Le chauffage au bois en souffrance, la faute aux appareils à bûches

Par   Corentin PATRIGEON

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Publié le 31 mars 2025
Crédit photo iStock/maho
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ANALYSE. Dans leur étude sur le marché 2024 des appareils domestiques de chauffage au bois, Observ'ER et l'Ademe constatent que tous les segments sont en repli, faisant plonger l'activité globale de 30%. Le secteur a atteint son plus bas niveau depuis 2012 et passe pour la première fois sous la barre des 300.000 unités vendues.

Les temps sont rudes pour le marché des appareils domestiques de chauffage au bois. Dans leur étude sur le bilan 2024 du secteur, Observ'ER (Observatoire des énergies renouvelables) et l'Ademe (Agence de la transition écologique) constatent une dégringolade de 29,4% des équipements sur un an, avec seulement 297.430 pièces vendues, tous segments confondus.

L'enquête repose sur une collecte de données effectuée entre janvier et février 2025 auprès de 142 industriels (fabricants et importateurs intervenant sur le marché français) couvrant les segments des poêles à bois (bûches, granulés, "de masse"...), des foyers fermés et inserts, des chaudières individuelles d'une puissance maximale de 36 kilowatts (à bûches, granulés, bi-énergie et plaquettes) et des cuisinières (simples et chaudières, à bûches comme à granulés), les foyers ouverts individuels de type cheminée n'étant pas pris en compte.

Les poêles à bûches en première ligne

Il en ressort donc que l'exercice 2024 représente la plus forte baisse de l'activité enregistrée sur le marché du chauffage au bois domestique depuis 2012 : en 12 mois seulement, ce dernier s'est rétracté de 124.635 appareils, et même de plus de 215.000 pièces en comparaison à 2022.

Cette chute s'explique essentiellement par le recul des ventes d'appareils à bûches, qu'il s'agisse de foyers fermés, d'inserts, de poêles ou de chaudières. Les cuisinières échappent à cette tendance négative (-0,6%, 4.750 ventes en 2024), toutes choses égales par ailleurs puisqu'il s'agit d'un "marché de niche qui s'adresse à une clientèle particulière".

Les poêles à bûches ont en revanche été en première ligne : leur activité a fondu de 42% en 2024, atteignant 137.830 unités, soit 99.800 de moins par rapport à 2023. Pour autant, le segment fait toujours la course en tête des ventes au niveau national. Les foyers fermés et inserts manuels ne sont pas non plus à la fête, avec -37%, ce qui représente une perte d'environ 30.000 pièces entre 2023 et 2024.

Année noire pour les chaudières

Les poêles à granulés sont finalement les seuls à tirer leur épingle du jeu, enregistrant un rebond de 18,4% de leurs ventes. L'étude évalue ainsi leur marché 2024 à 87.970 pièces, en progression de 13.670 en un an, mais ce volume représente moins de la moitié du marché de 2022. Toutes catégories confondues, 162.130 appareils se sont malgré tout volatilisés sur le segment des poêles en deux ans, soit 41% de son activité.

Déjà très fortement chahutées en 2023, où leurs ventes avaient chuté de 59%, les chaudières (appareils à bûches comme à granulés) subissent une nouvelle année noire en n'écoulant que 10.750 unités, soit une nouvelle dégringolade de 44%. En deux ans, le segment s'est effondré de 76%, passant de 46.270 pièces en 2022 à 10.750 en 2024, et effaçant de fait les hausses des ventes qui avaient été enregistrées entre 2018 et 2022.

La répartition des ventes globales entre les appareils manuels et les équipements automatiques a aussi évolué. Relativement équilibrée entre 2019 et 2022, elle penche en faveur des manuels depuis deux ans, ceux-ci étant passés à 78% de part de marché en 2023, puis 66% en 2024, quand les automatiques ont subi un décrochage de 64% de leurs volumes il y a deux ans. Le segment manuel a néanmoins perdu 134.370 appareils manuels entre 2023 et 2024.

Conjonction de facteurs

Observ'ER et l'Ademe avancent plusieurs pistes pour expliquer cette situation désastreuse du chauffage bois. D'abord, le contexte de crise économique et politique "qui n'incite pas les particuliers à investir", les ménages déjà équipés d'un système de chauffage fonctionnel, même vieillissant, ayant préféré "reporter l'achat d'un nouvel appareil".

Ensuite, un dispositif Ma prime rénov' "en net recul sur les dossiers déposés au cours de la première partie de 2024". Début 2024, il comportait en outre l'obligation de fournir un diagnostic de performance énergétique (DPE) pour connaître son éligibilité à une aide mono-geste. "Une modification coûteuse et compliquée pour les particuliers", qui a été abandonnée en mai 2024.

Des polémiques n'ont pas arrangé les choses, avec "plusieurs messages négatifs associant le chauffage au bois dans son ensemble aux pics d'émissions de particules". Ce discours, "relayé par plusieurs médias nationaux, a écorné l'image des appareils à bois dans l'esprit des consommateurs".

La période hivernale 2023-2024 a par ailleurs été marquée par une "douceur des températures" qui, logiquement, n'a pas motivé les ménages à s'équiper d'un système de chauffage. Des polémiques n'ont pas arrangé les choses, avec "plusieurs messages négatifs associant le chauffage au bois dans son ensemble aux pics d'émissions de particules". Ce discours, "relayé par plusieurs médias nationaux, a écorné l'image des appareils à bois dans l'esprit des consommateurs".

Enfin, "des effets de stocks" ont amené des grossistes, des magasins spécialisés et même des installateurs "à utiliser en priorité les appareils présents dans leurs propres stocks avant de repasser des commandes aux industriels fabricants", particulièrement sur le segment des poêles à bûches. Des stocks qui avaient été constitués justement pour faire face à la forte demande en 2023 et début 2024.

Inversement de tendance

Quoi qu'il en soit, le marché s'enfonce dans une crise inédite : il atteint un plus bas depuis 2012, et passe pour la première fois sous la barre des 300.000 unités vendues. De même, les volumes de ventes de 2024 sont largement inférieurs à ceux de 2020, année pourtant marquée par la pandémie de Covid-19 et les confinements sanitaires. "Depuis 2012, le marché des appareils de chauffage domestique au bois a alterné les croissances et les ralentissements, cependant le recul de l'activité de 2024 est le plus fort observé au cours des 13 dernières années", résume l'étude.

Si les mauvaises nouvelles se sont enchaînées deux années de suite, les dynamiques à l'œuvre en 2023 puis en 2024 ne sont toutefois pas comparables.

"En 2023, le marché avait été surtout impacté par un effondrement des ventes des équipements à granulés, suite à la crise des granulés survenue en milieu d'année 2022. La pénurie de combustibles granulés et la flambée de leur prix à l'été 2022 avaient créé une défiance des consommateurs vis-à-vis des appareils automatiques durant toute l'année 2023, malgré un retour à la normale de la disponibilité des combustibles dès l'hiver 2023", expliquent les auteurs.

En parallèle, les appareils à bûches avaient alors profité d'une "année exceptionnelle". Or la situation s'est inversée en 2024, "puisque ce sont les appareils manuels à bûches dans leur ensemble (foyers fermés, inserts, poêles et chaudières) qui ont lourdement reculé (-41%), alors que les poêles à granulés ont rebondi de 18,4%".


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