Rénovation : encore "beaucoup de travail" pour intégrer "l'amélioration du confort"

Par   Corentin PATRIGEON

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Publié le 18 juin 2025
Crédit photo Corentin Patrigeon pour XPair
Simon Huffeteau (2e en partant de la gauche), du ministère de la Transition écologique ; Sabine Pauquay, de Velux ; et Laurent Brugeilles, du GPCEE.
DÉCRYPTAGE. Alors que les arbitrages sur MaPrimeRénov' et les CEE se succèdent ces derniers jours, les professionnels réclament toujours une stabilisation des dispositifs. Certains demandent aussi de les aligner avec les objectifs d'adaptation au changement climatique.

Les acteurs de la rénovation pourront-ils un jour compter sur des dispositifs d'aide stables et pérennes ? La question a de nouveau été posée lors des Assises nationales du logement et de la ville, organisées par le Groupe Batiactu ce 17 juin 2025 à la Cité universitaire de Paris. Alors que le Gouvernement a finalement décidé d'exclure les monogestes de la suspension de MaPrimeRénov' cet été, le flou perdure néanmoins sur les évolutions à moyen-long terme et sur l'articulation avec les CEE (certificats d'économie d'énergie).

Du côté des pouvoirs publics, sans surprise, on défend le bilan du dispositif. "Nous n'avons jamais eu autant de rénovations d'ampleur, et de rénovations ambitieuses : 3,3 milliards d'euros d'aides ont été distribuées autour de MPR en 2024, et plus de 91.000 rénovations d'ampleur ont été financées", argue Simon Huffeteau, coordinateur du plan de rénovation énergétique des bâtiments au ministère de la Transition écologique et de l'Aménagement des territoires.

Ce score serait sans précédent et témoignerait "d'une vraie dynamique d'appropriation" de cet enjeu par la filière, aussi bien par les artisans RGE que par les Accompagnateurs rénov' et les guichets France rénov'. "2025 continue sur la cadence sur laquelle 2024 s'est terminée, avec actuellement trois fois plus de dossiers engagés depuis le début 2025 par rapport à 2024. À ce rythme, [sans suspension du dispositif, NDLR] l'intégralité du budget serait dépensée à la rentrée ; et on dépassera sans doute les 100.000 rénovations d'ampleur en 2025", avance le haut-fonctionnaire.

La rénovation, à la fois "un défi et une opportunité"

Une analyse que ne partage pas Laurent Brugeilles. "Quand on est acteur dans les CEE, il faut attacher sa ceinture ! Quatre-vingt-un textes CEE ont été soumis au CSE (Conseil supérieur de l'énergie) depuis trois ans et demi, on a du mal à suivre !", reproche l'un des administrateurs du Groupement des professionnels des CEE (GPCEE). Le spécialiste réclame donc stabilité et visibilité, expliquant qu'une nouvelle réglementation mettait toujours plusieurs mois à se mettre en place.

"Il faut vraiment recadrer le débat au-delà de MPR, car la rénovation est stratégique et nous avons en ligne de mire la neutralité carbone à horizon 2050", embraye la directrice des affaires publiques de Velux Southwest Europe, Sabine Pauquay. D'après elle, 3 des 21 millions de maisons individuelles que compte la France sont des passoires énergétiques ; le travail est donc encore loin d'être fini pour le secteur.

Cela dit, cela représente à ses yeux à la fois "un grand défi et une grande opportunité. Le défi, c'est d'investir dans l'accompagnement des ménages et de la filière. L'opportunité, c'est arrêter de voir la rénovation comme un chiffre dans les dépenses de l'État. Une rénovation, c'est un investissement." C'est aussi une décision "éminemment politique", qui nécessite de se projeter dans le temps afin d'éviter des "goulets d'étranglement" dans le traitement des dossiers.

Supprimer des fiches CEE pour "faire levier" sur MPR

Roquelaure se veut pour sa part rassurant. "D'ici au 1er juillet, on a une fermeture du guichet pour les rénovations d'ampleur. Mais ce qui a été annoncé avant-hier, c'est que la rénovation par geste resterait ouverte, de même que la rénovation en copropriété", reprend Simon Huffeteau. Tandis que la ministre du Logement, Valérie Létard, a engagé dès aujourd'hui une concertation pour définir "les paramètres de réouverture" de l'ensemble du dispositif, plusieurs d'entre eux ont déjà été esquissés.

"Le plafond d'aide pour la rénovation d'ampleur serait abaissé, des travaux seraient menés dans l'objectif de faciliter la maîtrise des prix (+7% entre 2024 et 2025 alors qu'il n'y a pas eu d'augmentation du barème dans le même temps) et une lutte serait menée contre la fraude (il y a une forte suspicion sur 16.000 dossiers)", liste le coordinateur. Tout cela dans l'optique de rouvrir la totalité du dispositif "à la mi-septembre", avec une meilleure maîtrise des fonds, un raccourcissement des délais de traitement et un renforcement des sanctions.

L'exécutif compte par ailleurs supprimer "un certain nombre de fiches CEE pour faire levier du côté de MPR". Ce qui laisse dubitatif Laurent Brugeilles : "Que les CEE arrivent en renfort de MPR, pourquoi pas ? Mais pas de substitution, s'il vous plaît !" Pour le spécialiste, "une énorme débudgétisation" est en train de se produire, "qui va se chiffrer en centaines de millions d'euros, et ce sont les obligés CEE qui vont payer, et cela ne nous convient pas".

Amélioration du confort

Simon Huffeteau répond : "Il y aura bien 3,6 milliards d'euros dans le budget 2025 pour MPR, et les CEE viennent en plus (+250 millions d'euros suite à l'arrêté publié récemment)". Si le représentant du ministère a reconnu que les délais de versement des primes étaient "trop longs" pour les usagers, il juge toutefois "essentiel" de "se laisser du temps pour instruire les dossiers, notamment les frauduleux, qui créent ces goulets d'étranglement mais qui nécessitent un examen avancé".

Les industriels, eux, veulent continuer à y croire : "J'entends beaucoup de volonté pour améliorer et pérenniser le système. Ce qui me semble essentiel, c'est de pouvoir aligner MPR avec les objectifs du Pnacc (Plan national d'adaptation au changement climatique), et il y a encore beaucoup de travail sur ce point, notamment en termes de protections solaires", souligne Sabine Pauquay. Selon elle, "un des plus gros déclencheurs de l'acte de rénover, c'est l'amélioration du confort".

Elle appelle par conséquent à "inclure dans les outils d'accompagnement à la rénovation, type DPE (diagnostic de performance énergétique), des critères liés à la qualité de l'air intérieur", afin "de soutenir cet emballement de la rénovation qu'on appelle de nos vœux". Au ministère, on rétorque que certains gestes favorables au confort d'été sont déjà intégrés dans l'enveloppe des travaux éligibles de MPR Parcours accompagné. Reste que "les éléments d'accessibilité et de trésorerie doivent être travaillés", conclut Simon Huffeteau.


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