Pour ses dix ans, Karibati a "labellisé plus d'une centaine de produits biosourcés"

Par   Sophie Sanchez

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Publié le 29 janvier 2025
Yves Hustache, associé-fondateur du bureau d’études Karibati.
Karibati
Yves Hustache, associé-fondateur du bureau d’études Karibati.
MATÉRIAUX. Le bureau d'études spécialisé dans les matériaux biosourcés et géosourcés, qui souffle en 2025 sa dixième bougie, continue à sensibiliser les acteurs de la construction sur le rôle de ces produits à l'heure du dérèglement climatique. Yves Hustache, associé-fondateur de Karibati, dresse pour XPair un état des lieux de la filière.

XPair : Karibati fête cette année ses dix ans. Pouvez-vous nous rappeler vos spécificités ?

Yves Hustache, associé-fondateur de Karibati : Nous sommes un bureau d’études spécialisé dans les matériaux bio- et géosourcés. L’équipe intervient sur l'ensemble de la chaîne de valeur. Nos consultants accompagnent le développement des produits, rédigent des avis techniques et réalisent des évaluations environnementales (FDES). 

Karibati intervient aussi en aval de la filière en conseillant les acteurs de l'immobilier qui souhaitent intégrer dans leurs projets de construction ou de rénovation des produits biosourcés et s’interrogent sur les solutions optimales. Nous avons créé notre propre label de produits biosourcés qui en recense aujourd'hui plus d'une centaine.

Et, chaque année, nous organisons un concours destiné aux étudiants en architecture pour les sensibiliser aux matériaux biosourcés et à faible impact carbone.

Quelles sont les grandes catégories de matériaux bio- et géosourcés ?

Y. H. : Tout d’abord, il y a les produits bois qui vont entrer dans la structure des bâtiments et peuvent être utilisés aussi comme revêtements intérieurs et extérieurs. Puis la famille des isolants biosourcés avec des sous-catégories comme les isolants en panneaux rigides ou semi-rigides et les isolants en vrac.

Ensuite, vous avez les bétons biosourcés qui associent un liant minéral et un granulat végétal. Ces bétons qui assurent des fonctions d'isolation, sont souvent utilisés en association avec une structure parce qu'ils ne sont généralement pas porteurs. Autre ensemble important, les revêtements de sols et de murs ainsi que les peintures. Le linoléum est de ce point de vue un produit biosourcé historique !

Moins connus, les produits géosourcés ne disposent pas de définition officielle. Si on suit l'étymologie, ces matériaux sont faits à partir de produits issus de la terre. Mais en s’en tenant à cette définition, le ciment ou la laine de verre sont des produits géosourcés !

Les isolants biosourcés sont beaucoup plus adaptés pour assurer le confort des bâtiments durant l’été en raison de leurs caractéristiques intrinsèques

Pour notre part, nous considérons comme réellement géosourcés les produits à faible impact environnemental, à savoir la terre crue - puisqu’il n'y a pas de process de cuisson qui va émettre du carbone - et la pierre, directement extraite d'une carrière. On peut les utiliser comme éléments de structure en bâtissant des murs en pierre ou en terre crue mais aussi pour réaliser des sols, comme les sols en terre battue ou les dallages.

Il y a aussi des produits qui mêlent biosourcé et géosourcé, comme la bauge, qui associe la terre crue avec de la paille. Au lieu d’employer un liant à base de chaux ou de ciment, on peut aussi utiliser un liant géosourcé, par exemple un liant en terre crue, pour réduire l’empreinte carbone d’un matériau.

Quels sont les atouts de ces matériaux ?

Y. H. : D'un point de vue technique, les isolants biosourcés ont des performances assez proches des isolants dits conventionnels. Mais ils sont beaucoup plus adaptés pour assurer le confort des bâtiments durant l’été en raison de leurs caractéristiques intrinsèques, car ils sont plus denses et créent plus de déphasage. Autre spécificité, ces matériaux contribuent à réguler le taux d'humidité d'une pièce car ils sont en mesure de capter l'humidité et de la relarguer.

Sur le plan environnemental, ils ont des qualités majeures. Un matériau biosourcé est par définition issu du végétal. Les végétaux sont capables d’extraire du CO2 de l’atmosphère et de le stocker. Le matériau va donc stocker du carbone durant toute la durée de vie du bâtiment, un atout majeur face à la problématique du changement climatique.

En outre, les process de fabrication de ces matériaux n’impliquent pas de cuisson à haute température comme c’est le cas par exemple pour le ciment et sont donc faiblement émetteurs de gaz à effet de serre.

Parmi ces matériaux, quels sont ceux qui sont les plus aisés à mettre en place ? 

Y. H. : Les isolants biosourcés se mettent en œuvre comme les isolants conventionnels et n’impliquent pas de changement de pratique des artisans. Ce sont les produits les plus faciles à utiliser après tous les produits en structure bois. Des DTU détaillent les méthodes à suivre.

En parallèle, la construction hors-site se développe beaucoup : des panneaux en matériaux biosourcés qui associent l’ossature et l’isolant sont fabriqués en atelier et assemblés ensuite directement sur les chantiers.

Ainsi en région parisienne, Wall Up fabrique des panneaux de grande dimension à partir de béton de chanvre. De même, en région Auvergne-Rhône-Alpes, CCB Green Tech réalise des panneaux en béton de bois. Ces process améliorent beaucoup les conditions de travail des compagnons qui ne sont plus soumis aux intempéries.

Certains acteurs de la construction ont intérêt à ce que les exigences de décarbonation soient revues à la baisse parce que cela remet en cause leurs habitudes et ils craignent aussi pour leurs marges.

Où en est la filière dans son développement ?

Y. H. : Certains produits biosourcés sont déjà très développés avec des unités de fabrication présentes sur tout le territoire, notamment pour la construction bois et désormais pour les bétons biosourcés. Les produits plus récents comme, par exemple, les isolants à base de laine de mouton, sont moins répandus et plus difficiles à trouver. Certains fabricants s’en tiennent toutefois à une démarche locale et ne cherchent pas nécessairement à être disponibles partout.

Sur le plan règlementaire, quelles sont les évolutions à prévoir ?

Y. H. : La RE2020 ne se limite pas à la consommation d’énergie du bâtiment et a introduit dans les critères de choix des matériaux la notion du carbone. De ce point de vue, les matériaux bio- ou géosourcés ont un véritable atout.

Les exigences sont appelées à se renforcer progressivement avec notamment des niveaux règlementaires plus élevés en 2028. Il faudra alors intégrer des matériaux bas-carbone et donc des matériaux biosourcés – du moins au vu de ce qui était prévu jusqu’ici.

Certains acteurs de la construction ont intérêt à ce que les exigences de décarbonation soient revues à la baisse parce que cela remet en cause leurs habitudes et ils craignent aussi pour leurs marges. Or les matériaux biosourcés ne sont pas nécessairement plus chers que les matériaux classiques : la ouate de cellulose est un isolant tout à fait concurrentiel avec les isolants plus conventionnels.

En outre, certains écarts de prix se sont réduits avec l'augmentation du prix de l'énergie car les matériaux biosourcés ne requièrent pas de cuisson à la différence des matériaux classiques.


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