Les filières bâtiment et énergie demandent à l'unisson une relance de la rénovation

Les professionnels du bâtiment et de l'énergie tirent une nouvelle fois la sonnette d'alarme. Confrontés à un nombre de dossiers Ma prime rénov' "largement insuffisant" et à des ventes de produits et d'équipements "qui ne décollent pas", une vingtaine d'organisations professionnelles (voir ci-dessous*) ont pris leur plume pour signer un manifeste demandant à l'exécutif de créer des "conditions de marché favorables" à la rénovation énergétique.
Bien que le Gouvernement ait fixé l'objectif de 900.000 logements rénovés d'ici à 2030, la dynamique du secteur s'est visiblement enrayée. Dans un communiqué commun, les fédérations dénoncent "des changements de cap répétés en 2023-2024", "la complexité des dispositifs pour les particuliers et les professionnels" ainsi qu'une "mobilisation publique insuffisante" pour atteindre les objectifs climatiques fixés aussi bien par la France que par l'Europe. Ils regrettent au passage "un développement accru des fraudes" dans un contexte économique morose, notamment pour les industriels du CVC.
Pour eux, la relance du marché est donc "cruciale" et doit se traduire par des "systèmes thermiques performants", des outils de "pilotage énergétique", une "amélioration de la performance de l'enveloppe des bâtiments" ainsi qu'un "mix énergétique décarboné". Toujours d'après les 18 signataires, ces conditions ne pourront être remplies que si l'industrie franco-européenne est soutenue, l'écodélinquance combattue, les démarches administratives simplifiées, les dispositifs d'aide clarifiés, les financements renforcés et pérennisés.
Craintes sur les arbitrages budgétaires pour 2026
Rien de nouveau sous le soleil a priori, mais les acteurs veulent se positionner dès maintenant en vue des concertations sur le budget 2026, et alors que le Premier ministre François Bayrou vient de confirmer que son gouvernement cherchait à réaliser 40 milliards d'euros d'économies sur les dépenses publiques. "La filière ne peut être exclue de ces réflexions majeures qui structureront l'avenir du secteur et qui ne peuvent pas uniquement porter sur les enjeux budgétaires", plaident-ils.
En découle une vingtaine de propositions, réparties en quatre thématiques : la relance du marché, le développement de financements complémentaires aux aides de l'État, l'adaptation des dispositifs existants et le renforcement de la lutte contre les fraudes.
Concrètement, les 18 organisations professionnelles demandent de maintenir "un haut niveau de soutien" à la politique de rénovation énergétique ainsi que le parcours actuel des ménages, "en préservant les périmètres de financement des travaux par les CEE d'une part et par MPR d'autre part". Elles considèrent aussi que les ménages doivent, dans le cas des rénovations d'ampleur, "obtenir le versement progressif de l'aide de l'Anah (Agence nationale de l'habitat) lors de la réalisation de chaque geste", et qu'un parcours "incitatif" de rénovation globale "en plusieurs étapes" doit être proposé.
Faire une place à "toutes les solutions performantes et bas-carbone"
Dans la même idée, un parcours "digital et sécurisé" pourrait voir le jour afin d'optimiser les contrôles et de lutter contre les fraudes. Elles exhortent également les pouvoirs publics à intégrer "toutes les solutions performantes et bas-carbone" aux dispositifs d'aide, et à les rendre éligibles au taux réduit de TVA, tout en réduisant les droits de mutation afin d'inciter les propriétaires de passoires thermiques à se lancer dans des travaux.
La sensibilisation pourrait aussi passer par une campagne nationale d'information destinée au grand public, tandis que le Fonds vert devrait être maintenu à "un niveau élevé". Les ménages aisés ne devraient pas non plus être exclus, et au contraire même, soutenus "dès 2026" dans leurs chantiers. Plus largement, les occupants des logements pourraient être accompagnés "au pilotage énergétique pour la sobriété, et à la maintenance et l'entretien des équipements", et les copropriétés bénéficier d'une simplification de leurs obligations administratives en matière de rénovation.
Les 18 cosignataires demandent par ailleurs de "favoriser la rentabilité des travaux de rénovation grâce à des gains de surface sur le bâti existant", et souhaitent "mobiliser de nouveaux instruments financiers de marché dédié à la rénovation", l'idée étant d'alléger le reste à charge des ménages tout en sollicitant davantage les banques. Ils appellent de leurs vœux une "évaluation des politiques de soutien à la rénovation", qui pourrait, en fonction de ses résultats, déboucher sur "des mesures pour en assurer la bonne application".
Créer une base de données commune "des demandes d'aide et des chantiers aidés"
De même, l'audit énergétique pourrait être remodelé de sorte à proposer "si possible au moins deux scénarios avec des solutions bas-carbone différentes", mais pour des "performances énergétiques équivalentes". La filière veut aussi, plus vaguement, "encourager la transformation du bâti" et "développer massivement la décarbonation des usages", sans plus de précisions.
En matière de lutte contre la fraude, elle propose enfin de créer une base de données commune "des demandes d'aide et des chantiers aidés", et demande un meilleur partage d'informations entre les services combattant l'écodélinquance, ceux versant les aides, les organismes de qualification et la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes). Les acteurs veulent également que le démarchage abusif soit davantage sanctionné, et que cette dernière puisse suspendre, voire retirer la qualification RGE "en cas d'anomalies graves détectées lors des contrôles".
(*) L'Afpac (Association française pour les pompes à chaleur), l'AFPG (Association française des professionnels de la géothermie), la Capeb (Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment), Coédis (Fédération des distributeurs d'équipements et solutions électriques, génie climatique et sanitaires), l'association Énergies & Avenir, le syndicat Enerplan, la Fieec (Fédération des industries électriques, électroniques et de communication), la FFB (Fédération française du bâtiment), la FFQ (Fédération française de la quincaillerie, des fournitures pour l'industrie, le bâtiment et l'habitat), la FND (Fédération nationale de la décoration), le Gifam (Groupement des marques d’appareils pour la maison), le GPCEE (Groupement des professionnels des certificats d'économie d'énergie), Ignes (Alliance des industriels des solutions électriques et numériques), l'association Propellet, le SFCB (Syndicat français des chaudiéristes biomasse), le Sycabel (Syndicat professionnel des fabricants de fils et de câbles électriques et de communication), l'UFE (Union française de l'électricité) et Uniclima (Syndicat professionnel des industries thermiques, aérauliques et frigorifiques).
Lire aussi
-
Les entreprises de l'énergie proposent d'accélérer la rénovation en copropriété
-
Chauffage : pourquoi l'essor des réseaux de chaleur devrait être davantage considéré
-
Perceptions, freins, motivations : ce que les Français pensent vraiment de la rénovation énergétique
-
8 logements sur 10 présentent une anomalie électrique, pointe une étude