"Pour se décarboner, le secteur du bâtiment doit remettre au goût du jour des techniques anciennes"
![L’équipe dirigeante projette de créer en 2027, à 250 mètres seulement de l’actuelle coopérative de teillage de lin, une usine de production de blocs, qui représentera un investissement de 8 millions d'euros. Bâtilin](https://actu.xpair.com/img/052e4ac0-a7a9-4dce-8994-26d68144831d/batilin-02.jpg?fm=jpg&q=80&fit=max&crop=2500%2C1406%2C0%2C208)
L’entreprise nordiste Bâtilin propose des blocs isolants biosourcés produits à partir de tiges de lin, en lien avec une coopérative de 450 liniculteurs. Ces produits conviennent aux réhabilitations avec isolation intérieure ou extérieure ou pour la construction neuve jusqu'en R+3. L’équipe dirigeante projette de créer en 2027, à 250 mètres seulement de l’actuelle coopérative de teillage de lin, une usine de production de blocs, qui représentera un investissement de 8 millions d'euros. XPair s'est entretenu avec Maxime Stievenard, responsable du développement de Bâtilin.
Vous commercialisez depuis deux ans et demi des blocs isolants produits à partir d’anas de lin pour le bâtiment. De quoi s’agit-il ?
Maxime Stievenard : Notre coopérative qui est implantée à Bourbourg, une ville de Flandre maritime située entre Dunkerque et Saint-Omer, regroupe 450 liniculteurs. Forte de 200 ans d’histoire, la filière lin française est très solide et produit de 110.000 à 140.000 hectares de lin textile qui sont vendus en Europe mais aussi en Chine et en Inde.
Nous cherchions un débouché pour les anas de lin, autrement dit le bois situé à l’intérieur de la tige qui représente 50% de la masse de la plante. C'est un coproduit qui, jusqu’ici, était utilisé presque uniquement pour le paillage des jardins.
Pour se décarboner, le secteur du bâtiment doit remettre au goût du jour des techniques anciennes. C’est pourquoi nous avons réalisé cinq ans et demi de R&D et mis au point le bloc Bâtilin, un matériau biosourcé qui offre un fort pouvoir isolant et répond aux exigences de la réglementation environnementale RE2020 et de l’indice carbone construction.
Notre bloc, dont nous avons lancé la commercialisation depuis deux ans et demi, associe l’anas de lin à un liant à base de chaux. Après malaxage et compression, nous produisons un rectangle de 30 par 60 cm avec différentes épaisseurs qui vont de 10 à 30 cm. Nos tarifs sont très raisonnables : le bloc de 10 cm coûte 27 € du m2 et le bloc de 30 cm, 7 € du m2. De nombreux clients nous font confiance comme le SylvaGreg, VATP et les bailleurs sociaux SIA Habitat et Flandres Habitat, ainsi que de nombreux particuliers.
"L'impact carbone de l'anas de lin est exceptionnel puisqu’il s’agit, à la base, à la fois d’un déchet et d’un matériau biosourcé : nous sommes à -17 kg eqCO2 en sortie d'usine - et ce, même en ajoutant des liants à base de chaux."
M. S. : L’hiver, l’anas de lin préserve la chaleur et permet de réaliser d’importantes économies de chauffage. L’été, du fait de sa capacité à contenir l’énergie (déphasage), il favorise le confort d’été, ce qui réduit le besoin de climatisation.
Il assure aussi une régulation naturelle de l'hygrométrie en récupérant le trop-plein d'humidité dans le logement pour le rediffuser - un vrai sujet de santé publique. En raison de sa composition, il améliore aussi le confort acoustique des constructions.
Son impact carbone est exceptionnel puisqu’il s’agit, à la base, à la fois d’un déchet et d’un matériau biosourcé : nous sommes à -17 kg eqCO2 en sortie d'usine - et ce, même en ajoutant des liants à base de chaux. En outre, l’anas de lin permet de stocker en moyenne sur le long terme cinq à sept tonnes de carbone dans une maison classique de 100 m2, un atout majeur. Nous recherchons d’autres liants pour améliorer encore le process. Mais les prix des liants végétaux sont élevés et ils n’apportent pas encore les mêmes performances que les liants à la chaux.
Côté ressource en eau, le bloc Bâtilin est également vertueux puisqu’il consomme 20 à 30% de moins qu’un parpaing. Nous cherchons à être encore plus économes, sachant qu’il y a une humidité résiduelle dans la matière végétale.
"L’hiver, l’anas de lin préserve la chaleur et permet de réaliser d’importantes économies de chauffage. L’été, du fait de sa capacité à contenir l’énergie (déphasage), il favorise le confort d’été, ce qui réduit le besoin de climatisation." © Bâtilin
Où en êtes-vous du point de vue règlementaire ?
Actuellement, nous réalisons d’ores et déjà 300.000 € de chiffre d’affaires annuel. Si le CSTB nous donne son feu vert, nous prévoyons d’atteindre 1 M€ de CA d’ici à trois ans. Puis notre activité se développera avec un marché qui progresse de jour en jour, en raison des impératifs de décarbonation du bâtiment et dans une logique pertinente d’usage des matériaux biosourcés français.
"Notre bloc n’est pas porteur, il sert en remplissage d'un système poteau-poutre en béton, en bois ou en acier. Il s'applique à des maisons et à du collectif jusqu’à R+3, peut être utilisé dans la construction neuve comme en rénovation, en isolation thermique par l'intérieur comme par l'extérieur, et également comme dalle, cloison et toiture plate."
Les artisans auxquels nous nous adressons n’ont pas besoin de changer leurs techniques ni leurs habitudes de pause : le bloc de lin se pose comme un parpaing béton cellulaire, mais a l’avantage d’être un matériau biosourcé, ce qui est beaucoup plus valorisant pour eux et leur ouvre un nouveau marché.
Nous avons l’intention de créer à Bourbourg en 2027, à 250 mètres seulement de la coopérative de teillage de lin, une usine de production de blocs Bâtilin, dans laquelle nous prévoyons d’investir 8 M€. France 2030, la BPI, l’Ademe et la région des Hauts-de-France soutiennent notre projet et ont prévu de nous apporter jusqu’à 3,5 M€.
Cette usine à taille humaine nous permettra de créer une dizaine d’emplois et surtout de développer un nouveau marché pour les artisans qui revalorisera leur prix de pose tout en leur apportant une stabilité.
Certains matériaux biosourcés sont disponibles en quantité réduite, qu’en est-il dans votre cas ?
M. S. : Notre coopérative dispose de 5.000 hectares de production et peut générer 17.500 tonnes d'anas à l'année. En outre, à l’échelle de la France, la ressource d’anas est estimée à 500.000 tonnes/an, ce qui équivaut à 10 millions de blocs et à 12.000 logements. Notre matière est quasi inépuisable et ne subit aucune pression économique. Nous cherchons en outre à améliorer la fin de vie des blocs afin de les réemployer dans notre fabrication neuve à hauteur de 30%.
"À l’échelle de la France, la ressource d’anas est estimée à 500.000 tonnes/an, ce qui équivaut à 10 millions de blocs et à 12.000 logements. Notre matière est quasi inépuisable et ne subit aucune pression économique."
Votre région est particulièrement impactée par le changement climatique. Vos plantations ne risquent-elles pas d'être fragilisées ?
M. S. : Nous subissons en effet plus de précipitations. Mais le fort de l’être humain est de s’adapter. Alors nous nous adaptons, sachant que nous disposons de nombreuses variétés de types de lin. Nos ingénieurs agronomes sont de très haut niveau et savent planter des variétés de lin adaptées aux différentes saisons, nous avons par exemple des lins d’hiver (200 jours). Nous n’avons aucune crainte, nous disposons à la base d’une matière locale française très abondante portée par une filière forte et de qualité.
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