Les projets solaires en milieu rural face au paradoxe de l’acceptabilité

Par   Émilie WOOD

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Publié le 3 novembre 2025
© iStock/imacoconut
Une centrale solaire photovoltaïque.
ENR. Comment expliquer que malgré leur image positive, de nombreux projets de centrales solaires doivent lutter pour être acceptés sur les territoires ? Les organisateurs du salon EnerGaïa ont proposé une table ronde autour de la concertation publique et du rôle des élus pour tenter d’y voir plus clair.

"Quatre-vingt-quatre pour cent des Français interrogés déclarent avoir une bonne image des énergies renouvelables, solaire et hydraulique en tête, suivis de la géothermie et du biogaz, et même les riverains d’installations affichent une adhésion renforcée [94 %, NDLR], ce qui souligne les retombées économiques locales et relativise les nuisances." Ce sondage Ifop de mai 2025 a été évoqué par l'animatrice Nathalie Croisée, lors d'une table ronde intitulée "Transition énergétique, entre adhésion locale et tension électorale", organisée en octobre par le forum EnerGaïa.

Les organisateurs de l'évènement dédié aux énergies renouvelables, qui se tiendra les 10 et 11 décembre à Montpellier, ont également relayé un autre sondage du Réseau Action Climat : publié cet automne, celui-ci souligne que les Français sont très préoccupés par les enjeux environnementaux et climatiques et qu’ils sont favorables à 89 % aux panneaux solaires sur bâti existant et à 75 % au développement des ENR, éolien et solaire.

Pourtant, l’installation de nombreux projets ENR d’envergure font débat, leurs éventuelles perturbations des usages du territoire – souvent en zone rurale – étant en jeu. Pour que la perte d’un terrain soit acceptée par la population, il faut que les ruraux y trouvent leur compte, souligne Pascal Le Brun, maire d’Alix, une petite commune de 780 habitants dans le Rhône, mais aussi vice-président de la communauté de communes et du syndicat départemental d’énergie.

"Si on installe un gros projet éolien à côté d’une petite commune sans que cela lui rapporte, je ne suis pas convaincu qu'il soit accepté. Que cela soit bon pour le climat n’est pas suffisant. C’est là où le partage de la valeur a toute sa place", relève l'élu.

Le rôle de la concertation

Représentant la CNDP, la Commission nationale du débat public, Nathalie Durand insiste sur l’importance de la participation de toutes les parties prenantes afin qu’un projet soit adapté au territoire et accepté. "La CNDP est chargée de garantir le droit de l’information et de la participation du public, et d’appuyer et d’accompagner les démarches participatives. Est-ce que cela met en retard les projets ? Non, parce que nous intervenons vraiment très en amont. Nous aidons les publics à échanger sur l’avenir de leur territoire, notamment en termes d’énergies renouvelables."

La procédure dure entre 3 et 11 semaines, afin d’informer les riverains sur l’existence du projet, ses objectifs, son coût... "On va à la rencontre de l’ensemble des acteurs, et, s’il y en a, des opposants, afin de connaître leurs besoins, leurs souhaits et de débattre ensemble." Le déroulement de ces échanges est rendu public et le porteur de projet peut faire en sorte de tenir compte des inquiétudes éventuelles des riverains. La CNDP peut intervenir sur tous types de projets, quel que soit leur taille, dans la mesure où le besoin de consulter les habitants est nécessaire.

Par exemple, le projet Horizeo, qui prévoyait initialement de défricher une parcelle de 2.000 hectares de forêt industrielle en Gironde pour y installer des panneaux solaires, a été revu à la baisse pour tenir compte des besoins de l’industrie du bois et des autres utilisateurs de la forêt (chasseurs, groupes militaires, associations environnementales). Aujourd’hui, 680 hectares seulement seront installés et 430 hectares de friches sont conservés pour la biodiversité.

L’influence des élus

"Les élus ont un rôle extrêmement important : ils ont un travail à faire pour faire comprendre, pour expliquer les retombées de ces projets", note Fabrice Hamelin, professeur des universités en sociologie à l’Institut d’études politiques de Fontainebleau et expert en sociologie de l’action public.

"Désormais, on sait qu’il va y avoir des controverses, des résistances, des refus […]. Le permis légal d’opérer, c’est très bien, mais aujourd’hui on a aussi besoin d’un permis social d’opérer si on ne veut pas que les projets s’arrêtent à mi-chemin, qu’ils soient détournés, contournés. Quitte à prendre plus de temps qu’initialement prévu pour débattre, il est important de prendre en compte ce débat", poursuit-il.

Bien sûr, selon les connaissances des élus sur ces sujets, la probabilité d’acceptation sera plus ou moins grande. "Le lien avec les élections est direct, parce qu’on voit bien que certains maires, en préparation des municipales, se positionnent parfois défavorablement sur ces projets pour éviter d’avoir des retombées négatives. Pourtant, nous, au Cese (Conseil économique, social et environnemental), on sait faire des compromis pour que toutes les parties prenantes y trouvent leur compte", nuance Nicolas Richard, conseiller au Cese et vice-président de France Nature Environnement.

Le débat n’est pas une garantie

Mais le débat initial ne garantit en rien qu’il n’y aura pas un recours ou d’autres oppositions par la suite, une fois que le projet sort de terre. "On peut aussi mettre en place d’autres dispositifs, comme des systèmes de garants qui suivent la mise en œuvre du projet sur le long terme et qui accompagnent et rendent compte aux parties prenantes, aux maires, aux groupes qui se sont mobilisés", conclut Fabrice Hamelin. Rendez-vous est donné à l'ensemble des acteurs le mercredi 10 décembre au Forum EnerGaïa, à Montpellier, pour une plénière d’ouverture sur cette même thématique.


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