Bois-énergie : Poujoulat se veut rassurant... et avance ses pions

Par   Corentin PATRIGEON

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Publié le 17 septembre 2025
© Corentin Patrigeon pour XPair
Frédéric Coirier, président-directeur général du Groupe Poujoulat.
STRATÉGIE. Diversifiant son activité dans la ventilation et le bois-énergie, le fabricant de conduits de cheminée et cheminées industrielles a vu sa croissance bondir ces cinq dernières années. La preuve selon lui que la filière a de belles perspectives devant elle.

Fondé en 1950, Poujoulat souffle en 2025 sa 75ᵉ bougie. Entre-temps, des opérations de développement et une diversification de ses activités lui ont permis de faire croître aussi bien ses effectifs que son chiffre d'affaires, qui atteignent aujourd'hui respectivement 1.700 salariés (dont 1.300 en France) et 348,9 millions d'euros (57 % réalisés en Europe, 43 % dans l'Hexagone).

Ces cinq dernières années, le fabricant a surfé sur une croissance de 42 %, portée évidemment par son activité historique de conduits de cheminée et de cheminées industrielles (passée de 163 à 200 millions d'euros entre 2020 et 2025), mais aussi par son activité bois-énergie qui a doublé sur l'intervalle (de 82 à 149 millions).

Probablement la conséquence des 130 millions d'euros investis dans le renouvellement de l’outil industriel depuis 2020, une enveloppe dont les trois quarts ont bénéficié aux sites de production français, notamment pour y pousser la mécanisation. Dans le secteur du CVC, l'acquisition en 2024 du réseau de ventilation Vitalome a été remarquée et semble porter ses fruits. "Nous sommes confiants sur la montée en puissance de ces produits", assure Frédéric Coirier, le président-directeur général du Groupe Poujoulat.

Apport de technologie et personnalisation

L’industriel renforce par ailleurs son offre de services pour ses cheminées industrielles, et développe en parallèle l’activité design et mobilier urbain Outsteel, qui propose l’habillage de climatiseurs et pompes à chaleur.

"À défaut d’avoir des volumes, le fait d’amener de la technologie et de la personnalisation permet d’avoir une valeur unitaire plus importante pour nos clients professionnels", explicite Frédéric Coirier. "L’idée est d’être à la pointe, par exemple pour intégrer des ballons thermodynamiques individuels et connectés à un conduit en logement collectif."

Pour son activité bois, le fabricant propose deux approches : une marque de distribution avec la place de marché Woodstock (5.000 points de vente en France) et le réseau spécialisé Crépito qui compte 300 distributeurs. Des bases suffisamment solides pour affronter la conjoncture actuelle et future ?

"On est sur un plateau, avec une relative stabilité de l'activité en 2024 et en 2025 en raison des questionnements liés à la situation politique et économique", admet Frédéric Coirier. Le responsable note malgré tout quelques signes, "fragiles", de relance dans le neuf, "à confirmer", alors qu'une reprise plus franche serait à l'oeuvre dans l’ancien.

Le bois-énergie va-t-il "retrouver une dynamique" ?

En matière de chauffage au bois individuel, Poujoulat estime avoir désormais de la visibilité "au moins jusqu’à la fin 2026", suite aux derniers arbitrages sur MaPrimeRénov'. Certes, "les incertitudes, les changements et l'attentisme qu’on a connus depuis deux ans ont eu un impact sur le marché et les comportements des consommateurs", mais l'entreprise dit observer une hausse des ventes de poêles à granulés et rappelle que la moitié du parc est constitué d'équipements anciens qu'il faudra tôt ou tard renouveler.

"Le trafic ne manque pas mais les prises de décisions sont plus lentes", affirme Frédéric Coirier. D'après lui, "le marché devrait retrouver une dynamique dans les prochains mois dès lors que les choses seront clarifiées". Dans leur étude sur le marché 2024 des appareils domestiques de chauffage au bois, l'Observatoire des énergies renouvelables et l'Ademe (Agence de la transition écologique) ont pourtant constaté que tous les segments étaient en repli, et que le secteur passait pour la première fois sous la barre des 300.000 unités vendues.

"On considère que l’électrification est en marche mais on ne pourra pas tout faire avec l’électricité. Il y a un sujet de disponibilité, de puissance, d’usages et d’investissements. On aura donc besoin du gaz et du bois-énergie, qui représente 20 % de la chaleur consommée dans les logements européens et 75 % de la chaleur renouvelable consommée en Europe."

Frédéric Coirier, PDG du Groupe Poujoulat

Quoi qu'il en soit, Poujoulat se dit aussi optimiste s'agissant des cheminées industrielles, qui bénéficient des mouvements de décarbonation de l’industrie et de développement des réseaux de chaleur. La croissance devrait également se poursuivre dans le bois-énergie, avec un prix du granulé qui se stabilise, voire augmente légèrement sur l’hiver 2025-2026.

Les produits affichent une bonne disponibilité (Poujoulat affiche une capacité de production de 380.000 tonnes de granulés et 400.000 stères de bois) tandis que l’exigence de combustibles de qualité est de plus en plus forte chez les consommateurs. Et "le bois-énergie reste 1 à 2 fois moins cher que les autres sources d’énergie", clame Frédéric Coirier.

Hybrider, encore et toujours

Poujoulat pense ainsi avoir trouvé sa place - et son rôle - dans le vaste chantier de la transition énergétique. "On considère que l’électrification est en marche et nous ne sommes pas contre ce changement, mais on ne pourra pas tout faire avec l’électricité. Il y a un sujet de disponibilité, de puissance, d’usages et d’investissements. On aura donc besoin du gaz – 40 % des foyers européens sont chauffés au gaz – en remplaçant et en verdissant le parc de chaudières, et on aura besoin du bois-énergie, qui représente 20 % de la chaleur consommée dans les logements européens et 75 % de la chaleur renouvelable consommée en Europe", détaille Frédéric Coirier.

Voici donc encore un acteur du génie climatique qui plaide pour l'hybridation des solutions et un bouquet énergétique qui n'oppose pas les sources entre elles. Car Poujoulat n'est pas seul à défendre sa cause : il travaille de concert avec le laboratoire Ceric (spécialisé dans les essais et certifications) qui mène régulièrement des études dans le secteur, et a mobilisé les 20 plus gros fabricants européens d’appareils de chauffage au bois pour travailler sur la défense de leur filière et argumenter le débat face à la Commission européenne, de sorte que la réglementation en préparation pour 2027 aille dans leur sens.

Le fabricant s'est aussi livré à un exercice de prospective intéressant, en projetant à horizon 2035 l'évolution du parc : aujourd'hui composé de 8 millions d'appareils en France et 48,5 millions en Europe, ce dernier pourrait grimper d'ici à 10 ans à 10,5 millions en France et 53 millions en Europe. La consommation d'énergie primaire passerait quant à elle de 72 térawattheures en 2025 à 61 TWh en 2035 pour la France, quand la part du chauffage au bois domestique dans la chaleur résidentielle de l'Hexagone progresserait de 25 à 30 % sur le même laps de temps.

Amélioration des appareils et des combustibles

"À l’échelle européenne, nous ferions 10 % d’appareils en plus mais 23 % de consommation primaire de combustibles en moins, et 70 % d’émissions de PM 2,5 en moins", ajoute Frédéric Coirier. Les baisses de la consommation et des émissions s'expliquant par l'amélioration technique des appareils et le gain de qualité des combustibles.

Pour relever ce défi, "nous proposons aux professionnels un écosystème centré sur la performance énergétique pour répondre à beaucoup d’enjeux, complémentaires et connexes, et offrir plus de possibilités aux attentes des consommateurs", résume le PDG du Groupe Poujoulat.

Bien qu'il ne soit pas encore propriétaire forestier, l'industriel avance enfin ses pions dans le dossier stratégique de l'approvisionnement en combustibles. "Nous avons créé cette année une structure à l’échelle nationale qui assure à la fois de l’exploitation forestière et du négoce de bois", conclut Frédéric Coirier.


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