Le Gouvernement reporte une partie des obligations du décret Bacs, les acteurs inquiets
Décidément, les dernières décisions du Gouvernement en matière de réglementation pour la filière génie climatique risquent de faire grincer des dents. Nonobstant l'extinction du Coup de pouce CEE (Certificats d'économies d'énergie) sur les pompes à chaleur hybrides, l'exécutif a également annoncé le décalage des obligations du décret Bacs (Systèmes d’automatisation et de contrôle des bâtiments) pour les bâtiments tertiaires équipés de systèmes de chauffage ou de climatisation (combinés ou non avec un système de ventilation) d'une puissance inférieure à 290 kilowatts de 2027 à 2030.
Un report justifié par l'alignement de la France sur la directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments (EPBD), selon Advizeo, société spécialisée dans le pilotage énergétique des bâtiments tertiaires, qui ajoute que les structures dotées d'installations de plus de 290 kW sont néanmoins toujours soumises à l'échéance du 1ᵉʳ janvier 2025.
De même, les pouvoirs publics n'ont pas remis en cause les échéances du décret tertiaire, qui sont donc encore de -40 % en 2030, -50 % en 2040 et -60 % en 2050. Il n'empêche, les acteurs du secteur craignent ainsi de voir la France prendre du retard sur ses voisins européens en matière de performance énergétique des bâtiments.
16 % des bâtiments tertiaires équipés en 2025
L'Observatoire national du déploiement des Bacs, publié par le Gimelec (Groupement des entreprises de la filière électronumérique française), indique pour sa part que 16 % des bâtiments tertiaires sont actuellement équipés de tels systèmes, dont environ la moitié ne sont pas exploités. Des chiffres à mettre en regard de l'objectif d'un taux d'équipement de 100 % fixé pour... 2027.
"La cause de ce retard n’est ni technologique ni réglementaire, mais organisationnelle et pédagogique. Le report du calendrier ne résoudra pas cette situation. Pour respecter la nouvelle échéance, il doit impérativement être associé à une stratégie gouvernementale volontariste", tacle le groupement des fabricants.
Pour ce dernier, le Gouvernement remet ainsi en question les objectifs qu'il s'est lui-même fixé au sujet de l'électrification des usages et de la décarbonation de l'économie. Dans la mesure où le secteur du bâtiment pèse 45 % de la consommation d'énergie du pays, les systèmes de pilotage intelligent auraient un rôle assez évident à jouer dans leur transition énergétique, aussi bien pour alléger la facture que pour réduire les émissions de carbone.
Ce que propose le Serce pour accélérer le déploiement des Bacs
Le Syndicat des entreprises de la transition énergétique et numérique demande lui aussi à l'exécutif de transformer ce report des obligations du décret Bacs en "opportunité" via trois mesures :
- faire passer les bâtiments de plus de 5.000 m² en priorité, car ils constitueraient le segment ayant le retour sur investissement le plus rapide,
- accompagner les communes et les petits sites pour qu'ils rattrapent leur retard : seulement 7 % des écoles primaires seraient équipées de Bacs à ce jour,
- renforcer la formation des professionnels et le suivi des installations afin de garantir une exploitation optimale.
D'autant que les usagers du bâtiment doivent progressivement intégrer un nombre croissant d'équipements électriques, des pompes à chaleur au stockage sur batterie en passant par la production d'eau chaude sanitaire. Tout cela dans un contexte où l'essor des énergies renouvelables implique a fortiori de pousser des technologies favorisant l'autoconsommation et la flexibilité pour soulager un réseau toujours plus sollicité.
Un programme CEE spécialement dédié aux Bacs
La filière met donc l'État face à ses responsabilités, en lui rappelant qu'elle a de son côté "produit tous les référentiels, les guides et le standard Flex Ready nécessaires pour accompagner les projets d’équipement en Bacs, ainsi que leur exploitation performante dans la durée". Nul besoin donc de s'inquiéter si l'on écoute les professionnels, qui préfèrent rassurer en affirmant que le cadre existe, et qu'il est solide.
Ils filent ainsi la métaphore de la course à pied, considérant être "sur la ligne de départ" et attendant que les pouvoirs publics donnent "le coup d’envoi" d'un déploiement "massif" des Bacs. Au lendemain de la présentation de la 6ᵉ période des CEE par la DGEC (Direction générale de l'énergie et du climat), le Gimelec va même plus loin en demandant qu'un programme CEE soit spécialement élaboré à cette fin.
"Il faut donner aux acteurs impliqués l’outil qui leur manque : un programme CEE Bacs simple, responsable et massif", insiste Luís Liberal, à la tête du comité bâtiments du Gimelec. "Ce coup de boost permettra d’activer immédiatement l’efficacité énergétique des grands bâtiments, un véritable 'quick win' [une victoire rapide, NDLR], mais aussi d’organiser la filière et de préparer l’ensemble du parc public et privé pour 2030."
Un tel dispositif viserait "la mise en service et le re-commissionnement des systèmes existants, non exploités dans les grands bâtiments ; le financement de la montée en compétences et des organisations d’exploitation ; la formation des propriétaires et exploitants ; et l’accompagnement prioritaire dans les segments bureaux, commerce et enseignement", qui représenteraient les deux tiers des surfaces concernées et seraient les plus en retard.
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