"La pompe à chaleur mérite davantage de pédagogie", P. Brangers (Daikin France)

XPair : Dans un marché du CVC pour le moins morose, et alors que la pompe à chaleur est la grande victime des incertitudes politiques et économiques, quel bilan Daikin France tire-t-il de l'exercice 2024 ?

Philip Brangers : Le secteur a effectivement connu une baisse d’activité en 2024. Le résidentiel et les pompes à chaleur air-eau ont le plus souffert. La solution Pac a pourtant un rôle très important à jouer dans la décarbonation. Elle mérite plus d’explications, davantage de pédagogie sur ses atouts économiques et écologiques.

À l’échelle du groupe, nous avons enregistré une légère croissance au global en 2024, mais avec des différences géographiques : la Turquie et le Moyen-Orient ont mieux marché que l’Europe, où le secteur tertiaire a toutefois résisté, notamment en France, ce qui lui ouvre des perspectives de croissance.

"Le marché européen reste structurellement en difficulté et n’est pas aujourd'hui le plus porteur pour les industriels."

Nous nous sommes adaptés en élargissant notre gamme et en investissant dans de nouvelles technologies et de nouvelles usines, afin de se préparer à répondre aux nouveaux besoins du marché.

Comment se déroulent les premiers mois de 2025 ?

P. B. : Je vois se dessiner la même tendance actuellement. Le marché européen reste structurellement en difficulté et la croissance y est en berne, ce n’est pas aujourd'hui le plus porteur pour les industriels du génie climatique.

Nous restons néanmoins optimistes et nous allons continuer à investir dans de nouvelles solutions, car nous nous sommes fixés pour objectif de nous développer au niveau régional et d'assurer une production locale, afin d’être au plus près de nos clients et de leur proposer les solutions les plus adaptées.

L’idée est aussi de pouvoir compter sur des chaînes d’approvisionnement les plus courtes possibles. La Recherche & Développement est un autre axe important pour nous : nous avons inauguré un nouveau centre pour toute l’Europe, implanté à proximité de l’université de Gand, en Belgique, afin de bénéficier de l’écosystème des chercheurs et étudiants.

Selon vous, l'innovation est un levier qui doit être actionné pour parvenir à se démarquer sur un marché compliqué et face à une concurrence si rude ?

P. B. : Oui, la R&D est un levier essentiel. Nous voulons proposer des solutions intéressantes à nos clients, à l'image des Pac au propane et d’autres solutions à faible PRG (potentiel de réchauffement global). Daikin va aussi se spécialiser dans des solutions dédiées aux "data centers", un marché en croissance du fait de l’explosion des usages numériques et de l'intelligence artificielle. On va également continuer à développer notre réseau d’installateurs directs et indirects.

En 2024, nous avons emmené 3.000 clients et prospects, installateurs comme BET, dans nos usines européennes, pour leur montrer que nous ne faisons pas qu’assembler mais que nous fabriquons nos propres équipements et que nous disposons donc d'un véritable savoir-faire. Le développement de nos produits doit se poursuivre de sorte que leur utilisation soit intuitive et ergonomique.

"La R&D est un levier essentiel."

En termes de services, nous dédions en outre des lignes téléphoniques à notre clientèle d'installateurs depuis notre siège de Genas, près de Lyon, complémentaire à notre service client basé à Nantes. Nous avons aussi investi dans notre siège en le dotant d'un centre de formation qui sera spécifiquement dédié au R290, et d'un "experience center" ouvert aussi bien à nos équipes qu'à nos clients.

Même si cela paraît peu probable étant donné que les produits de Daikin France sont essentiellement fabriqués en Europe, craignez-vous les hausses des droits de douane brandies par l'administration Trump ?

P. B. : Au moins 90% des produits que nous vendons sont en effet fabriqués en Europe, ce qui est une grande force dans le contexte actuel. Des hausses de tarifs douaniers sont malgré tout susceptibles d’entrer en vigueur, notamment sur certains composants comme les platines.

Ce sont des axes stratégiques sur lesquels la Commission européenne doit se positionner. Le compresseur est un autre élément clé des systèmes CVC, mais sur ce point, nous disposons d'une usine en Tchéquie. Nos implantations en Europe nous permettent donc d’être indépendants et d’éviter les conséquences de cette guerre tarifaire.