Électricité, solaire, biogaz : à quoi faut-il s'attendre avec la prochaine PPE ?

Par   Corentin PATRIGEON

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Publié le 12 mars 2025
ENR éolien solaire photovoltaïque
iStock/imacoconut
Photo d'illustration
ANALYSE. Bercy a lancé une nouvelle consultation publique d'un mois sur la troisième version de la Programmation pluriannuelle de l'énergie, qui a décidément bien du mal à aboutir. La dernière mouture en date modifie encore les objectifs en matière d'électrification, de photovoltaïque, de gaz renouvelables, de chaleur et de froid.

Et c'est reparti pour un tour. Bercy - qui, pour rappel, a récupéré le portefeuille de l'Énergie depuis la constitution du gouvernement de François Bayrou - vient de lancer la consultation "finale" du public sur la troisième édition de la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE).

Cette feuille de route est attendue de longue date par les professionnels de l'énergie, car elle fait partie intégrante, aux côtés du Plan national d'adaptation au changement climatique (Pnacc) et de la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC), des politiques publiques en matière de transition écologique et énergétique, présentées sous l'intitulé "Stratégie française pour l'énergie et le climat" (Sfec).

Les commentaires reçus ont conduit à apporter plusieurs modifications au projet, dont l'ajout d'un chapitre dédié au suivi de la consommation électrique et d'un chapitre sur les coûts du système électrique dans son ensemble.

Ministère de l'Énergie

Initiée en 2021, la préparation de la PPE 3 a enchaîné les phases de concertation avec les acteurs, le public et des groupes de travail rassemblant parlementaires et élus locaux. Le Gouvernement a également consulté plusieurs instances, telles que le Conseil supérieur de l'énergie (CSE) ou l'Autorité environnementale (AE). Mais les soubresauts politiques et économiques, couplés aux critiques des acteurs, ont fait patiner le projet.

Le ministère de l'Énergie assure cependant que cette nouvelle consultation devrait être la "dernière étape" de l'élaboration du texte, avant son adoption par décret. "Les commentaires reçus ont conduit à apporter plusieurs modifications au projet, dont l'ajout d'un chapitre dédié au suivi de la consommation électrique et d'un chapitre sur les coûts du système électrique dans son ensemble, l'ajout d'une dimension industrielle et le développement des actions envisagées pour suivre et anticiper l'impact sur les emplois et compétences", explique-t-on à Bercy.

Presque 600 TWh d'électricité décarbonée produite en 2030

Au-delà de ces ajustements, plusieurs secteurs énergétiques voient encore leurs objectifs modifiés. D'après la synthèse du projet de PPE 3 soumis à consultation publique et consulté par XPair, l'exécutif prévoit que la France consommera 42% d'énergie finale fossile en 2030, puis 30% en 2035, sur une consommation d'énergie finale estimée respectivement à 1.243 térawattheures et "environ" 1.100 TWh.

La production d'électricité décarbonée atteindrait 577 TWh en 2030, puis oscillerait entre 666 et 708 TWh cinq ans plus tard. Le parc nucléaire, qui se basait en 2023 sur 56 réacteurs produisant 320,4 TWh, ne compterait d'ici à une dizaine d'années qu'un réacteur supplémentaire, pour une production de 360 TWh.

Autrement dit, face au recul des combustibles fossiles et à la quasi-stagnation du parc atomique, la montée en puissance de l'électrification des usages reposerait essentiellement sur les énergies renouvelables.

Triplement des capacités PV actuelles d'ici à 2030

Le solaire photovoltaïque en serait le principal artisan. De 19,3 gigawatts de capacités installées pour une production de 22,7 TWh en 2023, la filière monterait à 54 GW (environ 66 TWh) en 2030, avant de s'inscrire dans une fourchette large de 65 à 90 GW (entre 92 et 110 TWh) en 2035. Pour y parvenir, le Gouvernement mise sur "deux appels d'offres par an à hauteur d'environ 1 GW par période (hors renouvellement) à compter du 1er semestre 2025" pour les installations au sol.

Le PV sur bâtiment ferait pour sa part l'objet de "trois appels d'offres par an à hauteur d'environ 300 mégawatts par période (hors renouvellement) à compter du 1ᵉʳ semestre 2025", sachant que ces volumes pourraient "être ajustés selon les évolutions apportées aux autres dispositifs de soutien".

Bercy précise par ailleurs que ces appels d'offres "seront complétés par un appel d'offre neutre technologiquement par an, c'est-à-dire ouvert à des projets PV, hydroélectriques et éoliens terrestres, à hauteur d'environ 500 MW par période". Les petites installations, pour leur part, bénéficieraient d'un soutien "par arrêtés tarifaires".

Soutien au biométhane et à l'hydrogène

Les gaz renouvelables feraient aussi partie de l'équation. En 2023, ils ont produit 19,5 TWh, dont 9 TWh injectés dans les réseaux de gaz naturel. Les pouvoirs publics veulent faire grimper cette production à 50 TWh d'ici à cinq ans, dont 44 TWh d'injection. À horizon 2035, la production oscillerait de manière plus floue entre 50 et 85 TWh.

Pour aider les biogaz à atteindre ces objectifs, l'idée est de maintenir le dispositif de tarif d'achat garanti par l'État tout en mettant en place "un mécanisme de soutien extra budgétaire pour l'injection de biométhane", à savoir les certificats de production de biométhane.

L'État veut également investir dans les équipements de la filière hydrogène et soutenir la production de H2 renouvelable et bas-carbone destiné à l'industrie. Nulle en 2023, la capacité d'électrolyse installée pourrait progresser jusqu'à 4,5 GW en 2030, puis 8 GW en 2035, pour une production variant de 9 à 40 TWh PCI.

Une place encore très timide pour le froid renouvelable

Les réseaux de chaleur et de froid renouvelable et de récupération ne sont pas non plus oubliés. Pour assurer leur développement, Bercy veut mobiliser le dispositif d'aide Ma prime rénov' ainsi que les certificats d'économie d'énergie (CEE), "notamment via les fiches d'opérations standardisées soutenant l'installation de systèmes de production de chaleur renouvelable efficaces dans tous les secteurs d'activité".

Le Fonds chaleur (doté de 820 millions d'euros en 2024) serait aussi mis à contribution pour développer la chaleur renouvelable, y compris via les réseaux de chaleur, de sorte qu'il participe "à l'atteinte en 2030 d'une capacité financée d'environ 12 TWh/an". L'État compte en outre sur les aides du plan d'investissement France 2030 destinées à la décarbonation de l'industrie pour développer la chaleur bas-carbone, ainsi que sur le Fonds économie circulaire afin de financer des chaufferies alimentées par des combustibles solides de récupération (CSR).

Après 172 TWh de chaleur livrés en 2022, l'objectif est fixé à 276 TWh pour 2030, puis entre 328 et 421 TWh en 2035. De plus en plus présent dans les débats autour de l'adaptation au réchauffement climatique, le froid s'octroie une place dans la PPE 3, toutefois encore très timide : de 1 TWh livré par les réseaux en 2023, le Gouvernement vise une augmentation à 2 TWh en 2030, puis entre 2,5 et 3 TWh en 2035.

Un objectif de décarbonation "trop ambitieux" ?

Les différentes composantes de la filière énergie ont maintenant un peu moins d'un mois pour arriver à faire valoir leurs arguments auprès de Bercy. Mais des divisions ont déjà commencé à se faire jour : dans un avis consulté par nos confrères des Échos, Vincent Berger, le Haut-commissaire à l'énergie atomique, a estimé que l'objectif de décarbonation de la France fixé pour 2030 est "trop ambitieux" et "ne sera pas atteint".

Le haut-fonctionnaire pointe par ailleurs "un risque de surproduction" électrique et considère que "la croissance du PV devrait être revue à la baisse dans la PPE". Une prise de position qui va sans doute contribuer à alimenter encore un peu plus le clivage stérile entre nucléaire et énergies renouvelables.


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