Le chauffage au bois a "une velléité d’hybridation des systèmes", d'après le Groupe Seguin

XPair : Alors que vous vous apprêtez à fêter votre cinquantième anniversaire, où en est le développement de votre entreprise ?
Cédric Laurent : Seguin est un fabricant d'appareils de chauffage au bois, créé en 1976 et historiquement basé en région Auvergne-Rhône-Alpes, dans une zone très rurale. Cet ancrage territorial fait partie de notre ADN et nous a toujours poussé à développer un tissu économique dans la région où nous sommes nés.
Aujourd'hui, nous comptons 324 employés, répartis dans toute l’Europe, entre nos trois sites de production français (le siège est à Randan, dans le Puy-de-Dôme ; Virignin, dans l'Ain ; et Vendargues, dans l'Hérault) et nos deux usines au Danemark et en Espagne.
À Randan, nous produisons des appareils en fonte, mais nos ateliers sont dédiés à l’assemblage puisque nous sous-traitons notre fonderie dans les Ardennes. Axis, une autre de nos structures, est spécialisée dans les foyers, inserts et poêles en acier. JC Bordelet produit pour sa part des cheminées suspendues en métal, avec des lignes sur-mesure.
Nous disposons également de nos propres réseaux de distribution, dont 130 magasins conservant l’identité des professionnels et leur ancrage local, tout en leur fournissant nos matériels et nos services. Parmi eux, la formation à l'installation et à la maintenance de nos produits, qui concerne environ 500 personnes chaque année.
Nous avons aussi une présence commerciale dans une quarantaine de pays, notamment en Europe de l’Est, en Afrique, en Asie et en Australie. Nous menons beaucoup de développements aux USA malgré les incertitudes politiques et économiques actuelles.
Quel bilan tirez-vous de 2024 ? Et comment se présente la première moitié de 2025 ?
C. L. : Nous avons réalisé l'an dernier un chiffre d'affaires de 91 millions d'euros. Depuis cinq ans, sept millions d'euros ont été investis dans notre tissu industriel car nous voulons rester un industriel indépendant. Notre activité, qui se concentre sur le résidentiel et la rénovation, a connu beaucoup de soubresauts depuis les années Covid.
Après les années fastes de 2021 à 2023, largement supérieures à la moyenne habituelle du marché national (plus de 500.000 appareils !), ce dernier a chuté de 30% entre 2023 et 2024 pour les industriels. Les distributeurs ont enregistré des pertes plus limitées du fait des effets de stocks.
"2025 ne sera pas une année exceptionnelle, mais sans doute le point bas avant une relance. Pour cela, il faut que le neuf reparte, que la chaîne de production du logement se relance."
Pour l'heure, 2025 se dessine sur un marché extrêmement faible, en ligne avec 2024. Les perspectives manquent de points d’atterrissage, car elles bougent d’un mois à l’autre. Il y a toutefois quelques signes positifs : une fréquentation assez correcte de nos magasins, des transactions immobilières qui repartent à la hausse, des taux d’intérêt qui baissent...
Beaucoup de clients potentiels sont encore dans l'attentisme. 2025 ne sera pas une année exceptionnelle, mais sans doute le point bas avant une relance. Pour cela, il faut que le neuf reparte, que la chaîne de production du logement se relance.
Le siège social du Groupe Seguin est situé à Randan, dans le Puy-de-Dôme. Crédit photo Seguin
Le chauffage au bois domestique a récemment été critiqué pour sa contribution à la pollution de l'air...
C. L. : Notre énergie est beaucoup challengée, à bon ou à mauvais escient d'ailleurs, sur des sujets comme la qualité de l’air ou le bouclage biomasse. Le marché du chauffage au bois est extrêmement atomisé : il compte beaucoup de TPME et quelques ETI, et 120 acteurs adhèrent au label Flamme verte. Dans ces conditions, notre rôle est d'informer, de sensibiliser l’usager.
Avec nos produits, nous fournissons donc un kit d'allumage, comprenant du bois et des allume-feux, mais aussi une notice expliquant comment faire un bon feu et comment bien entretenir son équipement. Les appareils ont tellement évolué en termes de performances qu’il faut guider le particulier dans leur utilisation.
Nous assumons aussi ce rôle au sein de la filière bois-énergie, en tant que membre du SER (Syndicat des énergies renouvelables), de Propellet et du SFCB (Syndicat français des chaudiéristes biomasse). Nous avons également deux laboratoires d’essais intégrés, pour préparer nos produits aux futures réglementations. Celles-ci sont nécessaires mais doivent être équilibrées, atteignables et temporisées pour nous permettre de nous y adapter.
"Il faut renouveler les appareils anciens, plus consommateurs et plus polluants."
Le bois reste une énergie populaire, abordable et complémentaire aux autres énergies. Il a une velléité d’hybridation des systèmes, comme avec les pompes à chaleur air-air, qui peuvent être parfaitement complémentaires à des poêles à bois. Nous ne voulons pas opposer les énergies. Oui, nous devons être plus vigilant et plus vertueux sur les problématiques de qualité de l’air et de bouclage de la biomasse, mais le chauffage au bois a un avenir !
Le réchauffement climatique fait qu’on chauffe moins et les constructions actuelles sont mieux isolées, mais les appareils récents consomment de moins en moins, en jouant sur la qualité de la combustion, l’isolation de la chambre de combustion, la récupération de la chaleur, des émissions de particules en baisse… C'est pourquoi il faut renouveler les appareils anciens, plus consommateurs et plus polluants.
Il y a aussi eu une inquiétude sur la révision de la directive européenne Ecodesign...
C. L. : On a dit que 64% des émissions de particules fines PM 2,5 étaient liées au résidentiel, dont 57% au chauffage au bois. D'après le Roquelaure de la qualité de l'air, ce serait en réalité seulement 18%. Le secteur du chauffage au bois n'est pas le seul à émettre, et il émet même moins qu'avant ! Je rappelle également que le bois-énergie emploie 26.000 emplois en France, et 200.000 en Europe.
La réglementation Ecodesign est en cours de renégociation, elle a effectivement fait beaucoup de vagues mais le chauffage au bois domestique ne va pas s’arrêter en 2027. Il y a eu un emballement sur le sujet qui nous a desservi. Ecodesign nous impose certes une cible ambitieuse, mais aussi vertueuse. Le projet a été renvoyé sine die, on espère donc avoir un nouveau règlement, raisonnable et mesuré, étayé avec des études d’impact.
Sur Ecodesign, "les discussions semblent beaucoup plus ouvertes aujourd’hui et nous donnent bon espoir de trouver de bonnes solutions pour tout le monde".
Initialement, le texte nous imposait d’installer des systèmes électroniques de régulation. Les discussions semblent beaucoup plus ouvertes aujourd’hui et nous donnent bon espoir de trouver de bonnes solutions pour tout le monde, sachant que les obligations concerneront les nouveaux produits mais pas les anciens.
En France, les normes du chauffage au bois convergent vers une seule et unique norme, la EN16-510, qui définit l'étanchéité à l’air des produits, intègre l’ACV et impose des contrôles beaucoup plus réguliers sur les chaînes de production. Elle devrait s’appliquer au 2 novembre prochain.
Sur quelles innovations travaillent vos équipes de Recherche & Développement ?
C. L. : Le rendement n’étant plus un sujet puisqu'il a presque atteint les 100%, elles travaillent sur la performance du rejet ou encore l’admission de l’air dans l’appareil de manière à optimiser la combustion. Sur ce dernier point, il faut cependant que l’ergonomie de l’arrivée d’air suive, grâce à des systèmes de régulation mécanique, voire électronique.
On planche aussi sur l’étanchéité des appareils pour assurer une bonne ventilation des logements, et nous développons chez Seguin la fonction Smart Control, qui consiste en un boîtier électronique intégrant les trois arrivées d’air (primaire, secondaire, tertiaire).
L’appareil doit être conçu pour l'accueillir, et on y ajoute ensuite une sonde calculant l’oxygène, une autre pour calculer la température des fumées, et une télécommande de réglage de la température souhaitée. Le boîtier prévient l’utilisateur du bon rechargement de l’appareil. Cette fonction ne sera pas forcément de base, mais chacun de nos produits sera capable de l’intégrer.
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