Pourquoi l’autoconsommation collective serait un "relais de stabilité face à l’instabilité"

Par   Émilie WOOD

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Mis à jour le 1 juillet 2025
Publié le 1 juillet 2025
Crédit photo Émilie Wood pour XPair
Dans le cadre de la Journée de l’autoconsommation collective, 300 professionnels de l’énergie renouvelable se sont donnés rendez-vous à Montpellier pour faire le point sur ce modèle d’avenir.
ZOOM. Dans le cadre de la Journée de l’autoconsommation collective, 300 professionnels de l’énergie renouvelable se sont donnés rendez-vous à Montpellier pour faire le point sur ce modèle d’avenir. Ses évolutions s'inscrivent dans un contexte réglementaire mouvant.

Pour sa troisième édition le 24 juin à Montpellier, la Journée de l'autoconsommation collective, organisée par Enogrid, entreprise spécialisée dans l’accompagnement, l’étude et le suivi de ce type de projets ainsi que la mise en relation entre producteurs d’électricité renouvelable et consommateurs, avait pour thématique la place de l’autoconsommation collective (ACC) dans une filière soumise à de nombreux changements réglementaires.

L’ACC, modèle qui consiste à produire et consommer de l’électricité d’origine renouvelable produite localement dans le cadre d’un réseau collectif, concerne aujourd’hui plus de 12.000 personnes en France, le cap des 1.000 opérations d’autoconsommation collective en service ayant été franchi en mai 2025. Ce qui ne semble qu’un début, précise Rémi Bastien, président d’Enogrid, étant donné que 1.300 projets sont aujourd'hui à l’étude.

"L’an dernier, on comptait 200.000 autoconsommateurs individuels. Et dans de nombreux cas, les projets individuels peuvent devenir collectifs. On pourrait ainsi arriver à quatre millions d’autoconsommateurs collectifs d’ici à 2030", pronostique Laetitia Brottier, vice-présidente d’Enerplan.

De l’avantage financier à la revitalisation des territoires

Celle-ci évoque tout d’abord les avantages financiers côté consommateurs et producteurs. En effet, les tarifs de rémunération passent de plus en plus souvent à 40 € / MWh au-delà d’un certain nombre d’heures. Un prix également pratiqué sur toutes les ventes de surplus pour les particuliers. "Ces tarifs peuvent inciter ceux qui projettent une autoconsommation individuelle à réfléchir plus large, parce que c’est plus intéressant économiquement", souligne-t-elle.

"Mais au-delà de cet aspect, on est sur une dynamique de revitalisation des territoires. Nous sommes sur des projets qui ont du sens. Je pense à une petite commune de 3.000 habitants, qui veut mettre un préau à 70.000 €. C’est compliqué. Mais avec le solaire et l’ACC, ça devient tout à fait possible. Et non seulement cela apporte de la fraîcheur sous le préau, mais on peut aller plus loin : développer des skateparks, des vélodromes… Et c’est tout un territoire qui revit."

La vice-présidente d’Enerplan mentionne également l’impact positif que de tels projets peuvent avoir pour les entreprises, de plus en plus soucieuses de leur responsabilité sociétale. L’ACC peut en effet permettre à ces dernières d’impacter positivement leur quartier, certains projets pouvant même revêtir un aspect solidaire lorsque l’électricité est offerte à des associations, ou lorsque des bailleurs sociaux utilisent cette énergie pour faire baisser les charges de leurs locataires.

Changements de règlementation : entre espoirs et inquiétudes

La refonte de l’arrêté tarifaire S21, qui prévoit une baisse tarifaire sur les surplus de production électrique, n’est pas forcément une mauvaise nouvelle pour l’ACC. "Cela pourrait inciter les porteurs de projets en autoconsommation individuelle à valoriser leur surplus dans une boucle d’ACC. Il en va de même pour les projets en vente totale, qui vont peut-être devenir moins rentables et qui pourraient aller chercher des modes alternatifs de valorisation, comme l’ACC", suggère Coralie de la Fonchais, avocate spécialisée dans le droit de l’énergie chez Adaltys Avocats.

Pourtant, des inquiétudes persistent, notamment en ce qui concerne la baisse du soutien étatique prévue pour la filière photovoltaïque.

"On peut se poser la question : est-ce que demain, sans soutien public en ACC, les projets peuvent encore exister et voir le jour ? Certains projets seront toujours rentables, à condition d’être simples à construire, sans complication, sans délais, avec des terrains exploitables en l’état, des bâtiments impeccables et des orientations parfaites… Ce qui mettrait sur le banc énormément d’acteurs qui souhaitent participer à ces défis", souligne Camille Tarrieu, chargée de mission solaire au Syndicat des énergies renouvelables (SER).

Xavier Casiot, président de France Hydroélectricité, ajoute que les aides de l’État étaient souvent importantes pour convaincre les investisseurs et les banques, dont le soutien est indispensable pour que de tels projets puissent voir le jour.

L’ACC ne concerne pas uniquement le photovoltaïque

Si les projets d’autoconsommation collective concernent à 90% des projets photovoltaïques, Xavier Casiot rappelle que les autres filières ne doivent pas être oubliées. "L’hydroélectricité pourrait être davantage exploitée dans ce cadre", précise-t-il, donnant par la suite deux exemples d’ACC hydroélectriques aux profils très différents.

"Dans le nord-est, une toute petite ACC a été faite en début d’année. Les premiers clients ont été des Ehpad, qui ont des profils de consommation tout à fait compatibles. Cela fonctionne bien aujourd’hui avec quelques clients, et permet aussi une forte acceptation locale de la centrale. Le deuxième projet a été monté dans le sud, il y a un an et demi. Quatre cent cinquante consommateurs ont été contractés en seulement six mois pour 40 GWh, ce qui est un joli succès commercial… Ces deux exemples montrent que l’hydroélectricité est parfaitement adaptée à l’ACC."

Pour conclure, Laetitia Brottier réaffirme que l’ambition de l’ACC n’est pas de devenir fournisseur au niveau national. "Nous sommes sur des initiatives locales qui ont une vision citoyenne, quartier par quartier. Cela ne nous empêche pas d’être une filière mature - on le voit car le nombre d’opérations double chaque année. Nos développeurs regardent l’ACC comme un vrai relais de stabilité face à l’instabilité."


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