RE2020 : pas d’ajustements sur l’ambition, plaident les prescripteurs bas-carbone

Par   Émilie WOOD

Actualités
Publié le 21 octobre 2025
© Capture d'écran webinaire Hub des prescripteurs bas-carbone
Depuis la mise en application de la RE2020 il y a deux ans, le hub a constaté une baisse d’environ 20 % de l’empreinte carbone moyenne dans la construction, avec le tiers des bâtiments passant déjà les seuils 2028, voire 2031.
ANALYSE. Si la RE2020 semble porter ses fruits, le Hub des prescripteurs bas-carbone met en garde les pouvoirs publics sur certains des ajustements demandés par le rapport Rivaton, qui pourraient drastiquement affecter ses résultats.

La RE2020 est une réussite et "il ne faut pas ralentir l’effort", insiste Laurent Morel, président de l’Institut français pour la performance du bâtiment (Ifpeb) et du Hub des prescripteurs bas-carbone, plateforme collaborative portée par l’Ifpeb et le cabinet de conseil Carbone 4, à l'occasion d'un webinaire sur la réglementation environnementale. Depuis sa mise en application il y a deux ans, le hub a constaté une baisse d’environ 20 % de l’empreinte carbone moyenne dans la construction, avec le tiers des bâtiments passant déjà les seuils 2028, voire 2031.

Un signe que ces derniers seraient donc atteignables. Ces chiffres sont issus de l’Observatoire de la RE2020, plateforme de la DHUP (Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages) gérée par la CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment), qui recense des projets de toutes tailles soumis à la règlementation afin d’établir un suivi. L’analyse des données de ces bâtiments permet de comprendre comment les obligations liées à la RE2020 sont remplies, et parfois même dépassées.

"Tous les corps d’état peuvent agir pour limiter l’impact carbone, y compris sur les lots techniques, et ces efforts sont réalisables", analyse Marine Vesson, responsable de la division environnement au CSTB.

On apprend notamment que les composants représentent les trois quarts de l’impact carbone des bâtiments, contre 15 % pour l’énergie et 10 % pour la consommation d’eau. Sur les émissions de CO2 causées par les composants, les lots techniques représentent 31 % de l’impact carbone, le second œuvre 34 % et le gros œuvre 33 %. Les lots les plus émissifs sont la superstructure, le CVC, les façades, les revêtements intérieurs et les infrastructures.

Des acteurs estiment que la France fait office de modèle européen en matière de réglementation environnementale. © Capture d'écran webinaire Hub des prescripteurs bas-carbone

Quels leviers pour décarboner ?

Premier levier de la décarbonation, celui de la matière : pour cela, le réemploi a encore besoin d’être développé et mieux exploité. Deuxième levier, la sortie des énergies fossiles, déjà un succès grâce à la réglementation. "Il peut rester quelques solutions hybrides, mais globalement, on est sur des solutions énergétiques bas-carbone. Un point très intéressant, c’est le progrès des réseaux de chaleur urbain", souligne Paco Vadrillo, chef de projet à Carbone 4.

Troisième levier, le stockage du carbone, qui n’est pas encore une réalité, les projets enregistrés ayant majoritairement favorisé l’utilisation de béton bas-carbone. Une optimisation de l’architecture (bâtiments plus compacts, taux de vitrages optimisés…) permettrait en outre de réaliser des économies sur les coûts de construction et sur son empreinte carbone.

Le surcoût de la construction pour respecter les objectifs de la RE2020 au seuil 2028, selon les études du hub, serait pour sa part compris entre 0 € / m² et 30 € / m²… soit au maximum 2 % en plus, pour 70 % de l’effort. "On peut gagner plus de 120 kgCO2e / m² juste en faisant une étude bien précise et en choisissant bien les matériaux", souligne Guillaume Meunier, responsable du Hub.

Bien que l’Ifpeb ne remette pas en cause toutes les mesures du rapport Rivaton, son directeur général, Christophe Rodriguez, a cependant alerté sur le potentiel impact de deux mesures. © Capture d'écran webinaire Hub des prescripteurs bas-carbone

Le rapport Rivaton, une réduction considérable des efforts ?

Bien que l’Ifpeb ne remette pas en cause toutes les mesures du rapport Rivaton, son directeur général, Christophe Rodriguez, a cependant alerté sur le potentiel impact de deux mesures : celle qui prévoit de recalculer le seuil de départ de 2022 (passer des fiches A1 à A2) – mesure qui à elle seule équivaudrait à diviser par deux l’effort RE2020 (voir graphique) – et celle qui vise à autoriser la substitution de produits à hauteur de +/- 5 % de CO2, sans mise à jour de l’étude.

"Cette marge de manœuvre de 5 %, si on l'applique sur tous les produits, augmenterait considérablement l’empreinte carbone", affirme-t-il, suggérant plutôt une substitution pour un produit équivalent au sens strict. En ce sens, l’Ifpeb a fait parvenir début septembre au Gouvernement les résultats de sa concertation sur le rapport Rivaton.

Pour que la RE2020 évolue dans le bon sens, l'institut recommande de prendre en compte l’évolution du climat avec un indicateur DH2050 fondé sur un fichier météo "Canicules extrêmes Tracc 2,7 °C" ainsi que les effets de surchauffe urbaine, sur la base d'une modulation des seuils DH en fonction de la présence ou non d’un îlot de chaleur.

Il préconise également de durcir l’exigence des seuils, jugés actuellement trop peu ambitieux en-dehors du pourtour méditerranéen, en basculant à un DHmax de 600. Enfin, une révision de la réglementation pourrait être envisagée tous les trois ans, afin de préparer conjointement l'après-2030.


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