Bois-énergie : quel va être l'impact du bouclage biomasse sur le chauffage ?

Par   Corentin PATRIGEON

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Publié le 5 juin 2025
Crédit photo iStock/catalby
Actuellement, 64% de la récolte de bois opérée par l'ONF (Office national des forêts) pour l'ensemble des usages proviennent "d'une surmortalité des arbres en forêt, liée au dépérissement".
ANALYSE. À l'occasion de la Journée bois-énergie, les acteurs sont revenus sur les nombreux enjeux de la ressource, à commencer par les conséquences du bouclage biomasse sur l'avenir du chauffage au bois. Ils en ont profité pour adresser un message aux pouvoirs publics.

"Bouclons la boucle !" Tel était le mot d'ordre de la 4e Journée bois-énergie, organisée ce 4 juin 2025 par le Cibe (Comité interprofessionnel du bois-énergie), l'association Amorce (des collectivités et acteurs locaux engagés dans la transition écologique), la Fedene (Fédération des entreprises de services en énergie et environnement), la FNCCR (Fédération nationale des collectivités concédantes et régies), Propellet (association du chauffage au granulé de bois) et le SER (Syndicat des énergies renouvelables).

Parmi les enjeux de la ressource bois auxquels s'est intéressé l'évènement, la question du bouclage biomasse et de la transition énergétique des territoires ont occupé une place importante dans les débats et retours d'expérience. Les participants ont d'abord rappelé que la majorité de l'énergie consommée en France sert à produire de la chaleur, afin de chauffer les bâtiments, de produire de l'eau chaude sanitaire ou encore de permettre à certains procédés industriels de fonctionner.

Mais si la chaleur représente près de la moitié de la consommation énergétique, sa production repose encore à 60% sur des importations d'énergies fossiles, et elle est responsable de plus de 30% des émissions de carbone du pays. Le bois-énergie destiné aux usages domestique, industriel et tertiaire pèse pour sa part 60% de la production de chaleur des énergies renouvelables, ce qui en fait donc, d'après ses acteurs, "la première ENR de France".

Selon l'édition 2024 du Panorama de la chaleur renouvelable et de récupération du SER, le chauffage au bois domestique représente une production de 73 térawatts-heures, quand les chaufferies bois pour le collectif, l'industriel et le tertiaire produisent 31,1 TWh. Le nombre de ménages utilisant le bois-énergie comme chauffage principal ou d'appoint s'élève à 8 millions, dont 2 millions ayant fait le choix du granulé.

Gains technologiques

Au-delà de son intérêt pour la décarbonation et la souveraineté énergétique, les promoteurs du bois-énergie mettent en avant la robustesse de ses chaînes d'approvisionnement et ses engagements en matière de durabilité. Ces derniers seraient d'autant plus stricts que la ressource est encadrée par la directive européenne Red II (Renewable Energy Directive), dont la troisième version devrait prochainement arriver.

Ce qui fait dire aux organisateurs que la réponse à la question du bouclage de la biomasse est sans appel : "L'analyse de risque des critères Red II liée au bois-énergie est formelle : risque faible à négligeable de s'approvisionner en biomasse non durable en France", indiquent-ils dans le dossier de presse de l'évènement. Un constat qui s'explique par le fait que "la France s'inscrit depuis longtemps dans une gestion durable de ses forêts et ne prélève que 60% des matières ligneuses (les matières premières exploitables de la forêt, NDLR) qui poussent tous les ans, et donc continue à stocker davantage de bois".

Autre explication avancée : les "importantes avancées technologiques" en matière de "performance des appareils et installations". D'après la filière, le rendement des équipements domestiques est passé de 20% à 90% "en quelques années", tandis qu'une "marge d'amélioration de 10%" est "en passe d'être atteinte" dans le collectif. "C'est pour la production de chaleur que l'utilisation du bois donne actuellement les meilleurs rendements", insistent les cinq acteurs.

Ressource locale

Le bois-énergie alimentant les chaufferies domestiques et collectives s'inscrirait par ailleurs dans une chaîne de valeur locale et vertueuse. Selon le SGPE (Secrétariat général à la planification écologique), 48% de cette ressource proviennent de bois issus de la gestion forestière, 18% de bois "hors forêt" (parcs, jardins, haies), 14% de déchets bois, 12% de résidus d'industries et 8% de résidus de scieries.

Le risque de difficultés d'approvisionnement et donc de bouclage biomasse se poserait d'autant moins que la forêt occupe un tiers du territoire métropolitain, ce qui fait que "toutes les régions françaises disposent de cette ressource renouvelable et locale", dans un rayon "généralement" de moins de 200 km.

La filière attire aussi l'attention sur son poids économique, rappelant qu'elle fait vivre 52.800 emplois directs et indirects, et probablement 25.000 de plus d'ici à 2030. Des salariés qui travaillent par exemple sur la construction et l'entretien de réseaux de chaleur desservant des logements individuels et des infrastructures collectives, sachant que le chiffre d'affaires de la filière s'élève globalement à 5,1 milliards d'euros.

Renouveler le parc domestique existant

Sur le plan climatique, l'équation est cependant plus complexe. Les Observatoires régionaux et territoriaux énergie climat air (Oreca) ont calculé que 20% des gaz à effet de serre émis en France étaient atténués par la filière forêt-bois, dont deux tiers par les massifs et le tiers restant par les usages de la ressource.

Dans le même temps, le Giec (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) alerte sur les conséquences importantes que le réchauffement climatique a déjà sur les écosystèmes. Actuellement, 64% de la récolte de bois opérée par l'ONF (Office national des forêts) pour l'ensemble des usages proviennent "d'une surmortalité des arbres en forêt, liée au dépérissement". Ce qui interroge sur la résistance des essences face à la multiplication des canicules, sécheresses et autres épisodes météorologiques violents.

Dans tous les cas, les cinq organisateurs demandent au Gouvernement "que soit prise en compte et reconsidérée la place du bois-énergie dans la stratégie énergétique de la France". Autrement dit, que le soutien à cette filière soit "affirmé, clair et stable", notamment pour assurer le renouvellement du parc domestique existant.


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