La filière énergie actualise sa stratégie industrielle pour rester dans la course

Par   Corentin PATRIGEON

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Publié le 14 février 2025
centrale énergie
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INDUSTRIE. Le Gouvernement et les représentants du Comité stratégique de filière "Nouveaux systèmes énergétiques" viennent de signer un nouveau contrat pour la période 2024-2027. Des groupes de travail vont être lancés sur les pompes à chaleur, la récupération de chaleur fatale industrielle, la géothermie et le solaire thermique.

Un nouveau document pour insuffler un nouveau cap. Ce vendredi 14 février, le Gouvernement et les représentants du Comité stratégique de filière "Nouveaux systèmes énergétiques" (CSF NSE, rattaché au Conseil national de l'industrie) ont signé un nouveau contrat couvrant la période 2024-2027.

Les ministres Agnès Panosyan-Bouvet (Travail) et Marc Ferracci (Industrie et Énergie), Sylvie Jéhanno, co-présidente du CSF NSE jusqu'en 2025 et présidente-directrice générale de Dalkia (filiale du groupe EDF), Stéphane Michel, co-président du CSF et directeur général "Gas, Renewables & Power" de Total Énergies, Laurent Bataille, président du CSF à partir de 2025 et président de Schneider Electric France, Claire Waysand, directrice générale adjointe d'Engie, et les représentants des organisations syndicales ont apposé leur signature sur le document.

Avec ce dernier, pouvoirs publics et professionnels réaffirment leur volonté de mettre à profit la transition énergétique pour moderniser l'outil industriel tricolore. La filière des "Nouveaux systèmes énergétiques" embarque les entreprises spécialisées dans les énergies et la chaleur renouvelables, les technologies de décarbonation ainsi que les réseaux et le stockage énergétiques, représentant plus de 50 milliards d'euros de chiffre d'affaires et environ 250.000 emplois en France.

Le CSF NSE a démarré ses travaux en 2018, mais il y a eu depuis une forte évolution du contexte international : le plan France 2030, le Pacte vert européen, l'invasion de l'Ukraine, l'IRA (Inflation Reduction Act) américaine…

-Aurélie Picart, déléguée générale du CSF NSE

"Le CSF NSE a démarré ses travaux en 2018, mais il y a eu depuis une forte évolution du contexte international : le plan France 2030, le Pacte vert européen, l'invasion de l'Ukraine, l'IRA (Inflation Reduction Act) américaine… Tout cela a amené l'Europe à se poser une question centrale : comment se positionner pour assurer notre transition énergétique ?", recontextualise Aurélie Picart, déléguée générale du comité.

Partant de là, le nouveau contrat stratégique de filière, "qui s'inscrit dans la continuité du premier et poursuit le travail collectif précédemment engagé", ambitionne de "construire un environnement économique et industriel propice à la concurrence et la compétitivité", tout en abordant "les questions de financement". Dans l'espoir de rééquilibrer les relations commerciales internationales et de sécuriser les approvisionnements, les acteurs comptent investir dans les compétences techniques et soutenir la recherche.

Garantir la souveraineté énergétique de la France

Le programme de travail du comité "fait l'objet d’un contrat stratégique qui formalise sur une période de deux à trois ans les engagements réciproques de l'État, des industriels et des organisations syndicales autour des grandes priorités du développement de l'industrie liée à la transition énergétique, en intégrant les enjeux d'évolution des métiers et des compétences", précise un communiqué commun au Gouvernement et au CSF.

Les actions mises en œuvre par les industriels doivent permettre de maintenir l'outil de production, mais aussi d'attirer et de développer sur le territoire national des technologies en lien avec les ENR électriques ou thermiques, le biogaz, l'hydrogène bas-carbone ou encore les batteries. Autant d'industries censées garantir la souveraineté énergétique de la France dans un monde désormais menacé par la guerre commerciale et la course à l'IA.

"Nous allons renforcer nos travaux avec l'État pour définir les technologies sur lesquelles concentrer nos actions."

-Laurent Bataille, président du CSF NSE à partir de 2025 et président de Schneider Electric France

"Le contrat de filière NSE illustre les synergies entre industrie et énergie, et incarne la politique de filière. La transition énergétique est pour ce secteur créatrice d'usines et d'emplois qualifiés sur le territoire national. Au travers d'objectifs concrets, ce contrat contribuera au renforcement de notre souveraineté et de la résilience de notre système énergétique", commente Marc Ferracci.

De son côté, Laurent Bataille se dit convaincu "que l'industrie française et européenne peut produire des champions dans la transition énergétique pour répondre aux défis climatiques, accélérer notre souveraineté énergétique, développer et exporter une industrie durable et décarbonée".

Ce qui implique toutefois de "mettre en place les conditions pour développer et fabriquer en France les équipements jugés stratégiques". La nouvelle feuille de route devrait faire partie de la réponse : "Nous allons renforcer nos travaux avec l'État pour définir les technologies sur lesquelles concentrer nos actions", souligne celui qui remplacera Sylvie Jéhanno à la présidence du comité cette année.

Des nouveaux groupes de travail sur la chaleur renouvelable et de récupération

Concrètement, le nouveau contrat formule "trois axes de travail". D'abord, la chaleur renouvelable et de récupération, sujet sur lequel quatre nouveaux groupes de travail ont été lancés en complément du GT qui planchait déjà sur le biogaz : ils s'intéresseront pour leur part aux pompes à chaleur, à la récupération de chaleur fatale industrielle, à la géothermie et au solaire thermique.

"Ces technologies sont amenées à se développer fortement, la chaleur représentant plus de la moitié des usages de l'énergie dans l'industrie, le tertiaire et chez le particulier", soulignent les industriels. "Cela suppose d'accompagner les projets, de simplifier les démarches et de former aux métiers de la transition énergétique", complète Sylvie Jéhanno.

Une attention particulière portée aux équipementiers

Le secteur de l'énergie souhaite également améliorer la flexibilité énergétique, jugée indispensable à la bonne gestion des réseaux et des ressources, ainsi que la décarbonation industrielle, grâce à un programme spécifique baptisé "Je décarbone" et qui met en lumière les solutions françaises et européennes en la matière.

Depuis son lancement en 2022, la plateforme a référencé 1.200 technologies et compte 5.700 utilisateurs. Une douzaine de rencontres nationales et régionales ont par ailleurs été organisées avec des partenaires spécialisées dans la transition énergétique et hydrique.

À l'instar d'autres secteurs d'activité, la filière des systèmes énergétiques s'attelle en outre à rendre sa profession plus attractive, notamment par le biais du "Label des métiers de transition énergétique".

Ce dispositif est censé aider les jeunes et les personnes en reconversion à identifier une centaine de diplômes, allant du CAP au Bac+3, qui contribuent "à produire, transporter et stocker une énergie durable et bas-carbone". Jusqu'à présent déployé par l'Onisep (Office national d'information sur les enseignements et les professions) et les Campus des métiers et des qualifications, il sera dorénavant aussi porté par l'Éducation Nationale, France Travail et les industriels eux-mêmes.

Baisser le coût de la transition

D'après le CSF, le nouveau contrat sera porté par 1.500 contributeurs, répartis dans 23 GT pilotés par des industriels et "avec une attention particulière portée aux équipementiers". "La coopération entre l'État et la filière est essentielle pour faire de l’impératif de décarbonation de nos consommations une opportunité de créer ou consolider une industrie française et européenne compétitive dans ces domaines", veut croire Stéphane Michel.

La filière claironne d'ailleurs que 75% des engagements du précédent contrat (2021-2024) ont été tenus. La mise en œuvre du plan d'investissement France 2030, de la loi Industrie verte et du crédit d’impôt au titre des investissements dans l'industrie verte (C3IV) auraient ainsi ouvert la voie à la création de giga-usines de batteries et au lancement d'une stratégie de capture, stockage et valorisation du carbone pour aider les 50 sites industriels les plus émetteurs à se décarboner.

"La transition énergétique n'est pas seulement un impératif, c'est aussi une source d'opportunités pour l'Europe et pour la France en particulier. Elle représente une occasion unique de renforcer notre indépendance énergétique et, bien menée, de restaurer notre compétitivité", insiste Claire Waysand. Mais pour être menée à bien, son coût devra être revu à la baisse, ce qui nécessite "d'activer un ensemble de solutions mobilisant toutes les énergies". La collaboration entre industriels et pouvoirs publics y a "un rôle clé à jouer", estime la directrice générale adjointe d'Engie.


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