Dans l'Oise, la deuxième plus importante centrale solaire de France déploie ses ailes
Un nombre, à lui seul, donne toute l’ampleur du projet : 331.830. Soit la quantité exacte de panneaux photovoltaïques qui, à terme, seront installés sur un terrain de 147 hectares situé à Creil, dans le département de l’Oise, au nord de Paris. C’est ici, dans cette commune, sur l’ancienne base aérienne désactivée mais appartenant encore à l’Armée de l’air française, qu’est actuellement construite la deuxième plus importante centrale de production d’énergie solaire en France.
Le projet fait suite à un appel à manifestation d'intérêt lancé en 2019 par le ministère des Armées. © Steve Carpentier pour XPair
Une base qui est à cheval sur trois communes, que sont Creil, Apremont et Verneuil-en-Halatte, et un lieu emblématique de la défense nationale.
Une ancienne base militaire emblématique
Si l'activité aéronautique permanente a cessé le 31 août 2016, et ses pistes fermées, la base, également connue sous le nom de "Lieutenant-colonel Guy de La Horie", a, pendant près de deux décennies, et ce, jusqu’en 1985, accueilli une unité de Mirage IV transportant la bombe atomique. Terminé, donc, les avions de chasse Mystère IIC, Super Mystère B2, Vautour et autres Casa CN-235, et place désormais à une ferme solaire sur ce qui reste encore une zone militaire, renfermant le pôle Interarmées de Creil-Senlis.
L'ancienne base aérienne qui se déploie sur un terrain de 253 hectares en a liberé 147 pour l'installation de la deuxième plus grande centrale solaire de France. © Steve Carpentier pour XPair
Suite à un appel à manifestation d’intérêt (AMI) baptisé "Place au soleil", lancé en 2018 par le ministère de la Transition écologique et solidaire, et visant à accélérer le déploiement de l’énergie solaire en France, le ministère des Armées a lancé dans la foulée ses appels à candidatures, en s’engageant à mettre à disposition 2.000 hectares de terrains militaires.
Un projet lauréat d'un appel à manifestation d'intérêt
En 2019, l’AMI porte sur la reconversion partielle de la base de Creil en ferme solaire géante. Lauréate, l’entreprise Photosol a planché sur le projet de Creil, avec l'appui en sous-traitance sur le volet structure et électricité de la société Omexom, une filiale de Vinci Énergies. Cette société est un producteur d'énergie solaire, pionnier depuis 2008 de l’agrivoltaïsme, appartenant depuis 2022 au groupe Rubis et exploitant actuellement 885 hectares de parcs, dont ceux de Bellac en Nouvelle-Aquitaine avec 20 MWc installés, de Salviac dans le Lot (4,5 MWc installés) ou encore de la Rochefoucauld en Charente (4,9 MWc installés).
Le site de Creil d'une puissance totale installée de 200 MWc, compte déjà 75 MWc en service. © Photosol
Si le dossier de permis de construire est déposé en 2020, il faudra trois longues années de travail pour mettre sur la table le programme, qui consiste à créer une centrale solaire d’une puissance totale de 200 MWc, avec une production annuelle de 200 GWh d'énergie électrique, permettant d’alimenter 85.000 personnes.
Six tranches de travaux
Pour l’heure, le site compte 75 MWc en service sur une surface totale de 50 hectares. Les 125 MWc restants seront raccordés d’ici à mai 2026, avec une livraison complète de la ferme solaire. "Au total, six tranches seront construites : Creil 1, Creil 2, Creil 3, Creil 5, Creil 6.1 et Creil 6.2", détaille Xavier Zucca, responsable programme chez Photosol. "La première tranche, sur une surface de 9 hectares avec 11 MWc de puissance installée, est en service depuis février 2024."
Xavier Zucca, responsable programme chez Photosol © Steve Carpentier pour XPair
"La deuxième tranche, avec 36 MWc, fonctionne depuis avril 2025, et la troisième tranche de 27 MWc a été raccordée au réseau en mai 2025. La prochaine tranche, de 50 MWc, sera mise en service en janvier 2026." Aujourd’hui, la centrale de Cestas, en Gironde, inaugurée en 2015, demeure la plus importante d’Europe, s’étalant sur pas moins de 260 hectares et affichant une puissance globale de 300 MWc.
Un terrain de 253 hectares partiellement protégé
Un site qui a, du reste, manqué de peu d’être égalé, voire détrôné, par Creil. En effet, le projet prévoyait au départ un déploiement sur 253 hectares de terrain, permettant d’atteindre, à l’instar de Cestas, 300 MWc de puissance globale. Mais c’était sans compter sur des impératifs environnementaux, d’une zone accueillant un certain nombre d’espèces protégées, tant de flore que de faune, comme le pipit farlouse, un passereau en fort déclin en France.
Une partie de l'ancienne base aérienne comprend des zones protégées qui ont contraint le projet à réduire ses prétentions de production d'énergie. © Steve Carpentier pour XPair
Pas étonnant : le terrain n’a pas été labouré depuis les années 40. Une végétation traditionnelle s’en est emparée, attisant l’intérêt de Natura 2000, qui a conclu des partenariats pour étudier la zone et la préserver. Les concepteurs du projet, qui auront travaillé en amont pendant deux ans, ont donc dû se contenter de 147 hectares, sur les 253 que compte la base aérienne 110 de Creil, après une enquête publique dont les conclusions ont été remises en juin 2023 à la Direction départementale des territoires de l’Oise.
Une opération de déminage nécessaire
"Pour installer les 331.830 panneaux photovoltaïques de l’industriel chinois Ginko, il aura toutefois fallu, avant tout, passer par la phase de dépollution pyrotechnique du site", poursuit Xavier Zucca. "À partir de novembre 2023, à une profondeur de 2 mètres, ce sont neuf engins datant de la Seconde guerre mondiale qui ont été déterrés, et plus de 75.000 cibles détectées et traitées sur la totalité de la centrale. À savoir des pièces métalliques d’espèces diverses."
Les panneaux solaires sont fournis par Ginko, un industriel chinois spécialiste du photovoltaïque. © Steve Carpentier pour XPair
Au volume considérable de modules solaires, il convient également d’ajouter à la liste 246 onduleurs, 110 km de câbles AC tirés, 1.800 km de câbles DC tirés, 17 points de raccordement et enfin 11 points de livraison.
Un rythme de travaux effréné
À chantier emblématique, personnel pléthorique, puisqu’à son pic, le projet emploie 250 personnes, dont pas moins de huit chefs de projet chez Omexom, et deux du côté de Photosol. Il faut dire que l’installation de Creil est conduite à un rythme effréné de 5 MWc installés par semaine. Par comparaison, une centrale solaire de la même puissance demande classiquement entre trois et six mois pour être mise en œuvre. Mais sur la base de Creil, hormis la superficie du projet, tout est différent.
Pas moins de 5 MWc de puissance sont installés par semaine. Au pic de l'activité, le site fait travailler 250 personnes. © Steve Carpentier pour XPair
"Lors de la construction d’une ferme solaire, les études sur l’impact de l’ensoleillement sur la faune et la flore sont primordiales, et nous ont demandé deux années d’étude", précise Hamza El Hassnaoui, directeur construction chez Photosol. "Nous avons donc établi un point bas des panneaux photovoltaïques à 1,1 m du sol, alors que, communément, nous sommes plutôt sur une distance de 0,8 m. Cette hauteur nous a demandé d’ajouter davantage de structure porteuse en acier galvanisé pour assurer la descente de charges."
Chaque module solaire pèse 32 kg. Le travail sur la reprise de charge des structures est le grand défi du chantier. © Steve Carpentier pour XPair
"Plus le panneau est haut, plus le poids est important sur la structure. Ce qui pèse, c'est la force du vent, qui appuie dessus, avec sur ce site exposé une prise au vent extrêmement contraignante."
Des fondations complexes
Les fondations, à 1,80 m, se sont pour leur part révélées complexes pour assurer la stabilité de l’ensemble, avec des panneaux pesant individuellement 32 kg. Différentes technologies d’ancrage ont été mises en œuvre : du pieu battu, du pieu foré et du pieu moulé dans du béton. Mais aussi de la longrine en béton.
L'absence de l'homogénéité des sols a demandé de s'adapter pour trouver le bon ancrage des structures porteuses des panneaux solaires. © Steve Carpentier pour XPair
"Sur ce site, nous avons soit de la terre, soit du béton, soit de l'enrobé", note Xavier Zucca. "Cela ralentit donc de manière importante les travaux et il faut s’adapter en permanence. Nous avons essayé de préserver au maximum les infrastructures béton, notamment les pistes. Pour y parvenir, nous avons utilisé une technologie d'ancrage mécanique et d'ancrage chimique, ce qui nous a permis de préserver les zones bétonnées historiques."
Trouver les bons ancrages
Un facteur de complexité rarement observé dans l’agrivoltaïsme conventionnel, qui se déploie généralement sur des sols homogènes. "Le procédé d'installation a été choisi en fonction de la nature du sol", complète Hakim Bouziane, responsable d’activité chez Omexom. "En effet, la descente de charge, c'est elle qui va régir comment réagit la structure quand il y a différentes contraintes qui lui sont appliquées, que ce soit du vent, de la neige, ou d’autres phénomènes."
Pour les fondations, les entreprises ont dû travailler avec trois types de sols : les infrastructures béton existantes, notamment les pistes, mais aussi l'enrobé et la terre. © Steve Carpentier pour XPair
"En fonction du terrain sur lequel va se situer la table, elle va réagir de manière différente. Cela va nous permettre d’estimer un ancrage qui lui est préférable, à savoir un ancrage mécanique sur les zones bétonnées, et un ancrage plutôt en pieu battu ou en pieu foré sur des zones enherbées, là où nous ne rencontrons pas d’obstacle comme des pierres."
Une puissance négociée en amont
Six mois d'études géotechniques auront été nécessaires pour définir les bonnes méthodes. La centrale solaire comprend trois types de panneaux photovoltaïques différents, avec trois puissances différentes : 595 Wc, 605 Wc et 610 Wc. Si l’ensemble des panneaux développait une puissance de 610 Wc, un mégawatt supplémentaire aurait pu être produit par la centrale.
Six mois d'études géotechniques auront été nécéssaires pour le projet. © Steve Carpentier pour XPair
Mais Photosol, conformément à sa demande de puissance déposée auprès de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), doit la respecter. D’autant que la CRE regarde également le poids carbone du panneau photovoltaïque et son impact. Plus l’on monte en puissance, plus l'empreinte carbone est élevée. Photosol est donc demeuré dans les clous réglementaires.
Lancement de financement participatif
Le projet de la base de Creil a demandé un investissement de 130 millions d’euros, financés par Photosol et la Caisse des dépôts et consignations, partenaire du projet. Des campagnes de financement participatif, en partenariat avec Lendopolis, ont par ailleurs été lancées par Photosol, avec 930.000 € levés pour la tranche Creil 1, pour une puissance de 11,4 MWc.
Le projet a demandé un investissement de 130 millions d'euros. © Steve Carpentier pour XPair
L’entreprise compte lever prochainement, pour Creil 3, la somme de 108.700 €, pour une puissance installée de 26,2 MWc. De quoi se garder une belle place au soleil.
Fiche technique
Lieu : Base aérienne 110 de Creil (Oise)
Maîtrise d'ouvrage : Photosol
Lot structure : Forming AG
Fournisseur de points de livraison : SEL
Fournisseur d'onduleurs centralisés : SMA
Responsable déminage : Deminetec
Bureau de contrôle électricité et structure : Alpes Contrôle
Travaux de démolition : Wanty
Lot montage et électricité : Omexom
Fournisseur d'onduleurs : Huawei
Fournisseur des modules photovoltaïques : Jinko
Travaux forestiers : Loiseleur
Coordinateur SPE : Socotec
Montant des travaux : 130 millions d'euros HT
Livraison et mise en service totale : mai 2026
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