Rénovation : à l'heure du bilan, le programme Oscar espère être reconduit

Par   Corentin PATRIGEON

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Publié le 27 novembre 2025
© Corentin Patrigeon pour XPair
De droite à gauche : Jean-Claude Rancurel, président des métiers couverture, plomberie et chauffage de la Capeb ; Pascal Housset, président de l'UMGCCP-FFB ; José Pretot, président de Coédis ; et Marie Arnout, présidente de la FDMC.
DÉCRYPTAGE. L'heure n'était pas à l'euphorie pour les 4 ans du programme d'optimisation et de simplification des Certificats d'économie d'énergie (CEE) à destination des artisans de la rénovation énergétique. Des actions substantielles ont été menées mais les acteurs de la filière ne cachent pas leurs réserves.

C'était une soirée d'anniversaire empreinte de satisfaction mais aussi d'incertitudes. Ce 26 novembre 2025, le programme Oscar (Optimisation et simplification des Certificats d'économie d'énergie (CEE) pour les artisans de la rénovation), porté par l’Atee (Association technique énergie environnement), fêtait son 4ᵉ anniversaire, le jour-même de la présentation, par les délégataires CEE, d'une étude sur les coûts et bénéfices du dispositif, et alors que les précisions de l'administration sur la 6ᵉ période, qui doit débuter en 2026, devraient arriver dans les prochains jours.

Avec pour objectif de simplifier la compréhension des aides publiques et d'en faciliter l'accès aux professionnels, les acteurs d'Oscar se disent plutôt satisfaits du chemin parcouru depuis 2022 : environ 4.200 référents d'aide à la rénovation, ou Rar, ont été recrutés parmi les distributeurs, les fédérations professionnelles ainsi qu'au sein du réseau de conseillers France Rénov', puis formés ; 83 outils pédagogiques gratuits ont été déployés auprès des artisans ; et ces derniers sont plus de 35.000 à avoir été accompagnés par les équipes du programme.

L'Atee, qui compte parmi ses partenaires le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, l'Ademe (Agence de la transition écologique), l'Anah (Agence nationale de l'habitat), la Capeb (Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment), la FFB (Fédération française du bâtiment), la FDMC (Fédération des distributeurs de matériaux de construction) et Coédis (Fédération des distributeurs d'équipements et solutions électriques, génie climatique, plomberie et sanitaires), assure donc disposer aujourd'hui d'un réseau de Rar répartis aux quatre coins du pays (y compris en Corse), dont au moins un référent Capeb et un référent FFB dans chaque département.

Complexifier en voulant simplifier, un mal français

Quasiment 4.000 actions de sensibilisation et 500 jours de formation ont été dispensés par leurs soins. S'y ajoutent deux outils phares développés par le programme : la base de données des produits éligibles aux CEE, qui vise à réduire les délais de traitement administratif et qui totalise à ce jour 12.000 références, et l'annuaire interactif des aides à la rénovation, qui pour sa part centralise les informations relatives à 3.000 dispositifs nationaux et locaux. Ont aussi été mis en place un agent conversationnel dédié aux aides, un Mooc (cours en ligne ouvert), des fiches pratiques ou encore des ateliers.

Invités à l'évènement, plusieurs représentants des acteurs de la filière ont fait part de leurs analyses et de leurs attentes. L'heure n'était pas à l'euphorie. Pas convaincu qu'il faille augmenter le nombre de Rar, le président de Coédis, José Pretot, estime qu'il vaudrait mieux "avoir des Rar augmentés" et revoir à la hausse le nombre de CEE, "extrêmement complexes et mal fléchés". Ceux-ci pourraient d'ailleurs s'avérer plus "utiles" s'ils contribuaient à soutenir "la fabrication française et européenne".

À la tête de l'UMGCCP-FFB (Union des métiers du génie climatique, de la couverture et de la plomberie et de la FFB), Pascal Housset considère quant à lui que "les Rar font un travail remarquable dans l’ensemble de la filière", notamment en venant "à la rescousse de MaPrimeRénov'". Si les distributeurs jugent que "la liste des produits éligibles facilite la vie des artisans et installateurs", ils s'interrogent cependant sur le fait de devoir "mettre en place des outils de simplification pour compenser la complexité des CEE et de MPR". Pour José Pretot, "Oscar serait plus utile encore si les Rar étaient plus incisifs pour forcer le marché".

Les Rar, futurs organisateurs du marché ?

Les installateurs, eux, sont "très prudents" dès lors qu'il s'agit de simplification. "On sait qu’en France cela ne fonctionne pas car on a plutôt tendance à rajouter des couches", dénonce Pascal Housset.

"Il faut avoir une réflexion plus globale sur la rénovation énergétique car aujourd’hui on voit bien qu’on est totalement sous perfusion des aides. Cela fait froid dans le dos quand on voit des acteurs, Rar ou pas Rar, arriver sur le marché, avec leurs flopées de produits – on l'a vu avec les pompes à chaleur – venant d’on ne sait où.

Les Rar devraient donc être les moteurs, dans nos structures, d'une orientation différente de la rénovation énergétique. On a toujours rénové, sans pour autant qu’il y ait des aides. Mais le système actuel est une usine à gaz. À un moment donné, il faut peut-être envisager de travailler autrement."

- Pascal Housset, président de l'UMGCCP-FFB

Un point de vue que ne partage pas son homologue de la Capeb, Jean-Claude Rancurel, président des métiers couverture, plomberie et chauffage de la confédération : "Les Rar sont là pour accompagner les entreprises, pas pour organiser le marché. On sait la catastrophe que cela peut amener. Nous, nous réalisons des travaux, nous ne vendons pas des aides."

Des initiatives sont pourtant lancées, telle que l'expérimentation "Accompagnateur Pro", portée conjointement par Oscar, la Capeb et la FFB dans huit régions. Elle a consisté, pour les Rar, à guider les artisans pas à pas dans leurs demandes de CEE, de l'initiation des dossiers à leur dépôt. Le dispositif a permis de faire valider plus de 900 dossiers tout en améliorant la qualité et les délais de traitement, et en rendant les professionnels davantage autonomes.

Vérifier les fiches pour lutter contre la fraude

Et de nombreuses autres pistes d'amélioration sont mises sur la table par les fédérations, comme le fait de mettre en relation l'ensemble des parties prenantes, de décloisonner les pratiques et de mieux communiquer avec les services locaux, à commencer par les Dreal (Directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement). Et pour la suite ? Oscar est censé s'arrêter le 31 décembre 2025. L'Atee est suspendue aux décisions de l'administration.

"On n’a pas de boule de cristal mais le savoir-faire est chez nos artisans et on ne pourra pas faire sans", lance Pascal Housset. "Si Oscar n’existait pas, il faudrait l’inventer. Mais vu qu’il a été inventé, il faut le préserver", ajoute Jean-Claude Rancurel. "À vous de nous apporter de la visibilité sur votre programme pour que nous puissions réfléchir sereinement au business des CEE", demande José Pretot à l'Atee.

De son côté, la déléguée générale d'Ignes (Industries du génie numérique, énergétique et sécuritaire), Anne-Sophie Perrissin-Fabert, note des "regrets" mais aussi des "pépites" dans le programme Oscar, à l'image de la base de données. "Cela répond à des attentes du terrain et cela fonctionne. Mais en tant qu’industriels, on aimerait que les produits exotiques soient considérés comme tel en amont et que les caractéristiques des fiches CEE soient bien vérifiées afin de lutter contre la fraude", souligne-t-elle.

Un combat politique

Le sujet de la fraude a mobilisé les dernières minutes du débat. Interpellé sur la question des contrats de maintenance liés aux Pac, Pascal Housset abonde : "C’est bien de mettre des Formule 1 chez des ménages précaires, mais il faut les entretenir. Les chaudières et Pac hybrides sont entretenues, mais les gens ne font rien sur les Pac électriques. Ces machines mal ou pas entretenues font des contre-références pour des installations pourtant aidées par des fonds publics."

"Le marché de la rénovation peut nous emmener jusqu’en 2050 avec tout le travail qu’il y a à faire", assure Jean-Claude Rancurel, président des métiers couverture, plomberie et chauffage de la Capeb. "Mais il doit être pris par nos entreprises et pas par des opportunistes."

Marie Arnout, la présidente de la FDMC, met elle aussi en garde contre "ces gros faiseurs à aller chercher de l’aide, à ne pas faire du bon boulot, à 'uberiser' le métier d’artisan, à appauvrir le savoir-faire des professionnels". Et Pascal Housset de résumer : "Les écodélinquants, eux, ne se posent aucune question. Ils sont là pour faire du business, et nous on voit passer les trains."

Le mot de la fin est revenu au président de l'Atee, Nicolas Fondraz : "Je n’ai pas eu de réponse claire de la DGEC (Direction générale de l'énergie et du climat) sur l'avenir d'Oscar".

Se tournant vers les intervenants : "La poursuite du programme, c’est vous qui devez la porter. Ce qui est sûr, c’est que l’administration trouve qu’il y a trop de programmes CEE et qu'elle veut les réduire, les simplifier. Mais il serait inexplicable que des programmes aussi intéressants qu’Oscar, Profeel et Proréno ne soient pas maintenus. Pour moi, le combat n’est pas fini. Mais l’Atee a besoin des acteurs pour porter ces messages car le sujet est politique."


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