Comment le projet de chaudière à gaz Ch0C compte décarboner l’industrie

Par   Pascal POGGI

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Publié le 3 juillet 2025
Crédit photo Pascal Poggi pour XPair
Seize partenaires développent une nouvelle chaudière de forte puissance utilisant l’oxycombustion pour réduire de 90% les émissions directe de CO2 lors de la production de vapeur.
EN IMAGES. Seize partenaires développent une nouvelle chaudière de forte puissance utilisant l’oxycombustion pour réduire de 90% les émissions directes de CO2 lors de la production de vapeur. Reportage.

Quantité d’industries, depuis l’agroalimentaire jusqu’à la chimie, en passant par l’industrie pharmaceutique, la transformation du plastique et du caoutchouc, la transformation de la viande, la métallurgie ou la blanchisserie utilisent de grandes quantités de vapeur.

Toutes énergies confondues, les chaudières industrielles contribuent pour 23% des émissions globales de gaz à effet de serre de l’industrie française. Décarboner celle-ci passe donc par la décarbonation de la production de vapeur. Rappelons que, selon la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) de la France, l’industrie doit diviser ses émissions de GES par 5 d’ici à 2050.

(Toutes les photos sont créditées Pascal Poggi pour XPair)

Le projet Ch0C a réuni 16 partenaires, tant techniques que financiers, et de potentiels utilisateurs. TotalÉnergies, selon son "CO2 capture director" Luis Robles, exploite déjà un projet avec oxycombustion, capture et stockage du CO2 à Lacq (Pyrénées-Atlantiques).

Fives, représenté à l’inauguration du projet Ch0C le 25 juin par Xavier Nicols, son directeur général (à droite), et Babcock Wanson ont respectivement fourni le brûleur et la chaudière de 3 MW.

L’oxycombustion et captage du CO2

La chaudière Ch0C, conçue pour réduire fortement les émissions de GES, met en œuvre des technologies déjà connues, mais rarement rassemblées dans un même générateur : oxycombustion, condensation de la vapeur d’eau contenue dans les produits de combustion et captage du CO2. Le projet consiste à développer une gamme de 1 à 20 MW de puissance, utilisant l’oxycombustion.

La combustion a besoin d’un combustible – en l’occurrence le gaz naturel – et d’un comburant contenant de l’oxygène, la plus souvent l’air ambiant. Dans le projet Ch0C, l’air ambiant est remplacé par de l’oxygène pur, en réalité du dioxygène O2. L’air contient en effet 78% d’azote, et lors d’une combustion, l’azote absorbe de la chaleur et réduit le rendement. Dans une oxycombustion, la température des flammes augmente significativement, le volume de CO2 est multiplié par 10 dans les gaz de combustion.

Les produits de combustion dans une oxycombustion sont principalement du CO2 et de la vapeur d’eau (H2O). Pour réduire le risque d’une production de NOx due à la température de flamme élevée, la chaudière Ch0C organise une recirculation des produits de combustion, pour obtenir non plus du dioxygène pur comme gaz comburant, mais un mélange O2 + CO2 + H2O. Ce qui réduit la température de combustion, augmente le rendement et produit des fumées encore plus concentrées en CO2.

La vapeur d’eau dans les fumées est condensée et le CO2 contenu dans les produits de combustion est liquéfié et capté. De nombreux industriels ont besoin de CO2 dans leur processus de production : le CO2 capté est stocké, valorisé sur site ou bien transporté vers d’autres industriels.

La chaudière Babcok de 3 MW contient un corps de chauffe classique, en pression, calorifugé. Il est équipé d’une sonde de température au début et à la fin du parcours de flamme. Son circuit de fumées est soigneusement étanche. La chaudière est équipée d’un système de récupération de chaleur pour préchauffer l’eau à 85°C avant son entrée dans l’échangeur.

Seize partenaires

Début décembre 2023, le projet Ch0C a été lauréat de l’appel à projet France 2030 DEMIBaC lancé par l’Ademe. Il rassemble 16 acteurs, au sein d’un consortium piloté par Naldeo Technologies et Industries, qui a assuré la coordination de l’ingénierie du projet dès l’origine. Les autres partenaires sont :

- Babcock Wanson qui a fabriqué la chaudière de 3 MW utilisée pour le test,

- Fives qui a conçu et fourni le brûleur Pillard intégré à la chaudière,

- Verdemobil Biogaz qui fournit le système de captage et de liquéfaction du CO2,

- Engie Solutions qui accueille sur son site de de Villers-Saint-Paul (Oise) le démonstrateur de 3 MW,

- GRDF, NaTran (ex-GRTGaz), TotalÉnergies, Eiffage Énergie Systèmes, l’Université de Paris,

- Et de potentiels utilisateurs : Agrial, Agro Mousquetaires, Bonduelle, Carboneo, Coca-Cola, Constellium.

Fives a fourni l’élément rose : un brûleur à oxycombustion et bas NOx, à prémélange, avec recirculation des produits de combustion pour réduire la température en chaque point de la flamme.

Le brûleur Fives est alimenté par trois rampes : azote, CO2 et oxygène. Cette première installation est un prototype qui servira à de nombreux tests, organisés et suivis par le Crigen, le laboratoire d’Engie. Ces trois portiques sont destinés à simuler la composition de différents gaz : le biogaz contient du CO2, par exemple, tandis que le gaz naturel contient plus ou moins d’azote selon sa provenance. En ce moment, la chaudière ne fonctionne pas encore en oxycombustion, mais seulement en air comburant pour sa période de mise au point.

En sortie de cheminées, la température des fumées est descendue à ≥ 5°C du point de rosée. La fumée est épurée pour la débarrasser des Cov, etc.

Les fumées sont ensuite compressées à 19 bars, leur température est descendue à -60°C du point de rosée pour permettre leur assèchement. Le CO2 est capté, liquéfié, compressé à 19 bars et stocké à -21°C. Il est alors pur à 99,9%.

L’oxygène nécessaire à l’oxycombustion est fourni par Linde.

Engie Solutions estime qu’il y a en France 2.000 chaudières gaz dans les puissances de 3 à 20 MW, produisant de la vapeur et susceptibles d’être remplacées par une chaudière Ch0C. Le remplacement de 1.000 chaudières industrielles par cette nouvelle chaudière pourrait permettre d’éviter l’émission de 4 millions de tonnes de CO2 par an.

La chaudière Ch0C devrait être commercialisée dès l’an prochain. En coût complet d’exploitation, hors taxes, la Ch0C devrait afficher des coûts en euro par kWh de vapeur produite jusqu’à 40% inférieurs à ceux d’une chaudière électrique, et au minimum équivalents à ceux d’une chaudière biomasse.


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