Prévention : le BTP et les pouvoirs publics font front contre le risque chimique

Par   Corentin PATRIGEON

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Publié le 20 mai 2025
Crédit photo Corentin Patrigeon pour XPair
Paul Duphil, secrétaire général de l'OPPBTP (à gauche), et Pierre Ramain, directeur général du Travail.
SANTÉ-SÉCURITÉ. Première cause de décès par maladie professionnelle, le risque chimique fait l'objet d'une nouvelle campagne nationale de sensibilisation. Les métiers de la plomberie-CVC et de l'électricité sont notamment concernés.

"C’est la sixième campagne de sensibilisation que nous lançons dans le cadre de notre plan stratégique 2020-2025, sur une thématique qui n’est pas des plus simples ; un risque souvent sous-estimé, voire ignoré : le risque chimique. Il est pourtant très présent, avec des conséquences qui peuvent être graves."

En présentant la nouvelle campagne nationale de sensibilisation sur le risque chimique qui sera menée du 2 juin au 30 juillet 2025, le secrétaire général de l'OPPBTP (Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics), Paul Duphil, a rappelé un grave constat : s'il ne représente que 8% des maladies professionnelles, le risque chimique demeure la première cause de décès par maladie professionnelle.

En soutien avec la Direction générale du Travail (DGT), la Caisse nationale d'Assurance Maladie (Cnam) et les Services de prévention et de santé au travail (SPST), l'organisme veut alerter une nouvelle fois les professionnels du bâtiment, qui sont particulièrement concernés, sur ce sujet.

1 salarié sur 3 est exposé à un agent chimique cancérogène

"On distingue deux sources d’exposition : les agents chimiques émis dans l’air comme les poussières, et les produits manufacturés utilisés quotidiennement et délibérément (colles, résines, peintures, enduits, ciments, décapants...). Ils peuvent entraîner des effets sur la santé, notamment à court terme (brûlures, démangeaisons...) mais surtout à long terme, avec des maladies professionnelles graves, voire mortelles (cancers, affections respiratoires chroniques...)", explique Isabelle Monnerais, responsable du domaine risque chimique à l'OPPBTP.

Ajoutant : "Le risque touche tous les métiers du bâtiment et des travaux publics car les produits chimiques sont omniprésents dans les ateliers, les chantiers et les entreprises du secteur. Des milliers de professionnels sont exposés. Selon l'enquête Sumer (Surveillance médicale des expositions des salariés aux risques professionnels) de 2017, 1 salarié sur 3 est exposé à un agent chimique cancérogène, et plus de 2 sur 3 aux agents chimiques dangereux. Malgré tout cela, le risque est souvent sous-estimé, à cause des habitudes de travail, de la complexité du sujet, du manque de temps..."

Une autre enquête réalisée en janvier 2025 par les SPST auprès d'environ 5.000 encadrants et compagnons - dont 15% pour les métiers de l'électricité et 13% pour ceux de la plomberie-CVC - de la filière montre effectivement une méconnaissance des risques encourus.

Dans le détail, 67% disent ne pas, ou rarement, utiliser des produits chimiques - alors qu’ils sont omniprésents dans le BTP -, et dans le même temps 83% se disent bien, voire très bien informés sur les risques chimiques. Moins d'un tiers des répondants (29%) ont affirmé avoir suivi une formation, un chiffre d'autant plus faible que moins d'un sur cinq (23%) déclare lire les étiquettes seulement à la première utilisation.

Inventorier les produits chimiques

"Le but de cette campagne est donc double : faire prendre conscience et initier la démarche de prévention en entreprise, en réalisant une première étape qu’est l’inventaire des produits chimiques", poursuit Paul Duphil.

"Pour ce faire, les professionnels peuvent s’appuyer sur un outil développé par l’OPPBTP et disponible en ligne sur le site preventionbtp.fr, grâce auquel ils peuvent identifier et inventorier les produits présents dans l’entreprise, en se référant à une base de données de 25.000 références, en scannant la FDS (fiche de données de sécurité) ou en remplissant un formulaire allégé pour la saisie de l’étiquette du produit", embraye Isabelle Monnerais.

Un tableau de bord permet ensuite de hiérarchiser la dangerosité des produits et des indicateurs de suivi sont à disposition des professionnels. Des recommandations leur sont également formulées, comme l'utilisation d'alternatives moins dangereuses et la traçabilité des salariés exposés.

Pour les aider à construire leur plan d’actions, ils peuvent aussi recourir à la version mobile de cet outil. Pour le reste, cette campagne de sensibilisation reposera sur l'offre habituelle, des affiches pédagogiques aux boîtes à outils, en passant par des webinaires, des réunions publiques d'information organisées par les agences régionales de l'OPPBTP ou encore un podcast.

"Développer cette culture de prévention"

Le ton, lui, est assumé : "On a fait le choix d’une campagne décalée. Il s’agit d’être impactant tout en faisant un peu d’humour, sachant que le message s’adresse à chacun", appuie Paul Duphil. En parallèle, l'OPPBTP s'est associé avec la Ligue contre le cancer.

"Le lien entre produits chimiques et cancer est évident, et il nous a semblé utile et pertinent de faire cette association", justifie le secrétaire général de l'organisme, qui s'est d'ailleurs fixé un objectif : "Nous lançons un challenge à l’ensemble des entreprises pour les inciter à réaliser l'inventaire de leurs produits chimiques. À chaque produit ajouté, cela déclenchera 1 € de mécénat en soutien à la Ligue, avec un objectif fixé à 10.000 €."

Présent à la conférence, Alain Pecking, ancien directeur de l'Institut Curie et ancien président de la Ligue contre le cancer des Hauts-de-Seine, l'a rappelé : "Le cancer est la première cause de mortalité en France, largement au-dessus des maladies cardiovasculaires, avec plus de 433.000 nouveaux cas et 156.000 décès par an".

En conclusion, le directeur général du Travail, Pierre Ramain, a estimé pour sa part que la prévention des risques chimiques "est un enjeu social qui justifie cette mobilisation collective". Face au "décalage" entre le niveau de risque et la perception que peuvent en avoir les salariés, le haut fonctionnaire appelle à "développer cette culture de prévention", dont l’inventaire constitue "la première pierre".


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