Dans les starting-blocks, les gaz renouvelables guettent "un signal politique clair"

Par   Corentin PATRIGEON

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Publié le 9 avril 2025
Crédit photo GRDF
Le SER, Gaz et Territoires, GRDF, Natran et Teréga ont présenté, le 3 avril 2025, le Panorama 2024 des gaz renouvelables.
ANALYSE. La méthanisation étant mature, les acteurs de l'industrie gazière préparent la génération technologique suivante. Un soutien financier et réglementaire leur semble cependant indispensable pour planifier leurs investissements et permettre aux molécules renouvelables de jouer un rôle dans la décarbonation.

L'industrie gazière persiste et signe : la feuille de route énergétique de la France manque d'ambition en matière de molécules renouvelables. Dans un entretien croisé à XPair, les présidents de France Gaz et Coénove, Frédéric Martin et Jean-Charles Colas-Roy, ont déploré le "biais électrocentré" de la troisième version de la PPE (Programmation pluriannuelle de l'énergie), dont la consultation publique vient de s'achever.

Les deux responsables ont avancé leurs propositions pour décarboner le bâtiment en assurant que la filière a la capacité de verdir sa production. Les autres acteurs du gaz leur ont emboîté le pas lors de la présentation, le 3 avril 2025, du Panorama 2024 des gaz renouvelables. Ils se sont félicité de l'objectif fixé par le texte pour 2030 (44 térawattheures PCS de biométhane injecté) mais ont regretté la fourchette annoncée pour 2035, qui oscille entre 44 et 79 TWh PCS et qui "risque d'envoyer un signal d'arrêt" aux producteurs.

Une méthanisation mature

Dans un communiqué commun, le SER (Syndicat des énergies renouvelables), Gaz et Territoires (le syndicat des entreprises locales de distribution de gaz), GRDF (le gestionnaire du réseau de distribution de gaz), Natran et Teréga (les deux transporteurs nationaux de gaz), appellent par conséquent à "une planification énergétique" pour assurer "un horizon stable et structurant" à la filière.

Celle-ci veut jouer un rôle dans le contexte actuel en conciliant réindustrialisation, souveraineté énergétique et transition écologique. Mais cela ne sera possible que si les pouvoirs publics adoptent des "mesures de soutien financier et réglementaire ambitieuses, en particulier pour les technologies complémentaires de production de gaz renouvelables et bas-carbone". Ce qui n'a pas toujours été le cas ces derniers mois : en 2024, le manque de visibilité et la baisse des aides de l'État a ralenti le rythme de raccordement des nouvelles installations de méthanisation.

Actuellement, le développement des gaz renouvelables se traduit surtout par la montée en puissance du biométhane. D'après le panorama, le parc raccordé affichait une capacité annuelle de 13,9 TWh au 31 décembre 2024, en hausse de 18% sur un an. Les 731 installations d'injection de biométhane (12% de plus qu'en 2023) ont produit l'année dernière 11,6 TWh, un chiffre en croissance de 27% sur 12 mois et qui représente "l'équivalent de la consommation d'environ 756.000 foyers". Le biométhane représente ainsi 3,2% de la consommation de gaz naturel de la France.

Des projets dans les tuyaux

Si la filière méthanisation a donc atteint une certaine maturité, les autres technologies, pour lesquelles la PPE ne fixe pas d'objectifs et pour cause, sont encore embryonnaires. On y trouve d'abord la pyrogazéification, un procédé de conversion thermochimique permettant de produire du gaz à partir de résidus solides dont le taux d'humidité est généralement inférieur à 20%, ainsi que la gazéification hydrothermale, qui se base pour sa part sur des déchets ou des mélanges de déchets dont l'humidité est comprise entre 50 et 80%.

Le power to méthane permet de combiner, via une réaction de méthanation, le CO2 avec de l'hydrogène renouvelable ou bas-carbone obtenu par électrolyse de l'eau, afin de produire du méthane de synthèse. La fabrication d'hydrogène renouvelable, elle, est précisément censée valoriser l'énergie électrique excédentaire en gaz flexible et stockable. Toutes ces technologies "permettent d'obtenir un gaz injectable dans les réseaux, qui sera qualifié de renouvelable ou de bas-carbone selon la nature de l'intrant", peut-on lire dans le rapport.

Trouver un "équilibre"

Les choses commencent malgré tout à bouger. La pyrogazéification et la gazéification hydrothermale font respectivement l'objet de 49 et 24 projets identifiés sur le sol français suite à deux appels à manifestation d'intérêt, mais la filière juge "urgent de faire émerger les premiers projets industriels" en envoyant un "signal politique clair" qui débloquera les investissements nécessaires au passage à l'échelle. "Plus de coordination et de priorisation dans les politiques publiques leur seraient bénéfiques", insistent les acteurs.

L'hydrogène ne manque pas non plus de projets dans les tuyaux (MosaHyc, RHYn, Hynframed, BarMar, HySoW, Hy-Fen...). Enfin, l'industrie planche sur le CO2 biogénique, aussi appelé bioCO2. Ce coproduit de la méthanisation peut, une fois capturé, être soit valorisé (dans l'agroalimentaire ou la production de e-carburants), soit être "séquestré". Une "filière française du CO2" est ainsi en train de se structurer autour de projets à Saint-Nazaire et Dunkerque, ainsi que dans le Sud-Ouest.

Pour passer à la vitesse supérieure, les acteurs estiment donc avoir besoin d'un "équilibre" entre "les dispositifs de soutien à la production, notamment pour les petites installations agricoles, les dispositifs de décarbonation de la demande tels que les certificats de production de biogaz (CPB) pour les secteurs résidentiel et tertiaire (...) et les soutiens à la décarbonation industrielle". Dans un entretien au Parisien, le Premier ministre François Bayrou a annoncé que la PPE devrait être adoptée fin avril à l'Assemblée nationale, à l'issue d'un débat sans vote.


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