Dans le tertiaire, moderniser l'éclairage représente "un potentiel de transformation énergétique considérable"

Par   Corentin PATRIGEON

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Publié le 3 février 2025
éclairage tertiaire
iStock/IR_Stone
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ANALYSE. Une enquête réalisée conjointement par l'Ademe, le Ceren et le Syndicat de l'éclairage revient sur les enjeux et bénéfices engendrés par la modernisation de l'éclairage professionnel dans le cadre d'opérations de rénovation. La réglementation est loin d'être respectée et les conséquences, économiques comme écologiques, ne sont pas négligeables.

C'est un sujet qui brille parfois par son absence dans les débats mais qui n'en demeure pas moins important, notamment à l'heure du décret tertiaire, du programme Édurénov' ou encore de la RE2020. Une enquête réalisée conjointement par l'Ademe (Agence de la transition écologique), le Ceren (Centre d'études et de recherches économiques sur l'énergie) et le Syndicat de l'éclairage revient sur les enjeux et bénéfices engendrés par la modernisation de l'éclairage professionnel dans le cadre d'opérations de rénovation.

"L'éclairage est un usage transverse à l'ensemble des secteurs qui a connu sur les 20 dernières années une évolution technologique importante", rappellent les auteurs. Développant : "L'apparition de sources lumineuses peu consommatrices et de ballasts performants associés à des solutions de gestion automatique efficaces, a ouvert la possibilité de réduire les consommations de cet usage de manière importante".

Publié courant janvier, le rapport s'est fixé pour objectif d'évaluer le respect de l'arrêté du 3 mai 2007 (modifié en mars 2017 et applicable depuis janvier 2018) relatif aux exigences de performance énergétique lors des travaux de modernisation. Il s'est plus précisément penché sur la mise en œuvre de trois exigences réglementaires : l'installation d'une puissance maximale de 1,6 W/m² pour 100 lux ; l'équipement en détection de présence ; et l'installation de systèmes de gradation automatique de l'éclairage en fonction de la lumière naturelle, avec un zonage maximal de 25 m².

Jusqu'à 91% de non conformité pour les établissements de moins de 1.000 m²

Concrètement, le Ceren a demandé à un échantillon de 13.000 à 17.700 établissements de répondre à un questionnaire consacré à ces problématiques. Et il en ressort que le secteur tertiaire a bien amorcé sa transformation énergétique : entre 2020 et 2022, la part des sites utilisant exclusivement des LED est passée de 28% à 46%, si bien que 84% intègrent aujourd'hui au moins une source LED dans leur éclairage, et que 46% recourent même exclusivement à des sources LED.

En revanche, le pli peine à prendre du côté de l'automatisation : seulement 35% des surfaces tertiaires disposent de systèmes de détection de présence, et 11% d'une gradation lumineuse en fonction de la lumière du jour - un chiffre qui bondit toutefois à 23% dans la catégorie des sites de plus de 10.000 m².

D'après l'enquête, il apparaît que seuls 15% des sites tertiaires procèdent à la rénovation annuelle de leur éclairage, dont 21% pour ceux de plus de 10.000 m² et 7% pour les plus petits. Plus embêtant, 70% de ces chantiers de modernisation ne respectent pas la réglementation en vigueur, avec jusqu'à 91% de non conformité pour les établissements de moins de 1.000 m², contre 49% pour les grandes surfaces.

La facture de l'éclairage hors résidentiel s'élève à 25 milliards de kWh par an

Au bout du compte, 54 millions de m² ont été rénovés en moyenne annuelle sur la période 2020-2022, "révélant un potentiel de transformation énergétique considérable", soulignent les auteurs. En attendant, le bilan reste en demi-teinte. "Cinq ans après la mise en application de l'arrêté rénovation de 2007 (...), force est de constater que la transformation du parc d'éclairage tertiaire reste insuffisante", résume l'étude.

La qualité des réhabilitations "soulève des interrogations", dans la mesure où les acteurs semblent privilégier "le moins-disant au détriment de la performance". L'Ademe, le Ceren et le Syndicat de l'éclairage soulignent que "l'analyse détaillée des installations jugées conformes révèle que cette conformité repose souvent sur des équipements préexistants plutôt que sur les nouveaux aménagements", ce qui pose d'autres questions sur le risque de défaillances.

"La modernisation de l'éclairage représente l'un des investissements les plus rentables en matière de rénovation énergétique, avec des économies d'énergie dépassant fréquemment 50%. Dans les bureaux, une rénovation conforme à la réglementation peut générer des économies annuelles de 8€ par mètre carré, combinant une réduction de 39 kilowattheures de consommation énergétique et 2,6 kg d'émissions de CO2 évitées", illustrent-ils.

L'éclairage tertiaire représente actuellement 1,6 million de tonnes d'émissions de CO2. Une rénovation bien menée de ces espaces permettrait de réduire cette empreinte carbone à 650.000 tonnes

Les chiffres globaux sont encore plus parlants : la facture énergétique de l'éclairage dans les bâtiments autres que résidentiels s'élève à 25 milliards de kWh par an, et aux 50% d'économies d'énergie induits par les LED et systèmes de pilotage automatique, peuvent encore s'ajouter 20% à 30% grâce aux automatismes. Au total, ce sont quelque 10 milliards de kWh qui pourraient ainsi être économisés, sachant qu'un éclairage moderne et bien conçu améliore aussi les conditions de travail en réduisant la fatigue visuelle.

Sans oublier le volet environnemental : "L'éclairage tertiaire représente actuellement 1,6 million de tonnes d'émissions de CO2. Une rénovation bien menée de ces espaces permettrait de réduire cette empreinte carbone à 650.000 tonnes, contribuant significativement aux objectifs de décarbonation", peut-on encore lire.

Les auteurs poussent les solutions actuelles, censées requérir moins de maintenance tout en offrant une durée de vie plus importante et en rendant plus flexible la gestion des espaces : "L'intégration de capteurs, l'interopérabilité des systèmes et la possibilité de supervision à distance permettent d'envisager de nouvelles fonctionnalités et optimisations, faisant de l'éclairage un élément central du bâtiment intelligent", assurent-ils.

Tester avant de déployer et bien choisir son fournisseur

Ils concluent leur propos en avançant six recommandations. D'abord, rester vigilant sur les offres commerciales "qui privilégient le prix au détriment de la qualité, des performances et de l'accompagnement client", et se conformer à la réglementation en vigueur, ce qui rend "indispensable" une expertise technique validée par des professionnels de confiance.

Ensuite, mettre en place une "zone test" servant à "valider les solutions techniques, définir la maintenance et mettre au défi le contrat" avant d'envisager un déploiement global. Il est également recommandé de "privilégier des solutions supervisables avec API (interface de programmation), permettant l'interopérabilité et l'intégration aux infrastructures existantes", sachant que "l'implication du service IT dès la conception est déterminante".

Enfin, les LED et systèmes de pilotage automatique sont vivement préconisés, tout comme le fait d'exiger "des garanties alignées sur la durée de vie des équipements" et "un accompagnement sur le long terme" par "des fournisseurs solides ayant fait leurs preuves dans le secteur".


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