindre, comme il a déjà commencé à le faire depuis octobre.

On parle beaucoup de réindustrialisation "verte" ; attendez-vous particulièrement le lancement des chantiers des nouvelles centrales nucléaires pour vous positionner ?

J.-P. M. : Nous avons effectivement des ambitions sur le nucléaire et nous espérons bien bénéficier du programme de rénovation des centrales actuelles. Nous nous positionnerons ultérieurement sur les EPR2, qui ont pris du retard et pour lesquels je n’envisage pas de business avant 5 à 6 ans. Nous nous y préparons malgré tout, puisque nous avons fait évoluer notre organisation qualité en prévision et que nous allons bientôt obtenir la certification ISO 19443 relative à la sûreté nucléaire.


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