Transition : "L'Europe est en pointe sur la question des gaz fluorés", d'après Christian de Perthuis

Le succès a été au rendez-vous pour le 39ᵉ congrès de l'AICVF (Association des ingénieurs en climatique, ventilation et froid) : plus de 350 participants provenant de toutes les régions et branches d'activité du génie climatique se sont retrouvés à La Rochelle le 13 juin 2025 pour débattre des économies d'énergie et de la neutralité carbone.
"Nous avons une excellence dans la décarbonation qui est reconnue en France comme en Europe, et nous devons arrêter de nous flageller", a notamment lancé le président de l'association, Frank Hovorka. "Avec les poussées réglementaires et la demande des industriels et des clients, on est très loin devant. L’intérêt de nos politiques est maintenant d’assumer cette position de leader et d’arrêter de dire que ça va mal et qu’il faut faire mieux."
Aux yeux du responsable, la mobilisation des acteurs, particulièrement ceux de la recherche fondamentale et de pointe, est "essentielle". S'il reconnaît que la filière CVC peut certes "toujours aller plus loin", il insiste aussi sur son expertise et sa capacité à (ré)agir dans des contextes réglementaires et industriels pas toujours conciliants.
Pas de transition mais "une complète transformation" du système énergétique
Pour Christian de Perthuis, professeur d'économie à l'université Paris-Dauphine et fondateur de la Chaire Économie du climat, invité du congrès 2025 de l'AICVF, pas question en effet de rétrograder sur la transition énergétique.
"Il y a beaucoup de vents contraires en ce moment, le doute s’insère dans la société et il est extrêmement dangereux. Mais un grand nombre de pays vont accélérer la transition énergétique, notamment les pays asiatiques. Le climat est en réalité un problème de stock : ce qui réchauffe la planète, c’est le stock de gaz à effet de serre qui se cumulent dans l’atmosphère. Il va donc falloir agir sur le flux de GES qui entre dans le stock, et sur celui qui sort du stock", a expliqué l'économiste.
"Le système financier vous fait croire qu’il est innovant ; en réalité, il est fondamentalement suiviste car il n’aime pas les risques."
- Christian de Perthuis, professeur d'économie à l'université Paris-Dauphine
D'après lui, les économies modernes doivent se transformer pour sortir rapidement de la dépendance au carbone fossile (charbon, pétrole, gaz), sans quoi elles n'auront "aucune chance" d’atteindre le net zéro. Le terme même de transition énergétique ne serait d'ailleurs pas approprié, dans la mesure où il s’agit d’opérer "une complète transformation" du système énergétique.
Atténuer tout en s'adaptant
"On est dans une logique d’addition des énergies depuis un siècle et demi. Mais tant qu’on sera dans cette logique, on n’arrivera pas à la neutralité carbone. C’est pourquoi il faut maintenant passer à une logique de soustraction, donc enlever le fossile", poursuit Christian de Perthuis.
Au-delà des emblématiques gaz à effet de serre que sont le CO2 et le méthane, "il y a la question des gaz fluorés, sur laquelle l’Europe est en pointe". Les professionnels du génie climatique sont bien placés pour le savoir, avec la réglementation européenne F-Gas qui concerne les molécules utilisées dans le fonctionnement des appareils de climatisation.
Face à des puits de carbone qui s’affaiblissent à cause du mode de vie de l'Humanité et des cycles climatiques, Christian de Perthuis appelle plus largement à "manier l’atténuation et l’adaptation au changement climatique" en même temps. Comment ? Par exemple en investissant davantage dans les solutions basées sur la nature.
Mobilisation locale
En revanche, le spécialiste ne croit guère à la finance "durable". "Le système financier vous fait croire qu’il est innovant ; en réalité, il est fondamentalement suiviste car il n’aime pas les risques. Or les investissements sont toujours plus importants pour des systèmes décarbonés que pour des systèmes carbonés. C'est pourquoi il faudrait passer à une économie de l’usage", argumente Christian de Perthuis.
La Coopérative Carbone en est un exemple concret. Également présente à l'évènement, sa directrice générale, Anne Rostaing, a présenté cette structure comme "un outil de décarbonation au service des territoires".
Concrètement, "c’est une société coopérative d’intérêt collectif associant 90 acteurs publics et privés, et permettant de réinvestir dans des projets locaux : plantation de haies, de vergers, de feuillus, en milieu urbain ; restauration de zones humides et tourbières, stockage de carbone dans les sols agricoles…" La preuve que, dans le domaine de l'adaptation au changement climatique, le changement peut se faire dès maintenant.
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