Génie climatique : Uniclima dresse un bilan 2024 alarmant

Par   Steve CARPENTIER & Corentin PATRIGEON

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Publié le 12 février 2025
François Deroche, président de l'Afpac.
Steve Carpentier pour XPair
François Deroche, président de l'Afpac, lors de la conférence de presse annuelle de conjoncture de la filière du génie climatique, le 6 février 2025 à Paris.
MARCHÉ. Uniclima, l'organisation professionnelle des industries thermiques, aérauliques et frigorifiques, a publié ses chiffres pour 2024, faisant état d'une baisse marquée des ventes d'équipements dans le secteur du génie climatique. En dépit de cette conjoncture difficile, le syndicat croit en des solutions innovantes et performantes pour permettre au bâtiment d'atteindre ses objectifs climatiques.

À l'image du bâtiment, le génie climatique est sous tension. Car les deux marchés sont intimement liés : le climat des affaires dans le secteur du bâtiment n'a jamais été aussi dégradé depuis juillet 2020. La poursuite des défaillances d'entreprises et la stagnation des transactions immobilières à des niveaux équivalents à ceux de 2015 pèsent lourdement sur l'activité.

Cette situation s'explique notamment par la baisse de 11,1% des mises en chantier de logements et de 10% des locaux non résidentiels. Par ailleurs, le recul massif de 41% des dossiers Ma prime rénov' et de 50% des rénovations par geste accentue la crise. Seule exception, les rénovations d'ampleur enregistrent une progression de 28%, une tendance qui inquiète toutefois les industriels, davantage positionnés sur des solutions en mono-geste.

Chute historique des PAC air/eau

Lors de sa conférence annuelle du 6 février 2025, Uniclima a confirmé un bilan très négatif pour 2024. L'indicateur global des générateurs de boucle à eau chaude (chaudières gaz, fioul, biomasse, pompe à chaleur air/eau, eau/eau, hybrides et système solaire combiné) a chuté à 80 en base 100 par rapport à 2019. Les Pac air/eau, en particulier, ont connu une baisse spectaculaire de 40,4%, avec 182.648 unités vendues contre 306.534 en 2023, soit une perte de 124.000 unités en un an.

"Ces résultats sont une lourde déception et sont dus principalement au manque de compétitivité de l'électricité qui a accru l'écart avec les solutions fossiles", explique François Deroche, président de l'Association française pour les pompes à chaleur (Afpac) et membre du bureau d'Uniclima. "Les acteurs de la filière ont par ailleurs été perturbés par les réformes successives avec pas moins de 11 arrêtés en 2024, y compris l'imposition d'un diagnostic de performance énergétique sur les gestes simples."

Toujours sur le segment des Pac air/eau, le ralentissement du remplacement des chaudières fioul serait à l'origine d'une chute de 59% des équipements haute température. Les Pac géothermiques, quant à elles, peinent à s'imposer sur le marché avec une baisse de 23,8% des ventes, soit seulement 2.679 unités écoulées en 2024.

Un repli des chaudières gaz, fioul et biomasse

Les chaudières gaz-fioul n'ont pas enregistré de rebond notable malgré une hausse de 14,1% en 2024, avec 445.000 unités vendues contre 390.000 en 2023. "Le marché a tourné entre 2016 et 2020 autour de 600.000 unités vendues chaque année, avec un pic à 715.000 pièces en 2021", note Régis Luttenauer, membre du bureau d'Uniclima. "Une reprise demeure possible en 2025 car on continue de poser de la chaudière gaz dans le collectif. Nous croyons donc fortement à l'hybridation qui permettra notamment une intégration progressive des gaz verts."

En revanche, la situation est critique pour les chaudières biomasse, dont les ventes ont chuté de 45% en 2024, à seulement 9.230 unités. "Nous constatons une forte baisse très alarmante après une baisse de 60 % en 2023", précise Valérie Laplagne, responsable énergies renouvelables chez Uniclima. "Cela est dû essentiellement à la baisse des aides Ma prime rénov' en 2024, mais aussi à des tensions sur la ressource, et principalement les granulés, observée en 2022, avec toutefois un retour à la normale en 2023."

La prudence reste néanmoins de mise. "Il n'existe pas aujourd'hui de problème d'approvisionnement sur les combustibles, qui ont pu en effet à un moment faire l'objet de mouvements de spéculation sur les prix", poursuit Valérie Laplagne. "Nous nous attendons par ailleurs à une situation qui va s'aggraver en 2025, et nous souhaitons lancer un cri d'alerte pour le secteur alors que les enjeux de la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) laisse pleinement sa place à la biomasse comme contributeur de la chaleur renouvelable."

Une légère résistance des systèmes DRV, le solaire thermique en difficulté

Dans ce contexte morose, seuls quelques segments tirent leur épingle du jeu. Les Pac de plus de 20 kW ont maintenu leurs ventes avec 316 unités commercialisées en 2024. Les systèmes DRV (débit de réfrigérant variable) affichent une légère hausse de 0,9%, atteignant un record de 36.615 pièces vendues. "Nous sommes sur une solution flexible qui répond aux attentes du tertiaire, avec des petites unités qui résistent mieux", précise François Deroche.

En revanche, les Pac hybrides accusent une baisse de 24% à 3.300 unités, et les Pac air/air de moins de 17,5 kW reculent de 12,1%, à 800.615 unités vendues contre 910.420 en 2023. "Ces chiffres ont été influencés par une météo clémente en 2024, qui n'a pas conduit à des achats d'impulsion pour des besoins de rafraîchissement", abonde le président de l'Afpac. "La baisse sur les multisplits, qui est une solution qui permet de limiter le nombre d'unités extérieures, a été circonscrite à 6,7% avec 275.373 unités vendues en 2024, alors que la chute atteint 14,6% pour le monosplit."

Le solaire thermique souffre également en 2024 avec une baisse de 23% des surfaces installées, atteignant 56.000 m² contre 73.100 m² en 2023. Toutefois, les chauffe-eaux solaires combinés limitent la casse avec une baisse plus contenue de 9%.

La ventilation limite la casse

Le segment de la ventilation mécanique contrôlée (VMC) résiste mieux à la crise, en partie grâce à l'annonce d'une TVA réduite à 5,5% sur les systèmes hygroréglables. La VMC simple flux progresse de 4% dans le logement individuel avec 577.258 unités vendues, tandis que la double flux recule de 14,6%. Dans le collectif et le tertiaire, la simple flux enregistre une légère hausse de 2,1%, alors que la double flux baisse de 2,1%.

"La tendance baissière sur la double flux dans le collectif et le tertiaire n'est pas un hasard lorsque l'on sait que 70% des établissements d'enseignement disposent de fenêtres pour ventiler leurs espaces", explique Régis Luttenauer, membre du bureau Uniclima. "Pourtant, il est établi que 25% des déperditions de chauffage sont dues au renouvellement d'air. Il serait possible d'économiser dans le parc ancien 40 TWh par an si le parc ancien basculait sur des solutions de qualité."

Une année 2025 incertaine

Face à ces difficultés, Uniclima exprime des inquiétudes pour 2025. Le plan visant à produire un million de Pac air/eau par an en France d'ici 2027 semble de plus en plus difficile à atteindre. "Nous avions parlé d'une date possible en 2030 car nous n'avions pas à l'époque le tissu industriel nécessaire", rappelle Stanislas Lacroix, président d'Uniclima. "Nous avons planché sur 200 millions d'euros d'investissements et la création de quelque 1.000 emplois. Mais ça, c'était avant de faire face à une instabilité des dispositifs extrêmement dommageable, car le temps de montage d'une chaîne de production court entre cinq et dix ans."

Pour redresser la filière, Uniclima plaide pour une simplification des aides et une réduction du reste à charge des ménages. "Si nous avons salué le plan Industrie verte, il est beaucoup trop frileux", ajoute Stanislas Lacroix. Toutefois, l'efficacité de ces mesures reste incertaine face à un marché en plein marasme.


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